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clovis - L'Histoire antique des pays et des hommes de la Méditerranée

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<strong>la</strong> fougue, l’é<strong>la</strong>n, l’enthousiasme, l’horreur du repos, le génie <strong>de</strong> <strong>la</strong> lutte <strong>et</strong> <strong>la</strong><br />

passion <strong>de</strong> <strong>la</strong> gloire. L’exubérance d’une jeunesse intacte bouillonnait dans ces<br />

ru<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>et</strong> forts tempéraments, ouverts avec avidité à toutes les jouissances <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

vie, mais énervés par aucune. Capables <strong>de</strong> tous les efforts pour conquérir le<br />

mon<strong>de</strong>, comment n’eussent-ils pas fini par l’arracher à ceux qui n’étaient pas<br />

capables même <strong>de</strong> le gar<strong>de</strong>r ?<br />

Comme on l’a déjà indiqué, l’ar<strong>de</strong>nte vitalité <strong>de</strong> ces natures se traduisait par une<br />

étonnante puissance <strong>de</strong> reproduction. En face <strong>de</strong> <strong>la</strong> Gaule qui se mourait,<br />

épuisée comme le reste du mon<strong>de</strong> romain, <strong>la</strong> Germanie était une fourmilière<br />

dont les noirs essaims se renouve<strong>la</strong>ient avec une persistance désespérante. On<br />

avait beau les écraser dans <strong><strong>de</strong>s</strong> batailles meurtrières, en réduire d’innombrables<br />

multitu<strong><strong>de</strong>s</strong> en esc<strong>la</strong>vage, promener le fer jusque dans leurs r<strong>et</strong>raites les plus<br />

cachées ; ils reparaissaient dès le len<strong>de</strong>main <strong>de</strong> leurs défaites, aussi nombreux<br />

<strong>et</strong> plus acharnés que jamais. Ils semb<strong>la</strong>ient sortir <strong>de</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong>sous terre, <strong>et</strong> l’on eût<br />

dit, écrit un contemporain, qu’ils étaient restés intacts pendant <strong><strong>de</strong>s</strong> siècles1. A<br />

plusieurs reprises nous voyons les empereurs, sur le point d’engager <strong>la</strong> lutte<br />

contre eux, s’effrayer <strong>de</strong> l’exiguïté <strong>de</strong> leur armée en regard <strong>de</strong> <strong>la</strong> multitu<strong>de</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

ennemis2. En réalité, ils étaient nombreux parce que les Romains <strong>de</strong>venaient<br />

rares, <strong>et</strong> parce que <strong>la</strong> natalité chez eux suivait un cours régulier <strong>et</strong> continu. Ils ne<br />

connaissaient pas, dit avec amertume un moraliste romain, l’art <strong>de</strong> limiter le<br />

nombre <strong><strong>de</strong>s</strong> enfants3 ; au contraire, ce nombre était pour les parents <strong>la</strong> richesse,<br />

pour <strong>la</strong> nation l’avenir. Aussi, chaque fois qu’une génération succombait sur les<br />

champs <strong>de</strong> bataille, une autre surgissait <strong>de</strong>rrière elle qui prenait sa p<strong>la</strong>ce, comme<br />

le flot succè<strong>de</strong> au flot dans une source intarissable. Ni les misères nombreuses<br />

<strong>de</strong> leur genre <strong>de</strong> vie, ni les abondantes saignées que pratiquait <strong>la</strong> guerre, ni<br />

l’écoulement continu <strong>de</strong> leurs forces les plus jeunes vers l’Empire, ne parvenaient<br />

à entamer leur supériorité numérique sur les Romains, chez lesquels l’extinction<br />

progressive <strong>de</strong> <strong>la</strong> natalité était comme <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ie béante qui vidait les artères <strong>et</strong> le<br />

cœur.<br />

Si, dans <strong>de</strong> pareilles conditions, l’empire ne <strong>de</strong>vint pas plus tôt <strong>la</strong> proie <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

barbares, ce<strong>la</strong> tient à <strong>la</strong> supériorité qu’il r<strong>et</strong>irait <strong><strong>de</strong>s</strong> énormes ressources<br />

emmagasinées par le travail <strong><strong>de</strong>s</strong> générations antérieures. Il y avait là un capital<br />

qui, à <strong>la</strong> vérité, ne se renouve<strong>la</strong>it plus, mais qui, pendant longtemps encore, lui<br />

permit <strong>de</strong> vivre <strong>de</strong> son passé. Dans l’héritage qu’il était réduit à dévorer, il<br />

trouvait en première ligne l’<strong>antique</strong> prestige qui l’entourait, aux yeux <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

barbares eux-mêmes, d’une espèce d’auréole divine. L’idée <strong>de</strong> le détruire ne leur<br />

vint que peu à peu ; ils avaient pour lui une vénération superstitieuse ; ils<br />

croyaient à <strong>la</strong> puissance surnaturelle qui châtiait les vio<strong>la</strong>teurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> majesté<br />

romaine. Le moment vint où ils se défirent <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te superstition, mais alors elle<br />

se transforma en une espèce <strong>de</strong> dogme politique : l’Empire leur parut, comme<br />

aux Romains, <strong>la</strong> forme naturelle du mon<strong>de</strong> civilisé ; il convertissait ses<br />

négateurs, <strong>et</strong> Ataulf en est resté l’étonnant exemple.<br />

Il y avait ensuite <strong>la</strong> discipline militaire, qui suffirait, presque à elle seule, pour<br />

expliquer <strong>la</strong> conquête du mon<strong>de</strong> par les Romains. La discipline militaire est une<br />

force étonnante ; fille <strong>de</strong> <strong>la</strong> vertu, elle peut survivre longtemps à sa mère, <strong>et</strong> en<br />

1 Amm. Marcell., XXVIII, 5, 9 ; Panegyr. <strong>la</strong>tin., X, 17, <strong>et</strong> Libanius, Orat. III basilic., p.<br />

138 (Paris, 1627) ; Zosime, I, 30, 68.<br />

2 Zosime, l. c.<br />

3 Tacite, Germania, c. 19.

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