clovis - L'Histoire antique des pays et des hommes de la Méditerranée
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oyaume, qui ‘aurait pu rivaliser avec celui <strong><strong>de</strong>s</strong> Saliens, si l’histoire n’avait<br />
toujours réservé <strong>la</strong> prépondérance aux peuples qui se sont trouvés au premier<br />
rang dans les luttes avec le passé.<br />
La capitale <strong><strong>de</strong>s</strong> Ripuaires ; <strong>la</strong> belle <strong>et</strong> gran<strong>de</strong> ville <strong>de</strong> Cologne sur le Rhin, avait<br />
perdu beaucoup <strong>de</strong> <strong>la</strong> prospérité dont elle jouissait à l’époque impériale. De toute<br />
sa civilisation primitive il ne restait que <strong><strong>de</strong>s</strong> ruines. Les monuments <strong>de</strong> l’antiquité<br />
païenne <strong>et</strong> les sanctuaires chrétiens gisaient dans <strong>la</strong> même poussière. La<br />
hiérarchie épiscopale n’existait plus, <strong>et</strong> le culte du vrai Dieu n’était célébré qu’au<br />
milieu <strong><strong>de</strong>s</strong> temples crou<strong>la</strong>nts. Pendant que les chrétiens c<strong>la</strong>irsemés,<br />
reconnaissables au costume romain <strong>et</strong> à l’humilité <strong>de</strong> l’allure, al<strong>la</strong>ient hors ville<br />
porter leurs hommages aux tombeaux <strong><strong>de</strong>s</strong> Vierges ou à ceux <strong><strong>de</strong>s</strong> Saints d’or, les<br />
conquérants barbares érigeaient leurs sanctuaires païens aux portes mêmes <strong>de</strong><br />
Cologne, <strong>et</strong> jusqu’au milieu du sixième siècle on y vint manger les repas sacrés,<br />
adorer les idoles, <strong>et</strong> suspendre <strong>de</strong>vant elles l’effigie <strong><strong>de</strong>s</strong> membres dont on<br />
<strong>de</strong>mandait <strong>la</strong> guérison1. Grâce à l’absence <strong>de</strong> tout prosélytisme religieux chez les<br />
barbares, les <strong>de</strong>ux races vivaient côte à côte, sans ces conflits aigus qui<br />
caractérisaient les rapports confessionnels dans les royaumes ariens, <strong>et</strong> les<br />
chrétiens <strong>de</strong> <strong>la</strong> Ripuarie pouvaient voir dans leurs maîtres païens <strong><strong>de</strong>s</strong> prosélytes<br />
futurs. Il n’est pas douteux qu’avant même que <strong>la</strong> masse du peuple ripuaire se<br />
soit convertie à l’Évangile, plus d’un Franc <strong>de</strong> Cologne <strong>et</strong> <strong>de</strong> Trèves ait connu <strong>et</strong><br />
confessé <strong>la</strong> religion du Christ. Toutefois il serait téméraire d’affirmer que dès<br />
c<strong>et</strong>te époque, suivant l’exemple donné par Clovis, <strong>la</strong> famille royale <strong><strong>de</strong>s</strong> Ripuaires<br />
avait embrassé le christianisme avec le gros <strong>de</strong> son peuple.<br />
Le sceptre <strong><strong>de</strong>s</strong> Ripuaires était alors dans les mains du vieux roi , Sigebert, celui,<br />
qui, comme nous l’avons vu, avait eu sur les bras les A<strong>la</strong>mans à <strong>la</strong> journée <strong>de</strong><br />
Tolbiac. Blessé au genou dans c<strong>et</strong>te bataille, il était resté estropié, <strong>et</strong> il gardait le<br />
surnom <strong>de</strong> Sigebert le Boiteux. Une infirmité contractée d’une manière aussi<br />
glorieuse rehausserait le prestige d’un souverain chez <strong><strong>de</strong>s</strong> nations mo<strong>de</strong>rnes ;<br />
chez les barbares, qui exigeaient avant tout <strong>de</strong> leurs rois <strong><strong>de</strong>s</strong> qualités physiques,<br />
elles le réduisaient presque à rien. Ils ne respectaient pas un roi qui ne portât sur<br />
lui, en quelque sorte, les insignes naturels <strong>de</strong> sa supériorité. Mutilé, estropié,<br />
infirme, comment aurait-il mené son peuple à <strong>la</strong> guerre, <strong>et</strong> lui aurait-il donné<br />
l’exemple <strong>de</strong> <strong>la</strong> force <strong>et</strong> du courage ? Il suffisait d’une blessure qui le défigurât,<br />
comme, par exemple, <strong>la</strong> perte d’un œil, pour qu’il cessât d’être considéré comme<br />
un vrai souverain2. Aussi <strong>la</strong> situation <strong>de</strong> Sigebert doit-elle s’être ressentie <strong>de</strong><br />
l’acci<strong>de</strong>nt qui avait entamé sa vigueur corporelle, <strong>et</strong> il ne serait pas étonnant qu’il<br />
fallût chercher dans <strong>la</strong> déconsidération qui l’atteignit dès lors les causes <strong>de</strong> sa<br />
mort tragique. Malheureusement, les ténèbres les plus opaques règnent sur<br />
l’histoire du royaume ripuaire <strong>de</strong> Cologne, <strong>et</strong> <strong>la</strong> seule page qui en soit conservée<br />
n’est qu’un palimpseste où <strong>la</strong> légen<strong>de</strong> a inscrit ses récits naïvement<br />
1 Grégoire <strong>de</strong> Tours, Vitæ Patrum, VI, 2.<br />
2 Le point <strong>de</strong> vue barbare en c<strong>et</strong>te matière se trouve exposé d’une manière fort<br />
instructive dans <strong>la</strong> Lex Bajuvariorum, II, 9 : Si quis filius ducis tam superbus vel stultus<br />
fuerit vel patrem suum <strong>de</strong>honestare voluerit per consilio malignorum vel per fortiam, <strong>et</strong><br />
regnum ejus auferre ab eo, dum pater ejus adhuc potest judicium conten<strong>de</strong>re, in exercitu<br />
ambu<strong>la</strong>re, populum judicare, equum viriliter ascen<strong>de</strong>re, arma sua vivaciter baju<strong>la</strong>re, non<br />
est surdus nec cecus, in omnibus jussionem regis potest implere, sciat se ille filius contra<br />
legem fecisse (M. G. H., Leges, III, p. 286.) Il y a eu <strong>de</strong> multiples applications <strong>de</strong> ce<br />
principe dans <strong>la</strong> légen<strong>de</strong> <strong>et</strong> dans l’histoire : par exemple, Grégoire <strong>de</strong> Tours, II, 41 ; III,<br />
18 ; Vita sancti Theodorici Abbatis (Mabillon, Acta Sanct., I. p. 599), <strong>et</strong> Flodoard, Historia<br />
Remensis ecclesiæ, I, c. 24. Cf. Histoire poétique <strong><strong>de</strong>s</strong> Mérovingiens, pp. 296 <strong>et</strong> 503.