clovis - L'Histoire antique des pays et des hommes de la Méditerranée
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n’eût-elle même sa source que dans un calcul. En politique, c’est une vertu<br />
encore pour l’homme d’État d’obéir à <strong>la</strong> voix <strong>de</strong> son intérêt plutôt qu’aux<br />
chimères <strong>de</strong> l’imagination. A <strong>la</strong> force <strong>et</strong> à <strong>la</strong> pru<strong>de</strong>nce, nous le voyons joindre<br />
l’adresse. Il ne fait pas une entreprise sans se procurer <strong><strong>de</strong>s</strong> alliés, <strong>et</strong> ceux-ci il les<br />
trouve, non seulement parmi les princes <strong>de</strong> sa famille, mais encore parmi ses<br />
ennemis d’hier, à preuve l’arien Gon<strong>de</strong>baud, dont il obtient l’alliance dans sa<br />
campagne contre les Visigoths ariens. Il n’est pas moins avisé dans ses re<strong>la</strong>tions<br />
avec Byzance : il accepte les honneurs qui lui sont offerts par l’empereur, il sait<br />
en faire état aux yeux <strong><strong>de</strong>s</strong> popu<strong>la</strong>tions gallo-romaines, mais il ne donne rien en<br />
échange, <strong>et</strong> toute <strong>la</strong> finesse <strong>de</strong> <strong>la</strong> diplomatie impériale est tenue en échec par sa<br />
tranquille réserve. Eut-il un idéal <strong>de</strong> gouvernement, <strong>et</strong> c<strong>et</strong> idéal, quel fut-il ?<br />
L’histoire n’a point pris <strong>la</strong> peine <strong>de</strong> nous le dire, <strong>et</strong> nous ne le saurons peut-être<br />
jamais. C’est pour c<strong>et</strong>te raison sans doute qu’on a cru pouvoir lui préférer<br />
Théodoric, dont <strong>la</strong> correspondance officielle parle souvent un si magnifique<br />
<strong>la</strong>ngage. Mais c<strong>et</strong>te supériorité n’est qu’apparente. Si c’était le roi franc qui eût<br />
eu à sa disposition <strong>la</strong> plume <strong>de</strong> Cassiodore, nul doute qu’on n’admirât le<br />
civilisateur dans Clovis, <strong>et</strong> que dans Théodoric on ne vit que l’assassin d’Odoacre,<br />
le meurtrier <strong>de</strong> Boèce <strong>et</strong> <strong>de</strong> Symmaque. De tout temps l’histoire s’est <strong>la</strong>issé faire<br />
illusion par les l<strong>et</strong>tres. Et le plus grand malheur, aux yeux <strong>de</strong> <strong>la</strong> postérité, pour<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> créateurs d’État comme Clovis, c’est <strong>de</strong> n’avoir pas eu à leur service une<br />
plume éloquente : carent quia vate sacro.<br />
S’il s’agit d’apprécier l’homme après le souverain, nous connaissons trop mal<br />
Clovis pour porter sur sa personne un jugement compl<strong>et</strong> <strong>et</strong> motivé. L’histoire ne<br />
nous a conservé <strong>de</strong> lui que le souvenir <strong>de</strong> quelques faits d’armes ; elle ignore<br />
tout le reste, elle ne sait rien <strong>de</strong> sa vie privée. C<strong>et</strong>te <strong>la</strong>cune a été comblée par<br />
l’épopée, qui a en<strong>la</strong>idi sa physionomie en <strong>la</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong>sinant d’après un idéal barbare,<br />
<strong>et</strong> qui a mis un type <strong>de</strong> convention à <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce du héros historique. Enfin, les<br />
mœurs atroces <strong><strong>de</strong>s</strong> rois mérovingiens qui sont venus par <strong>la</strong> suite ont j<strong>et</strong>é leur<br />
ombre sinistre en arrière sur <strong>la</strong> gran<strong>de</strong> mémoire du fondateur du royaume. Si<br />
bien que, l’histoire se taisant <strong>et</strong> l’imagination ayant seule <strong>la</strong> parole, le Clovis<br />
qu’on nous a montré est toujours le barbare d’avant le baptême. On ne voit pas<br />
en quoi il est converti, on ne sait pas à quoi lui sert d’avoir été baptisé.<br />
Pour r<strong>et</strong>rouver <strong>la</strong> figure véritable du fondateur <strong>de</strong> <strong>la</strong> France, il faut donc effacer<br />
<strong>de</strong> sa physionomie tous les traits dont là poésie popu<strong>la</strong>ire l’a chargée à son insu.<br />
Ce travail, nous l’avons fait, <strong>et</strong> nous avons lieu <strong>de</strong> croire qu’il est définitif. Il faut<br />
ensuite se prémunir contre les suggestions fal<strong>la</strong>cieuses <strong>de</strong> l’analogie. Invoquer <strong>la</strong><br />
barbarie <strong><strong>de</strong>s</strong> p<strong>et</strong>its-fils pour faire croire à celle <strong>de</strong> l’aïeul, sous prétexte que<br />
toutes les barbaries se ressemblent, c’est une erreur. Le barbare converti, qui,<br />
touché <strong>de</strong> <strong>la</strong> grâce, est venu à Jésus-Christ par le libre mouvement <strong>de</strong> sa<br />
volonté, ne doit pas être comparé à celui qui a reçu le baptême dès l’enfance,<br />
mais qui ne réagit pas contre les influences d’un milieu encore saturé <strong>de</strong> mœurs<br />
païennes. Comme les convertis anglo-saxons, Ethelbert <strong>et</strong> Edwin, Clovis occupe<br />
un niveau religieux fort supérieur à celui <strong>de</strong> ses <strong><strong>de</strong>s</strong>cendants. Les contemporains<br />
ne s’y sont pas trompés, à preuve le parallèle établi entre eux <strong>et</strong> lui par Grégoire<br />
<strong>de</strong> Tours, <strong>et</strong> que nous avons reproduit plus haut.<br />
Et le poète inconnu qui a dépeint les visions prophétiques <strong>de</strong> <strong>la</strong> reine Basine ne<br />
porte pas un autre jugement. Pour lui, Clovis est le lion ; ses fils sont comparés à<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> rhinocéros <strong>et</strong> à <strong><strong>de</strong>s</strong> léopards ; ses p<strong>et</strong>its-fils ne sont plus que <strong><strong>de</strong>s</strong> ours <strong>et</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
loups. C<strong>et</strong>te impression eût été celle <strong>de</strong> tous les historiens, s’ils n’avaient eu<br />
l’esprit prévenu par les légen<strong><strong>de</strong>s</strong> apocryphes. Non, il n’est pas permis d’attribuer<br />
uniformément le même <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> barbarie à tous les Francs. Les mœurs