clovis - L'Histoire antique des pays et des hommes de la Méditerranée
clovis - L'Histoire antique des pays et des hommes de la Méditerranée
clovis - L'Histoire antique des pays et des hommes de la Méditerranée
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
César al<strong>la</strong> passer le reste d’une année si <strong>la</strong>borieuse dans une ville <strong><strong>de</strong>s</strong> bords <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
Seine pour <strong>la</strong>quelle il avait une vive prédilection, <strong>et</strong> qu’il appe<strong>la</strong>it sa chère<br />
Lutèce.<br />
L’immense capitale qui est aujourd’hui le ren<strong>de</strong>z-vous <strong>de</strong> l’univers entier n’avait<br />
alors rien <strong>de</strong> ce qui a fait <strong>la</strong> gran<strong>de</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong>tinée <strong>de</strong> Paris, si ce n’est l’étonnante<br />
ampleur <strong>de</strong> son site pré<strong><strong>de</strong>s</strong>tiné <strong>et</strong> le charme souverain <strong>de</strong> son beau fleuve. Les<br />
forêts <strong>et</strong> les marécages en occupaient les <strong>de</strong>ux rives : au bas <strong>de</strong> Ménilmontant<br />
s’étendaient <strong><strong>de</strong>s</strong> eaux croupissantes ; le bois <strong>de</strong> Boulogne arrivait jusqu’au<br />
Louvre ; <strong>la</strong> Bièvre se frayait son chemin jusqu’à <strong>la</strong> Seine à travers <strong><strong>de</strong>s</strong> forêts <strong>de</strong><br />
roseaux. Paris n’était encore que l’îlot <strong>de</strong> <strong>la</strong> Cité. Là, enfermée dans <strong>la</strong> double<br />
enceinte que lui faisaient les flots <strong>et</strong> les murs romains du troisième siècle, <strong>la</strong> ville<br />
surgissait comme une <strong>de</strong> ces cita<strong>de</strong>lles <strong>de</strong> <strong>la</strong> civilisation qui sont à <strong>la</strong> fois un<br />
arsenal <strong>et</strong> un atelier. L’élément principal <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion était constitué par une<br />
puissante corporation, marchan<strong>de</strong>, celle <strong><strong>de</strong>s</strong> nautes parisiens, dont les<br />
barqu<strong>et</strong>tes sillonnaient incessamment <strong>la</strong> Seine <strong>et</strong> dont le souvenir est resté dans<br />
les armes <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville : un navire aux voiles gonflées. Paris avait dès lors, si l’on<br />
peut ainsi parler, le caractère cosmopolite <strong>et</strong> international qu’il <strong>de</strong>vait prendre au<br />
cours <strong><strong>de</strong>s</strong> siècles. Dans son étroite enceinte se dressaient les monuments <strong>de</strong><br />
toutes les religions. Le dieu Esus y avait ses autels, ainsi que Cernunnos, le dieu<br />
aux cornes chargées d’anneaux, <strong>et</strong> le taureau Trigaranos qui portait trois grues<br />
sur son dos ; Jupiter y présidait au cours <strong><strong>de</strong>s</strong> flots, du haut <strong>de</strong> l’autel que les<br />
nautes lui avaient consacré sous Tibère ; Mithra y avait ses adorateurs, <strong>et</strong>,<br />
<strong>de</strong>puis longtemps, le Dieu qui <strong>de</strong>vait détrôner toutes les idoles y possédait, sous<br />
le vocable <strong>de</strong> saint Étienne, un sanctuaire qui est aujourd’hui Notre-Dame <strong>de</strong><br />
Paris. Au surplus, <strong>la</strong> ville, riche <strong>et</strong> pleine d’habitants, avait débordé sur les <strong>de</strong>ux<br />
rives <strong>de</strong> son fleuve, où l’on a r<strong>et</strong>rouvé ses monuments <strong>et</strong> surtout ses tombeaux.<br />
La rive gauche était particulièrement recherchée : c’est là que Constance Chlore,<br />
à ce qu’il paraît, avait bâti le pa<strong>la</strong>is <strong><strong>de</strong>s</strong> Thermes. Ce gigantesque monument,<br />
alimenté par l’aqueduc dont Arcueil gar<strong>de</strong> encore les ruines <strong>et</strong> le nom, était le<br />
centre d’un vaste quartier romain qui s’échelonnait le long <strong><strong>de</strong>s</strong> voies conduisant à<br />
Orléans <strong>et</strong> à Sens. Julien, qui y <strong>de</strong>meurait, achève lui-même c<strong>et</strong>te <strong><strong>de</strong>s</strong>cription ; il<br />
faut <strong>la</strong>isser parler ici <strong>la</strong> première voix qui ait présenté Paris au mon<strong>de</strong> civilisé :<br />
J’étais alors en quartier d’hiver dans ma chère Lutèce : les Celtes appellent ainsi<br />
<strong>la</strong> p<strong>et</strong>ite ville <strong>de</strong> Parisii. C’est un îlot j<strong>et</strong>é sur le fleuve, qui l’enveloppe <strong>de</strong> toutes<br />
parts. Des ponts <strong>de</strong> bois y conduisent <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong>ux côtés. Le fleuve diminue ou<br />
grossit rarement ; il est presque toujours au même niveau été comme hiver ;<br />
l’eau qu’il fournit est très agréable <strong>et</strong> très limpi<strong>de</strong>. L’hiver y est très doux, à<br />
cause, dit-on, <strong>de</strong> <strong>la</strong> chaleur <strong>de</strong> l’Océan, dont on n’est pas à neuf cents sta<strong><strong>de</strong>s</strong>, <strong>et</strong><br />
qui, peut-être, répand jusque-là quelque douce vapeur : or, e paraît que l’eau <strong>de</strong><br />
mer est plus chau<strong>de</strong> que l’eau douce. Quoi qu’il en soit, il est certain que les<br />
habitants <strong>de</strong> ce <strong>pays</strong> ont <strong>de</strong> plus tiè<strong><strong>de</strong>s</strong> hivers. Il y pousse <strong>de</strong> bonnes vignes, <strong>et</strong><br />
quelques-uns se sont ingéniés d’avoir <strong><strong>de</strong>s</strong> figuiers, en les entourant, pendant<br />
l’hiver, d’un manteau <strong>de</strong> paille ou <strong>de</strong> tout autre obj<strong>et</strong> qui sert à préserver les<br />
arbres <strong><strong>de</strong>s</strong> intempéries <strong>de</strong> l’air. C<strong>et</strong>te année-là, l’hiver était plus ru<strong>de</strong> que <strong>de</strong><br />
coutume : le fleuve charriait comme <strong><strong>de</strong>s</strong> p<strong>la</strong>ques <strong>de</strong> marbre1.<br />
C’est là, dans <strong>la</strong> future capitale du royaume <strong><strong>de</strong>s</strong> Francs, que le <strong>de</strong>rnier <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
empereurs païens passa l’hiver à former <strong><strong>de</strong>s</strong> p<strong>la</strong>ns <strong>de</strong> campagne contre ce<br />
peuple. Sa tête rou<strong>la</strong>it <strong>de</strong> vastes proj<strong>et</strong>s. Avoir remis <strong>la</strong> Gaule dans l’état où elle<br />
1 Julien, Misopogon, trad. Talbot, dans les Œuvres complètes <strong>de</strong> Julien, p. 294 <strong>et</strong> 295.