clovis - L'Histoire antique des pays et des hommes de la Méditerranée
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à le déposer. Il est vrai que <strong>la</strong> nature réparait bientôt l’œuvre <strong>de</strong> l’homme ; tel<br />
était déposé aujourd’hui qui se f<strong>la</strong>ttait <strong>de</strong> reprendre possession du trôné1 ; mais<br />
une tonsure perpétuelle équiva<strong>la</strong>it à une déposition définitive, <strong>et</strong> dans ce sens<br />
une reine-mère s’écriait en par<strong>la</strong>nt <strong>de</strong> ses p<strong>et</strong>its-fils : J’aime mieux les voir morts<br />
que tondus !2<br />
A <strong>la</strong> date où les premiers rois chevelus apparaissent en Belgique, nous <strong>de</strong>vons<br />
p<strong>la</strong>cer aussi celle <strong>de</strong> <strong>la</strong> rédaction <strong>de</strong> <strong>la</strong> loi salique. Le peuple se sentait grandir ; il<br />
avait conscience <strong><strong>de</strong>s</strong> nombreuses influences extérieures qui pesaient sur lui <strong>et</strong><br />
qui tendaient <strong>de</strong> plus en plus à l’enlever à lui-même ; instinctivement, il voulut<br />
m<strong>et</strong>tre son patrimoine à l’abri <strong>de</strong> toutes les fluctuations <strong><strong>de</strong>s</strong> événements, <strong>et</strong><br />
arrêter d’une manière définitive les coutumes qui constituaient sa loi. Une très<br />
ancienne légen<strong>de</strong> croit savoir comment <strong>la</strong> chose se passa. Les Francs, dit-elle,<br />
firent choit <strong>de</strong> quatre prud’<strong>hommes</strong> qui se réunirent dans trois localités<br />
différentes pour examiner tous les cas <strong>et</strong> pie trancher toutes les questions. Les<br />
quatre prud’<strong>hommes</strong> s’appe<strong>la</strong>ient Wisogast, Bodogast, Salogast <strong>et</strong> Widogast, <strong>et</strong><br />
les trois endroits où ils tinrent leurs assises : Saleheim, Bo<strong>de</strong>heim <strong>et</strong> Widoheim.<br />
Tous ces noms sont manifestement légendaires3 ; ce qui est historique, c’est lé<br />
souvenir d’une rédaction arrêtée <strong>de</strong> commun accord par une commission<br />
d’anciens qui modifia <strong>la</strong> coutume <strong>et</strong> qui en livra tin même texte aux délibérations<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> juges du malberg. Ce texte conçu dans <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue nationale <strong><strong>de</strong>s</strong> Francs, <strong>et</strong><br />
peut-être mis par écrit en caractères runiques, portait probablement le nom<br />
même <strong>de</strong> l’endroit où il <strong>de</strong>vait être employé, c’est-à-dire qu’il s’appe<strong>la</strong>it le<br />
malberg, comme, chez les Visigoths, <strong>la</strong> loi s’appe<strong>la</strong>it le forum (fuero) : du moins<br />
c’est exclusivement sous ce nom qu’il est connu4. L’œuvre <strong><strong>de</strong>s</strong> sages qui<br />
délibérèrent sous l’ombre <strong><strong>de</strong>s</strong> chênes <strong>de</strong> Saleheim, <strong>de</strong> Bo<strong>de</strong>heim <strong>et</strong> <strong>de</strong> Widoheim<br />
nous est restée dans une traduction <strong>la</strong>tine d’une époque plus réceûte, <strong>et</strong> peutêtre<br />
déjà amplifiée ; elle constitue le plus ancien monument <strong>de</strong> tout le droit<br />
barbare, <strong>et</strong> elle gar<strong>de</strong> dans ses dispositions le cach<strong>et</strong> d’une antiquité presque<br />
inaltérée.<br />
Nous arrivons enfin à Clodion, <strong>et</strong> ce n’est pas encore pour quitter <strong>la</strong> région <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
pénombre historique. Si son existence nous est garantie, nous ne sommes pas<br />
même sûrs <strong>de</strong> son nom ; car Clodion n’est qu’un diminutif5, <strong>et</strong> semble trahir une<br />
<strong>de</strong> ces appel<strong>la</strong>tions familières sous lesquelles, <strong>de</strong> tout temps, les soldats ont<br />
désigné un chef aimé. Quelques vers d’un panégyriste du cinquième siècle6, où il<br />
est cité en passant, <strong>et</strong> six lignes d’un chroniqueur du sixième7, qui n’en sait pas<br />
plus que nous-mêmes, voilà tous les matériaux dont nous disposons pour écrire<br />
son histoire. Nous renonçons donc à tracer les frontières <strong>de</strong> son royaume, <strong>et</strong><br />
nous nous résignerons, pour les raisons exposées plus haut, à ignorer<br />
l’emp<strong>la</strong>cement <strong>de</strong> sa capitale. Tous nos efforts pour résoudre ces intéressants<br />
problèmes sont condamnés à une éternelle stérilité. Les peuples sont comme les<br />
individus : ils ne gar<strong>de</strong>nt pas <strong>la</strong> mémoire <strong>de</strong> leurs premières années.<br />
1 Grégoire <strong>de</strong> Tours, II, 41.<br />
2 Grégoire <strong>de</strong> Tours, III, 18.<br />
3 G. Kurth, Histoire poétique <strong><strong>de</strong>s</strong> Mérovingiens, pp. 124-129.<br />
4 V. Hessels <strong>et</strong> Kern, Lex Salica, Londres, 1880, col. 435.<br />
5 Pétigny, Étu<strong><strong>de</strong>s</strong>, II, p. 24. Chlodio est d’ailleurs un nom usité chez les Francs, il est<br />
porté en 751 par un missus <strong>de</strong> Pépin le Bref (Pertz, Diplomata, pp. 46, 108).<br />
6 Sidoine Apollinaire, Carm., V, 209-230.<br />
7 Grégoire <strong>de</strong> Tours, II, 9.