clovis - L'Histoire antique des pays et des hommes de la Méditerranée
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III. — LA SOUMISSION DES ROYAUMES FRANCS DE BELGIQUE.<br />
La conquête du <strong>pays</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> Loire n’était peut-être pas entièrement achevée, que<br />
déjà le conquérant était appelé à l’autre bout <strong>de</strong> son vaste royaume par une<br />
nouvelle entreprise. L’histoire n’a consacré qu’une seule ligne au récit <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te<br />
campagne : La dixième année <strong>de</strong> son règne, Clovis fit <strong>la</strong> guerre aux Thuringiens,<br />
<strong>et</strong> les soumit à sa domination... Voilà tout, <strong>et</strong> le lecteur aura une idée <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
difficultés contre lesquelles doit lutter ce livre, si nous lui disons que c<strong>et</strong>te simple<br />
ligne contient autant <strong>de</strong> problèmes que <strong>de</strong> mots.<br />
Le peuple contre lequel Clovis al<strong>la</strong>it porter ses armes victorieuses, c’étaient ces<br />
mystérieux Thuringiens qui représentent pour nous, sous un nom défiguré, les<br />
conquérants barbares <strong>de</strong> <strong>la</strong> cité <strong>de</strong> Tongres1. Voilà ce qu’on peut affirmer avec<br />
assurance, encore bien que tous les historiens ne veuillent pas en convenir. Mais<br />
le moyen d’adm<strong>et</strong>tre qu’il faille penser ici aux Thuringiens <strong>de</strong> l’Allemagne<br />
centrale, <strong><strong>de</strong>s</strong>quels Clovis était séparé par toute l’épaisseur du royaume <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
Ripuaires2, <strong>et</strong> qui, nous le savons, jouissaient encore <strong>de</strong> toute leur indépendance<br />
pendant les premières années du règne <strong>de</strong> ses fils ! D’ailleurs, l’annaliste <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
Gaule occi<strong>de</strong>ntale qui a fourni ce renseignement à Grégoire <strong>de</strong> Tours3 ne<br />
connaissait pas <strong>la</strong> lointaine Thuringe alleman<strong>de</strong> : son regard n’embrassait que les<br />
peuples voisins <strong>de</strong> <strong>la</strong> Gaule, <strong>et</strong>, même dans c<strong>et</strong> horizon borné, il est loin d’avoir<br />
tout vu. S’il a nommé ici les Thuringiens, lui qui ne connaît pas quantité d’autres<br />
exploits <strong>de</strong> Clovis, c’est sans doute parce que ce peuple, établi en terre gauloise,<br />
<strong>et</strong>, en définitive, <strong>de</strong> même race que les Francs <strong>de</strong> Tournai, était à <strong>la</strong> portée <strong>de</strong><br />
son regard <strong>et</strong> dans le cercle <strong>de</strong> ses notions géographiques assez restreintes.<br />
C’est peut-être aussi parce que c<strong>et</strong>te expédition, pour <strong><strong>de</strong>s</strong> raisons qui nous<br />
échappent, frappa davantage l’attention <strong>de</strong> l’annaliste <strong>et</strong> fut mieux connue dans<br />
son milieu.<br />
C’est donc <strong>la</strong> Tongrie que nous avons à reconnaître dans <strong>la</strong> Thuringie <strong>de</strong><br />
l’annaliste4. Elle formait à c<strong>et</strong>te date un <strong><strong>de</strong>s</strong> royaumes francs issus du<br />
morcellement <strong>de</strong> celui <strong>de</strong> Clodion. On ne peut pas entreprendre <strong>de</strong> tracer<br />
aujourd’hui les limites <strong>de</strong> c<strong>et</strong> état oublié. Se couvrait-il avec le territoire <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
vaste cité <strong>de</strong> Tongres, ou le dépassait-il, ou encore n’en comprenait-il qu’une<br />
partie ? Nous ne le savons pas, <strong>et</strong> il est bien probable que nous l’ignorerons<br />
toujours. C’était le plus oriental comme le plus septentrional <strong><strong>de</strong>s</strong> trois royaumes<br />
saliens. Il touchait à l’est à celui <strong><strong>de</strong>s</strong> Ripuaires ; à l’ouest, il était contigu à celui<br />
<strong>de</strong> Cambrai. A l’époque où nous sommes arrivés, il <strong>de</strong>vait avoir à sa tête un<br />
1 Voir pour <strong>la</strong> démonstration <strong>de</strong> ce point G. Kurth, Histoire poétique <strong><strong>de</strong>s</strong> Mérovingiens,<br />
pp. 110-119.<br />
2 Pour ne pas parler <strong>de</strong> ceux <strong>de</strong> Cambrai, dont personne ne conteste l’existence, <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />
Tongres, que j’i<strong>de</strong>ntifie avec les Thuringiens cisrhénans. Il est vrai qu’on pourrait soutenir<br />
que Clovis a eu tous ces royaumes francs pour alliés, mais encore faudrait-il dire <strong>la</strong> cause<br />
qui a pu le déci<strong>de</strong>r à combattre en un <strong>pays</strong> fort éloigné du sien, où il n’avait aucun intérêt<br />
à défendre, <strong>et</strong> qu’il ne pouvait gar<strong>de</strong>r dans ses mains.<br />
3 C’est, selon toute vraisemb<strong>la</strong>nce, l’auteur <strong><strong>de</strong>s</strong> Annales d’Angers. G. Kurth, Les sources<br />
<strong>de</strong> l’Hist. <strong>de</strong> Clovis (Revue <strong><strong>de</strong>s</strong> quest. Hist.), t. 41.<br />
4 J’ai à peine besoin <strong>de</strong> faire remarquer au lecteur <strong>la</strong> distinction que j’établis ici entre <strong>la</strong><br />
Thuringie <strong>et</strong> <strong>la</strong> Thuringe, comme je fais plus loin entre <strong>la</strong> Burgondie <strong>et</strong> <strong>la</strong> Bourgogne. Il y<br />
aurait autant d’inconvénient à confondre ces noms entre eux qu’à dire, comme on faisait<br />
au dix-septième siècle, les Français pour les Francs.