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clovis - L'Histoire antique des pays et des hommes de la Méditerranée

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du siècle futur. Et, dans son désespoir, il poussa vers lui un cri plein d’angoisse<br />

<strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong>rmes : Jésus-Christ, s’écria-t-il au dire <strong>de</strong> notre vieil historien, toi qui es,<br />

selon Clotil<strong>de</strong>, le Fils du Dieu vivant, secours-moi dans ma détresse, <strong>et</strong> si tu me<br />

donnes <strong>la</strong> victoire, je croirai en toi <strong>et</strong> je me ferai baptiser.<br />

Le cri <strong>de</strong> Clovis a traversé les siècles, <strong>et</strong> l’histoire en gar<strong>de</strong>ra le souvenir à<br />

jamais. Sorti, au milieu <strong><strong>de</strong>s</strong> horreurs du champ <strong>de</strong> bataille, <strong><strong>de</strong>s</strong> profon<strong>de</strong>urs<br />

d’une âme royale qui par<strong>la</strong>it au nom d’un peuple, il est autre chose que <strong>la</strong> voix<br />

d’un individu en péril, il représente ce peuple lui-même dans le moment le plus<br />

solennel <strong>de</strong> son existence. Telle est <strong>la</strong> gran<strong>de</strong>ur historique du vœu tombé <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

lèvres <strong>de</strong> Clovis à l’heure du danger : c’est un pacte proposé au Christ par le<br />

peuple franc, <strong>et</strong> que le Christ a ratifié. Car à peine Clovis eut-il prononcé ces<br />

paroles, continue le chroniqueur, que <strong>la</strong> fortune du combat fut brusquement<br />

intervertie. Comme s’ils s’apercevaient <strong>de</strong> l’entrée en scène <strong>de</strong> quelque allié toutpuissant,<br />

les soldats <strong>de</strong> Clovis reprennent courage. La bataille se rétablit, l’armée<br />

franque revient à <strong>la</strong> charge, les A<strong>la</strong>mans plient à leur tour, leur roi succombe<br />

dans <strong>la</strong> mêlée, les vainqueurs <strong>de</strong> tantôt- se voient transformés en vaincus. La<br />

mort <strong>de</strong> leur chef a eu raison <strong>de</strong> leur ar<strong>de</strong>ur ; ils j<strong>et</strong>tent les armes <strong>et</strong>, sur le<br />

champ <strong>de</strong> bataille même, ils <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt grâce au roi <strong><strong>de</strong>s</strong> Francs1. Celui-ci les<br />

traita avec douceur <strong>et</strong> générosité, <strong>et</strong>, se contentant <strong>de</strong> leur soumission, il mit<br />

aussitôt fin à <strong>la</strong> guerre2.<br />

Telle est, racontée par une source contemporaine, l’histoire du triomphe <strong>de</strong><br />

Clovis sur les A<strong>la</strong>mans, ou, pour mieux dire, <strong>de</strong> <strong>la</strong> foi chrétienne sur le<br />

paganisme. C<strong>et</strong>te gran<strong>de</strong> journée n’a <strong>de</strong> pendant que celle du pont Milvius : l’une<br />

avait clos les annales du mon<strong>de</strong> <strong>antique</strong>, l’autre ouvre les annales du mon<strong>de</strong><br />

mo<strong>de</strong>rne. Son importance est donc absolument hors pair dans les dates<br />

historiques. Nous y voyons, du haut <strong>de</strong> l’observatoire que font à l’historien<br />

quatorze siècles superposés, les <strong><strong>de</strong>s</strong>tinées <strong>de</strong> l’Europe se déci<strong>de</strong>r avec celles du<br />

peuple franc, l’avenir du peuple franc se ramener à <strong>la</strong> victoire <strong>de</strong> son roi, <strong>et</strong> tous<br />

ces grands intérêts dépendre <strong>de</strong> <strong>la</strong> solution donnée, au fond d’une conscience<br />

d’homme, au problème capital qui se pose à toute âme venant en te mon<strong>de</strong>.<br />

C’est là, à coup sûr, un spectacle d’une rare beauté. Le brusque mouvement<br />

d’une âme qui, se décidant avec <strong>la</strong> rapidité <strong>de</strong> l’éc<strong>la</strong>ir, tend les bras an Dieu<br />

1 Grégoire <strong>de</strong> Tours, n, 30 ; Vita sancti Vedasti, c. 2 ; saint Avitus, Epistolæ, 46 (41) ;<br />

Cassiodore, Variar., II, 41. — Frédégaire, III, 21, ne fait que résumer le récit <strong>de</strong> Grégoire<br />

sans plus ; le Liber historiæ, c. 15, p<strong>la</strong>ce à côté <strong>de</strong> Clovis, dans <strong>la</strong> bataille, son fabuleux<br />

Aurélien, qui lui aurait suggéré d’invoquer Jésus-Christ ; Hincmar, dans sa Vie <strong>de</strong> saint<br />

Remi (Acta Sanctor., t. I d’octobre, p. 145), copie le Liber historie, mais n’oublie pas <strong>de</strong><br />

faire dire à Clovis que le Dieu <strong>de</strong> Clotil<strong>de</strong> est aussi celui <strong>de</strong> Remi. Roricon reste tributaire<br />

du Liber historie. Quant à Aimoin, il combine le récit <strong>de</strong> Grégoire <strong>et</strong> celui du Vita Vedasti.<br />

Ces <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>rniers sont en somme les seuls qui donnent une version originale ; ils<br />

s’accor<strong>de</strong>nt pour l’ensemble (voir l’Appendice), <strong>et</strong> se contredisent en ce que, d’après<br />

Grégoire, le roi <strong><strong>de</strong>s</strong> A<strong>la</strong>mans périt dans le combat, tandis que, selon le Vita Vedasti, il fit<br />

sa soumission avec son peuple. La l<strong>et</strong>tre <strong>de</strong> Théodoric, dans Cassiodore, sait qu’il a péri,<br />

mais sans dire quand : Sufficiat ilium regem cum gentis cecidisse superbia. — Les<br />

variantes du Vita Arnulfi martyris (dom Bouqu<strong>et</strong>, III, p. 383) ne méritent pas d’être<br />

prises en considération : <strong>la</strong> fuite <strong>de</strong> Clovis <strong>et</strong> <strong>la</strong> blessure qu’il aurait reçue au visage sont<br />

<strong>de</strong> pure invention.<br />

2 Sur <strong>la</strong> clémence <strong>de</strong> Clovis, outre le témoignage <strong>de</strong> Grégoire <strong>de</strong> Tours, nous avons celui<br />

<strong>de</strong> saint Avitus : Numquid fi<strong>de</strong>m perfecto prædicabimus, quam ante perfectionem sine<br />

prædicatore vidistis ?... An misericordiam, quam solutus a vobis adhuc nuper populus<br />

captives gaudiis mundo insinuat, <strong>la</strong>crimis Deo ? S. Avitus, Epistolæ, l. c.

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