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clovis - L'Histoire antique des pays et des hommes de la Méditerranée

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abandonné. Chacune <strong>de</strong> ces attributions concentrait dans ses mains une somme<br />

proportionnée d’autorité <strong>et</strong> d’influence. L’État lui-même avait reconnu <strong>et</strong> affermi<br />

c<strong>et</strong>te influence en accordant à l’épiscopat les <strong>de</strong>ux grands privilèges qui lui<br />

garantissaient l’indépendance : je veux dire l’exemption <strong><strong>de</strong>s</strong> charges publiques <strong>et</strong><br />

<strong>la</strong> juridiction autonome. Les constitutions impériales lui accordaient même une<br />

part d’intervention dans <strong>la</strong> juridiction séculière, chaque fois qu’une cause touchait<br />

particulièrement à <strong>la</strong> morale ou au domaine religieux. La confiance <strong><strong>de</strong>s</strong> peuples<br />

al<strong>la</strong>it plus loin. N’ayant plus foi dans les institutions civiles, ils s’habituèrent à<br />

confier <strong>la</strong> défense <strong>de</strong> tous leurs intérêts aux autorités ecclésiastiques. Ils ne se<br />

préoccupèrent pas <strong>de</strong> faire le départ du spirituel <strong>et</strong> du temporel : ils donnèrent<br />

tous les pouvoirs à qui rendait tous les services. Sans l’avoir cherché, en vertu<br />

<strong>de</strong> sa seule mission religieuse <strong>et</strong> grâce à l’affaiblissement <strong>de</strong> l’État, les évêques<br />

se trouvèrent chargés du gouvernement <strong>de</strong> leur cité, c’est-à-dire <strong>de</strong> leurs<br />

diocèses. Gouverneurs sans mandat officiel il est vrai, mais d’autant plus obéis<br />

que tout ce qui avait un caractère officiel inspirait plus <strong>de</strong> défiance <strong>et</strong> d’aversion,<br />

ils furent, en Gaule surtout, les bons génies du mon<strong>de</strong> agonisant. Ils fermèrent<br />

les p<strong>la</strong>ies que l’État ouvrait ; ils firent <strong><strong>de</strong>s</strong> prodiges <strong>de</strong> dévouement <strong>et</strong> <strong>de</strong> charité.<br />

Les évêques, dit un historien protestant par<strong>la</strong>nt <strong>de</strong> <strong>la</strong> Gaule, pratiquèrent alors <strong>la</strong><br />

bienfaisance dans <strong><strong>de</strong>s</strong> proportions que le mon<strong>de</strong> n’a peut-être jamais revues1.<br />

Telle était <strong>la</strong> situation, lorsque éc<strong>la</strong>ta <strong>la</strong> catastrophe <strong>de</strong> 406. Ce fut un coup<br />

terrible pour les chrétientés <strong>de</strong> <strong>la</strong> Gaule septentrionale. Nous ne savons que peu<br />

<strong>de</strong> chose <strong>de</strong> ces jours pleins <strong>de</strong> troubles <strong>et</strong> <strong>de</strong> terreurs, où l’histoire même se<br />

taisait, comme écrasée par l’immensité <strong><strong>de</strong>s</strong> souffrances qu’il eût fallu enregistrer.<br />

Même les quelques souvenirs qu’en ont gardés les peuples ont été brouillés <strong>et</strong><br />

confondus avec celui <strong>de</strong> l’invasion hunnique, arrivée un <strong>de</strong>mi-siècle plus tard. Un<br />

seul <strong><strong>de</strong>s</strong> épiso<strong><strong>de</strong>s</strong> consignés par l’hagiographie peut être rapporté avec certitu<strong>de</strong><br />

aux désastres <strong>de</strong> 406 ; il s’agit <strong>de</strong> <strong>la</strong> mort du vénérable pontife <strong>de</strong> Reims, saint<br />

Nicaise, égorgé par les Vandales au milieu <strong>de</strong> son troupeau, qu’il n’avait pas<br />

voulu abandonner. Comme saint Servais <strong>de</strong> Tongres, il avait, dit <strong>la</strong> tradition,<br />

prévu longtemps d’avance les malheurs qui al<strong>la</strong>ient fondre sur sa ville épiscopale.<br />

Mais, tandis qu’une faveur <strong>de</strong> <strong>la</strong> Provi<strong>de</strong>nce enlevait le pasteur <strong>de</strong> Tongres avant<br />

l’explosion <strong>de</strong> <strong>la</strong> catastrophe, saint Nicaise était réservé pour en être le témoin <strong>et</strong><br />

pour y gagner <strong>la</strong> couronne du martyre. Après avoir enduré, avec son peuple,<br />

toutes les horreurs d’un long siège, le saint, voyant <strong>la</strong> ville envahie, al<strong>la</strong> attendre<br />

l’ennemi victorieux au seuil <strong>de</strong> l’église Notre-Dame, qu’il avait bâtie lui-même : il<br />

se préparait à <strong>la</strong> mort en chantant les psaumes, <strong>et</strong> sa vie s’exha<strong>la</strong> sous leurs<br />

coups avec l’accent <strong><strong>de</strong>s</strong> hymnes sacrés. Sa sœur Eutropie, qui se tenait à ses<br />

côtés, <strong>et</strong> que sa beauté menaçait <strong>de</strong> <strong>la</strong> flétrissante pitié <strong><strong>de</strong>s</strong> barbares, provoqua<br />

elle-même son martyre en frappant au visage le meurtrier <strong>de</strong> son frère, <strong>et</strong> elle<br />

fut égorgée sur son cadavre. Après s’être rassasiés <strong>de</strong> carnage <strong>et</strong> avoir pillé <strong>la</strong><br />

ville, les vainqueurs se r<strong>et</strong>irèrent, <strong>et</strong> Reims resta longtemps abandonnée.<br />

Un sort plus cruel encore dut frapper à c<strong>et</strong>te date toutes les chrétientés <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

secon<strong>de</strong> Belgique, puisqu’elles n’ont même pas trouvé <strong>de</strong> narrateur pour leurs<br />

longues infortunes. Partout se réalisait <strong>la</strong> parole du prophète : Je frapperai le<br />

pasteur <strong>et</strong> je disperserai le troupeau. Après ces funestes journées, c’en fut fait,<br />

dirait-on, <strong><strong>de</strong>s</strong> chrétientés <strong>de</strong> Belgique <strong>et</strong> <strong>de</strong> Germanie. Plus aucune vie religieuse<br />

ne se manifesta dans ces provinces à partir <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te date. Les diptyques<br />

épiscopaux d’Arras, <strong>de</strong> Tournai, <strong>de</strong> Thérouanne, <strong>de</strong> Tongres <strong>et</strong> <strong>de</strong> Cologne ne<br />

nous apprennent plus rien, ou ne contiennent que <strong><strong>de</strong>s</strong> noms dépourvus<br />

1 Hauck, Kirchengeschichte Deutsch<strong>la</strong>nds, t. I, p. 79.

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