27.06.2013 Views

clovis - L'Histoire antique des pays et des hommes de la Méditerranée

clovis - L'Histoire antique des pays et des hommes de la Méditerranée

clovis - L'Histoire antique des pays et des hommes de la Méditerranée

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

personnelles1 ? C<strong>et</strong>te question était sérieuse, <strong>et</strong> elle pouvait faire réfléchir tout<br />

autre que Clovis ; lui, il se sentait assez sûr <strong>de</strong> son peuple pour pouvoir passer<br />

outre.<br />

Un autre obstacle semble avoir fait plus longuement réfléchir Clovis. Qu’al<strong>la</strong>ient<br />

dire ses antrustions ? Liés à sa personne par le lien du serment, obligés envers<br />

lui, par leur honneur <strong>de</strong> guerriers, au dévouement le plus absolu, ils ne pouvaient<br />

pas rester les adorateurs <strong>de</strong> Wodan alors qu’il al<strong>la</strong>it être le fidèle <strong>de</strong> Jésus-Christ.<br />

Entre eux <strong>et</strong> lui tout était commun, <strong>et</strong> son Dieu <strong>de</strong>vait être le leur. Le pacte<br />

d’honneur <strong>et</strong> <strong>de</strong> dévouement qui les groupait autour <strong>de</strong> lui était sous <strong>la</strong> garantie<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> religion : quelle en eût été <strong>la</strong> sanction, s’il n’avait pas eu <strong>de</strong> part <strong>et</strong> d’autre<br />

le même caractère ? Clovis ne pouvait pas se faire chrétien sans ses <strong>hommes</strong>, <strong>et</strong><br />

s’il se convertissait, il fal<strong>la</strong>it qu’ils abjurassent avec lui. Sinon, <strong>la</strong> ban<strong>de</strong> se<br />

dissolvait, <strong>et</strong> le roi, qui avait abandonné <strong>la</strong> tradition nationale, se voyait<br />

abandonné lui-même par ceux qui vou<strong>la</strong>ient y rester fidèles.<br />

Ce n’est donc pas le consentement <strong>de</strong> ses antrustions à son baptême, c’est leur<br />

propre baptême que Clovis <strong>de</strong>vait obtenir, s’il vou<strong>la</strong>it accomplir <strong>la</strong> gran<strong>de</strong> œuvre<br />

<strong>de</strong> sa conversion2. Aussi n’était-il pas sans inquiétu<strong>de</strong> sur le résultat <strong>de</strong> sa<br />

démarche. Je t’écouterais volontiers, saint père, dit-il à l’évêque dans le récit <strong>de</strong><br />

Grégoire <strong>de</strong> Tours, seulement, les <strong>hommes</strong> qui me suivent ne veulent pas<br />

abandonner leurs dieux. Mais je veux aller les trouver, <strong>et</strong> les exhorter à se faire<br />

chrétiens comme moi. L’épreuve, au témoignage du chroniqueur, réussit au-<strong>de</strong>là<br />

<strong>de</strong> toute espérance. Clovis eut à peine besoin d’adresser <strong>la</strong> parole aux siens ;<br />

d’une seule voix ils s’écrièrent qu’ils consentaient à abandonner leurs dieux<br />

mortels, <strong>et</strong> qu’ils vou<strong>la</strong>ient prendre pour maître le Dieu éternel que prêchait<br />

Remi. La popu<strong>la</strong>rité du roi venait <strong>de</strong> remporter là un triomphe éc<strong>la</strong>tant ;<br />

l’adhésion joyeuse <strong>et</strong> spontanée <strong>de</strong> ses antrustions à <strong>la</strong> foi qu’il avait embrassée<br />

écartait tous les obstacles à sa conversion, <strong>et</strong> l’on comprend que le narrateur ait<br />

vu dans ces dispositions le résultat d’une intervention provi<strong>de</strong>ntielle3. Au surplus,<br />

1 Saint Avitus <strong>de</strong> Vienne fait allusion à c<strong>et</strong>te difficulté dans les paroles suivantes : Vos <strong>de</strong><br />

toto priscæ originis stenimate so<strong>la</strong> nobilitate contentas, quicquid omne potest fastigium<br />

generositatis ornare prosapiæ vestræ a vobis voluistis exurgere. Epist., 46 (44).<br />

2 La plupart <strong><strong>de</strong>s</strong> historiens, induits en erreur par le <strong>la</strong>ngage vague <strong>de</strong> Grégoire <strong>de</strong> Tours,<br />

II, 30 (populus qui sequitur me), se sont figuré qu’il s’agissait <strong>de</strong> toute l’armée franque.<br />

Mais : 1° l’année avait été licencié après <strong>la</strong> campagne, <strong>et</strong> elle était rentrée dans ses<br />

loyers ; d’ailleurs elle était composée <strong>de</strong> Romains catholiques aussi bien que <strong>de</strong> barbares<br />

païens ; 2° il est peu vraisemb<strong>la</strong>ble que c<strong>et</strong>te armée ne comprit que trois mille <strong>hommes</strong>,<br />

comme on l’a supposé d’après le nombre <strong>de</strong> ceux qui reçurent le baptême avec Clovis ;<br />

Grégoire d’ailleurs dit : <strong>de</strong> exercitu amplius tria millia, ce qui est tout autre chose ; 3°<br />

Clovis avait certainement une ban<strong>de</strong>, <strong>et</strong> dès lors il ne peut pas ne l’avoir pas consultée ;<br />

mais Grégoire n’a probablement pas eu une idée très n<strong>et</strong>te <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te institution, <strong>et</strong> <strong>de</strong> là<br />

les termes fort généraux qu’il emploie. Dire avec M. Levison, Bonner Jahrbücher, t. 103,<br />

p. 56, que j’enlève au récit <strong>de</strong> Grégoire son caractère miraculeux pour y substituer une<br />

explication rationaliste, c’est faire une pétition <strong>de</strong> principe, car il faudrait d’abord prouver<br />

que pour Grégoire <strong>de</strong> Tours, l’adhésion spontanée du populos à <strong>la</strong> foi <strong>de</strong> Clovis est<br />

l’œuvre d’un miracle. La seule preuve qu’en ait M. Levison, c’est que c<strong>et</strong> auteur dit que <strong>la</strong><br />

chose arriva præcurrente poteutia Dei, comme si l’emploi <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te formule très générale<br />

suffisait, chez un écrivain du sixième siècle, pour faire considérer son récit comme<br />

mé<strong>la</strong>ngé <strong>de</strong> données d’ordre surnaturel <strong>et</strong>, par suite, pour le faire rej<strong>et</strong>er comme<br />

légendaire. Si les faits se sont passés comme Grégoire le raconte, un rationaliste peut<br />

fort bien les adm<strong>et</strong>tre <strong>et</strong> en donner une explication naturelle, tout en <strong>la</strong>issant à l’écrivain<br />

chrétien le droit <strong>de</strong> croire qu’ils se sont ainsi passés par <strong>la</strong> volonté <strong>de</strong> Dieu.<br />

3 Grégoire <strong>de</strong> Tours, II, 31.

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!