27.06.2013 Views

clovis - L'Histoire antique des pays et des hommes de la Méditerranée

clovis - L'Histoire antique des pays et des hommes de la Méditerranée

clovis - L'Histoire antique des pays et des hommes de la Méditerranée

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

N’est-ce pas à ce <strong>de</strong>rnier qu’il faut, en conséquence, abandonner les <strong>de</strong>ux jeunes<br />

compétiteurs dont parle l’historien byzantin1 ?<br />

Mérovée continue donc d’échapper à nos investigations. Et cependant, si obscure<br />

que soit pour nous sa carrière, elle a été mêlée aux événements les plus<br />

grandioses <strong>de</strong> son temps, <strong>et</strong> lui-même y a joué un rôle qui aurait dû lui valoir <strong>la</strong><br />

reconnaissance <strong>de</strong> <strong>la</strong> postérité. C’était au moment où s’ouvrait pour <strong>la</strong> civilisation<br />

occi<strong>de</strong>ntale l’ère <strong>la</strong> plus terrible qu’elle eût jamais traversée. Atti<strong>la</strong> s’avançait<br />

vers elle, <strong>et</strong> le seul bruit <strong>de</strong> ses pas dans l’Europe silencieuse g<strong>la</strong>çait les peuples<br />

<strong>de</strong> terreur. On savait ce que ce farouche <strong><strong>de</strong>s</strong>tructeur réservait au mon<strong>de</strong> ; on<br />

n’ignorait pas ce que va<strong>la</strong>ient les hor<strong><strong>de</strong>s</strong> bestiales qu’il traînait à sa suite. Ce<br />

n’était plus ici une invasion <strong>de</strong> barbares germaniques, grossiers, mais capables<br />

<strong>de</strong> culture, sanguinaires, mais accessibles à <strong><strong>de</strong>s</strong> sentiments généreux, habitués<br />

au surplus, <strong>de</strong>puis <strong><strong>de</strong>s</strong> siècles, à voir <strong>de</strong> près le tableau d’un régime civilisé, <strong>et</strong> à<br />

en apprécier les bienfaits dans une certaine mesure. Les Huns n’étaient pas <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

barbares, mais <strong><strong>de</strong>s</strong> sauvages. C’est à peine s’il y avait quelque chose d’humain<br />

dans ces êtres hi<strong>de</strong>ux, dont <strong>la</strong> vie semb<strong>la</strong>it un éternel défi aux aspirations les<br />

plus nobles <strong>de</strong> l’humanité. Étrangers à <strong>la</strong> pitié, à <strong>la</strong> pu<strong>de</strong>ur, à toute culture<br />

morale <strong>et</strong> intellectuelle, ils se promenaient par le mon<strong>de</strong> comme les génies <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

<strong><strong>de</strong>s</strong>truction. On eût dit <strong>de</strong> ces vols <strong>de</strong> sauterelles qui s’abattent sur les moissons<br />

avec l’irrésistible impétuosité d’une force <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature, <strong>et</strong> contre lesquels toutes<br />

les ressources du génie sont vaines. Où ils avaient passé, le sol était rasé,<br />

l’herbe ne repoussait plus, <strong>et</strong> le concert harmonieux <strong><strong>de</strong>s</strong> mille voix <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

civilisation expirait dans le grand silence <strong>de</strong> <strong>la</strong> mort.<br />

Heureusement pour l’Oc3i<strong>de</strong>nt, A<strong>et</strong>ius lui restait. C<strong>et</strong> homme <strong>de</strong> génie fit alors<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> prodiges d’énergie <strong>et</strong> d’habil<strong>et</strong>é pour grouper contre le fléau <strong>de</strong> Dieu toutes<br />

les forces <strong>de</strong> <strong>la</strong> civilisation <strong>et</strong> toutes celles <strong>de</strong> <strong>la</strong> barbarie. Il semblerait que ce dut<br />

être une tâche facile, car civilisés <strong>et</strong> barbares avaient les mêmes intérêts à<br />

défendre contre les immon<strong><strong>de</strong>s</strong> cohortes d’Atti<strong>la</strong>. Mais les <strong>hommes</strong> qu’il fal<strong>la</strong>it<br />

grouper sous les bannières romaines aujourd’hui, c’étaient ceux-là mêmes qu’en<br />

vingt rencontres récentes Aétius avait humiliés <strong>et</strong> écrasés. Nous savons par les<br />

contemporains au prix <strong>de</strong> quels efforts multipliés il réussit à triompher <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

hésitations <strong><strong>de</strong>s</strong> Visigoths, qui, dans le début, semb<strong>la</strong>ient vouloir attendre Atti<strong>la</strong><br />

chez eux <strong>et</strong> abandonner l’empire romain à ses <strong><strong>de</strong>s</strong>tinées2. Nous aimerions<br />

surtout <strong>de</strong> savoir quelles furent à c<strong>et</strong>te occasion ses négociations avec les<br />

Francs. Si, comme nous l’avons supposé précé<strong>de</strong>mment, il avait traité avec eux à<br />

<strong>la</strong> suite <strong>de</strong> sa guerre contre Clodion, il put se borner à leur rappeler leurs<br />

engagements : sa force <strong>de</strong> persuasion <strong>et</strong> <strong>la</strong> conscience du danger commun<br />

auront fait le reste. Quoi qu’il en soit, nous voyons qu’au jour <strong>de</strong> <strong>la</strong> lutte décisive,<br />

les Saliens <strong>et</strong> les Ripuaires se r<strong>et</strong>rouvaient sous les drapeaux impériaux à côté<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> A<strong>la</strong>ins, <strong><strong>de</strong>s</strong> Burgon<strong><strong>de</strong>s</strong>, <strong><strong>de</strong>s</strong> Visigoths <strong>et</strong> <strong>de</strong> tous les autres barbares qui<br />

vivaient à l’ombre <strong>de</strong> l’ancienne paix romaine. Tous ces groupes, réunis aux<br />

légions, formaient dans <strong>la</strong> main d’Aétius une armée compacte <strong>et</strong> résolue, qui<br />

avait <strong>la</strong> conscience <strong>de</strong> défendre contre un ennemi sans entrailles les suprêmes<br />

biens <strong>de</strong> l’existence. Il passait comme un souffle <strong>de</strong> christianisme dans ses<br />

bannières diverses, dont plus d’une portait les emblèmes <strong><strong>de</strong>s</strong> divinités païennes.<br />

La religion avait prêté son concours tout-puissant à l’organisation <strong>de</strong> <strong>la</strong> défense :<br />

1 L’opinion que je défends est celle <strong>de</strong> Dubos, Histoire critique <strong>et</strong>c., II, p. 85, <strong>et</strong><br />

d’Amédée Thierry, Histoire d’Atti<strong>la</strong>, I, p. 130.<br />

2 Sidoine Apollinaire, Carm., VII, 329 <strong>et</strong> suiv. ; Jordanès, c. 36.

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!