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clovis - L'Histoire antique des pays et des hommes de la Méditerranée

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indigènes, d’après un règlement calqué sur celui qu’on appliquait, dans les<br />

provinces, à l’occasion <strong><strong>de</strong>s</strong> logements militaires. Les Romains durent livrer<br />

chacun à son hôte, — c’est ainsi que <strong>la</strong> loi appe<strong>la</strong>it le soldat, — le tiers <strong>de</strong> sa<br />

maison <strong>et</strong> <strong>de</strong> ses esc<strong>la</strong>ves, les <strong>de</strong>ux tiers <strong>de</strong> ses terres <strong>et</strong> <strong>la</strong> moitié <strong>de</strong> ce qu’il<br />

possédait en forêts1. Seulement, ces logements militaires d’un nouveau genre<br />

étaient définitifs, <strong>et</strong> l’hôte s’instal<strong>la</strong> pour toujours avec femme <strong>et</strong> enfants. On<br />

comprend les souffrances que l’arrivée <strong><strong>de</strong>s</strong> nouveaux venus dut causer à <strong>la</strong><br />

popu<strong>la</strong>tion indigène, <strong>et</strong> que d’amers souvenirs soient restés attachés, pour elle,<br />

aux premiers jours <strong>de</strong> <strong>la</strong> nationalité burgon<strong>de</strong>. Les racines du royaume<br />

plongeaient, pour ainsi dire, dans une spoliation universelle qui ne se <strong>la</strong>issait pas<br />

oublier, toute légale qu’elle fût, <strong>et</strong> que <strong>de</strong> nombreuses violences individuelles<br />

<strong>de</strong>vaient rendre plus insupportable encore. Un saint <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te époque a flétri avec<br />

une courageuse indignation les excès que les barbares se perm<strong>et</strong>taient envers<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> popu<strong>la</strong>tions inoffensives <strong>et</strong> désarmées, <strong>et</strong> dans une <strong>de</strong> ces inspirations<br />

prophétiques comme en avaient si souvent les grands solitaires, il prédit aux<br />

Burgon<strong><strong>de</strong>s</strong> l’arrivée d’autres hôtes qui leur appliqueraient leur propre mesure, <strong>et</strong><br />

avec lesquels il leur faudrait partager à leur tour2.<br />

Les années, en s’écou<strong>la</strong>nt, n’avaient en rien amélioré c<strong>et</strong>te situation <strong>de</strong> ma<strong>la</strong>ise<br />

<strong>et</strong> d’hostilité mutuelle. Deux nations restaient en présence l’une <strong>de</strong> l’autre, ou,<br />

pour mieux dire, vivaient l’une sur l’autre. Partout le Romain sentait sur ses<br />

épaules le poids <strong>de</strong> ce barbare qui avait pris son bien, qui par<strong>la</strong>it une <strong>la</strong>ngue<br />

inintelligible, <strong>et</strong> qui était étranger à sa vie sociale <strong>et</strong> intellectuelle. Tout l’éloignait<br />

<strong>de</strong> lui, <strong>et</strong> ce qui aurait dû l’en rapprocher, le voisinage <strong>et</strong> <strong>la</strong> cohabitation, ne<br />

servait qu’à rafraîchir sans cesse le souvenir <strong><strong>de</strong>s</strong> humiliations <strong>et</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> violences <strong>de</strong><br />

<strong>la</strong> première heure. La religion, ailleurs si puissante à éteindre les conflits <strong>et</strong> à<br />

rapprocher les cœurs, restait désarmée ici : au lieu d’unir elle divisait. Car les<br />

Burgon<strong><strong>de</strong>s</strong>, séduits par l’exemple <strong><strong>de</strong>s</strong> autres nations <strong>de</strong> leur race, venaient <strong>de</strong><br />

passer en gran<strong>de</strong> majorité à l’arianisme, si bien qu’on ne se rencontrait plus<br />

même au pied <strong><strong>de</strong>s</strong> autels. Telle était <strong>la</strong> situation intérieure dans celui <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

royaumes hérétiques où le vainqueur était le moins ‘inhumain, <strong>et</strong> où les rois<br />

veil<strong>la</strong>ient avec le plus <strong>de</strong> soin à préserver les droits <strong>de</strong> leurs suj<strong>et</strong>s <strong>de</strong> race<br />

romaine. Aussi, tandis que dans le royaume franc <strong>la</strong> fusion <strong><strong>de</strong>s</strong> races se fit dès le<br />

premier jour, avec une rapidité étonnante, en Burgondie, elle était à peine<br />

commencée au début du vue siècle. Chaque fois que le chroniqueur national <strong>de</strong><br />

ce peuple parle d’un <strong>de</strong> ses compatriotes, il a soin <strong>de</strong> nous dire s’il est <strong>de</strong> race<br />

burgon<strong>de</strong> ou romaine3, <strong>et</strong> le fait d’une constatation pareille est à lui seul <strong>la</strong><br />

preuve que l’on continuait d’avoir conscience <strong>de</strong> <strong>la</strong> distinction <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong>ux peuples.<br />

Les Burgon<strong><strong>de</strong>s</strong>, d’ailleurs, ne furent jamais les ennemis <strong>de</strong> l’Empire. Campés,<br />

comme on vient <strong>de</strong> le dire, au milieu d’une province romaine, ils entendaient<br />

payer l’hospitalité qu’ils recevaient. Ils étaient les soldats <strong>de</strong> Rome, <strong>et</strong> ils<br />

observaient loyalement le pacte conclu entre eux <strong>et</strong> les empereurs. En échange<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> terres romaines, ils donnaient leur sang, <strong>et</strong> le versaient sans marchan<strong>de</strong>r. Ils<br />

furent à Mauriac en 451, combattant sous les drapeaux <strong>de</strong> c<strong>et</strong> A<strong>et</strong>ius qui, fidèle à<br />

<strong>la</strong> politique romaine, se servait tour à tour <strong><strong>de</strong>s</strong> Huns contre les Burgon<strong><strong>de</strong>s</strong>, <strong>et</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

Burgon<strong><strong>de</strong>s</strong> contre les Huns. Tant qu’ils vécurent comme peuple, ils gardèrent une<br />

1 Prosper, a. 413 ; Marius, a. 456 ; Lex Burgundionum, tit. 54 ; Frédégaire, II, 46. Voir<br />

sur c<strong>et</strong>te question <strong><strong>de</strong>s</strong> partages Gaupp, Die Germanischen Ansie<strong>de</strong>lungen und<br />

Landtheilungen, pp. 85 <strong>et</strong> suivantes.<br />

2 Vita Lupicini, dans les Acta Sanctorum <strong><strong>de</strong>s</strong> Bol<strong>la</strong>ndistes, t. III <strong>de</strong> mars (25), p. 265.<br />

3 V. mon article ci-<strong><strong>de</strong>s</strong>sus cité, pp. 375-376.

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