clovis - L'Histoire antique des pays et des hommes de la Méditerranée
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captifs que saint Césaire y vint rach<strong>et</strong>er1. Nîmes aussi tomba, du moins pour<br />
quelque temps, au pouvoir <strong><strong>de</strong>s</strong> Ostrogoths, car nous <strong>la</strong> voyons gouvernée à un<br />
certain moment par le duc qui avait sa rési<strong>de</strong>nce à Arles2. On peut adm<strong>et</strong>tre que<br />
toutes les localités qui étaient restées libres avant <strong>la</strong> bataille d’Arles passèrent<br />
sous l’autorité du roi d’Italie, soit qu’il y entrât <strong>de</strong> par le droit <strong>de</strong> <strong>la</strong> conquête, soit<br />
qu’il se bornât à en prendre possession au nom <strong>de</strong> son p<strong>et</strong>it-fils.<br />
Laissant <strong>de</strong>rrière lui les villes dont <strong>la</strong> fidélité lui était acquise, Ibbas poussa droit<br />
sur Narbonne, <strong>la</strong> principale conquête <strong><strong>de</strong>s</strong> Francs <strong>et</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> Burgon<strong><strong>de</strong>s</strong> sur les côtes<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Méditerranée</strong>. Nulle part il ne rencontra <strong>de</strong> résistance. L’ennemi s’étant<br />
r<strong>et</strong>iré, <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion accueillit l’armée italienne ; quant aux Visigoths qui avaient<br />
embrassé le parti <strong>de</strong> Gésalic, <strong>la</strong> fuite <strong>de</strong> l’usurpateur les décida sans doute à faire<br />
leur soumission3. Sans perdre <strong>de</strong> temps, Ibbas passa les Pyrénées <strong>et</strong> donna <strong>la</strong><br />
chasse à Gésalic. Celui-ci, après avoir tenté un semb<strong>la</strong>nt <strong>de</strong> résistance, fut obligé<br />
<strong>de</strong> prendre <strong>la</strong> fuite, pendant que le généralissime <strong>de</strong> Théodoric s’employait<br />
activement à établir dans <strong>la</strong> péninsule l’autorité <strong>de</strong> son maître comme tuteur du<br />
jeune roi. Cependant Gésalic s’était réfugié auprès <strong>de</strong> Thrasamond, roi <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
Vandales, <strong>et</strong> celui-ci, sans doute pour brouiller davantage encore <strong>la</strong> situation, lui<br />
procura <strong><strong>de</strong>s</strong> ressources avec lesquelles il tenta une nouvelle fois <strong>la</strong> fortune <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
armes. Mais, vaincu <strong>de</strong>rechef dans les environs <strong>de</strong> Barcelone, il s’enfuit en Gaule,<br />
où il parvint à rester caché pendant une année environ. Il fut enfin découvert<br />
dans le <strong>pays</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> Durance, <strong>et</strong>, livré à Ibbas, il périt sous <strong>la</strong> main du bourreau4.<br />
Théodoric pouvait à bon droit s’enorgueillir du succès <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te campagne. Son<br />
double but était atteint : le royaume <strong><strong>de</strong>s</strong> Visigoths était sauvé, <strong>et</strong> leur dynastie<br />
restait en possession du trône. Le roi d’Italie avait vaincu partout où ses<br />
généraux s’étaient montrés. Il ne s’était pas contenté d’arrêter l’essor <strong><strong>de</strong>s</strong> Francs<br />
victorieux, il leur avait arraché <strong>de</strong>ux <strong><strong>de</strong>s</strong> plus belles provinces <strong>de</strong> leur nouvelle<br />
conquête. Il avait infligé aux Burgon<strong><strong>de</strong>s</strong>, avec le cuisant regr<strong>et</strong> <strong>de</strong> se voir<br />
refoulés définitivement <strong>de</strong> <strong>la</strong> mer, l’humiliation <strong>de</strong> <strong>la</strong>isser dans ses mains leur<br />
ville d’Avignon, boulevard méridional <strong>de</strong> leur royaume, qui, paraît-il, leur fut<br />
enlevée au cours <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te campagne. Il avait apparu, au milieu <strong><strong>de</strong>s</strong> peuples en’<br />
lutte, comme le gardien puissant <strong>et</strong> pacifique du droit, <strong>et</strong> il pouvait écrire au roi<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> Vandales : C’est grâce à nos armes que votre royaume ne sera pas<br />
inquiété5.<br />
Et pourtant, malgré toutes ces apparences conso<strong>la</strong>ntes pour l’orgueil national <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
Goths, le vaincu n’était pas Clovis, c’était Théodoric. Son prestige avait reçu, par<br />
<strong>la</strong> chute <strong>de</strong> <strong>la</strong> domination visigothique en Gaule, un coup dont il ne <strong>de</strong>vait plus se<br />
relever. Il <strong>de</strong>venait <strong>de</strong> plus en plus manifeste que son idéal n’était qu’une<br />
chimère. Adieu l’hégémonie pacifique <strong>de</strong> l’Italie sur tous les peuples <strong>de</strong><br />
l’Occi<strong>de</strong>nt, <strong>et</strong> l’espèce d’empire nouveau créé par <strong>la</strong> diplomatie au profit <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
maison <strong><strong>de</strong>s</strong> Amales ! En chassant les Visigoths <strong>de</strong> l’Aquitaine, Clovis avait rompu<br />
le faisceau formé par l’alliance <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong>ux peuples sur lesquels pivotait <strong>la</strong> politique<br />
<strong>de</strong> Théodoric. En s’emparant <strong>de</strong> ce <strong>pays</strong> pour lui-même, il avait dép<strong>la</strong>cé le centre<br />
<strong>de</strong> gravité <strong>de</strong> l’Europe, <strong>et</strong> transféré <strong>de</strong> Ravenne à Paris <strong>la</strong> primauté honorifique<br />
1 Vita sancti Cæsarii, I, 23, dans Mabillon, o. c., I, p. 613.<br />
2 Grégoire <strong>de</strong> Tours, Gloria martyrum, c. 77.<br />
3 Cassiodore, Variarum, IV, 17.<br />
4 Le peu <strong>de</strong> chose que nous savons sur Gésalic se trouve dans Cassiodore, Variarum, V,<br />
43 (cf. le proœmium <strong>de</strong> Mommsen, p. 36), plus quelques lignes d’Isidore <strong>de</strong> Séville,<br />
Chronicon Gothorum, c. 37, <strong>et</strong> <strong>de</strong> Victor <strong>de</strong> Tunnuna, a. 510.<br />
5 Cassiodore, Variarum, V, 43.