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clovis - L'Histoire antique des pays et des hommes de la Méditerranée

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tout fils <strong>de</strong> roi, qu’il portât ou non <strong>la</strong> couronne. Là était <strong>la</strong> force <strong><strong>de</strong>s</strong> dynasties<br />

barbares, <strong>et</strong> aussi le plus grand obstacle à leur conversion. Se faire chrétien,<br />

c’était renier ses ancêtres, c’était couper <strong>la</strong> chaîne dé sa généalogie, c’était se<br />

priver <strong>de</strong> son titre à régner. Il fal<strong>la</strong>it un courage très grand pour embrasser <strong>la</strong> foi<br />

du Christ, <strong>et</strong> l’on entendra plus tard saint Avitus féliciter Clovis d’avoir osé<br />

commencer sa généalogie à lui-même1.<br />

Ces rois fils <strong><strong>de</strong>s</strong> dieux se reconnaissaient à une marque matérielle <strong>de</strong> leur origine<br />

céleste. Tandis que les guerriers <strong>de</strong> <strong>la</strong> nation se rasaient le <strong>de</strong>rrière <strong>de</strong> <strong>la</strong> tête2,<br />

eux, ils portaient dès l’enfance leur chevelure intacte, qui leur r<strong>et</strong>ombait sur les<br />

épaules en longues boucles blon<strong><strong>de</strong>s</strong>. Revêtus <strong>de</strong> ce diadème naturel comme le<br />

lion <strong>de</strong> sa crinière, tous les Mérovingiens ont gardé, jusqu’à l’expiration <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

dynastie, ce glorieux insigne <strong>de</strong> <strong>la</strong> royauté. C’est sous le nom <strong>de</strong> rois chevelus<br />

qu’ils font leur première entrée dans l’histoire3, <strong>et</strong> <strong>la</strong> seule fois que <strong>la</strong> main d’un<br />

contemporain ait gravé les traits <strong>de</strong> l’un d’eux, ils apparaissent dans<br />

l’encadrement <strong>de</strong> ces boucles souveraines. La chevelure royale resplendit autour<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> tête victorieuse <strong>de</strong> Clovis ; enfermée sous le casque aux jours <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

combats4, elle se déroule en longs anneaux sur <strong>la</strong> nuque du roi lorsqu’il veut se<br />

faire reconnaître <strong>de</strong> ses ennemis5 ; plus fidèle qu’une couronne, elle reste<br />

attachée à <strong>la</strong> tête sang<strong>la</strong>nte du prince tombé sur le champ <strong>de</strong> bataille6, <strong>et</strong> jusque<br />

dans l’horreur du tombeau, elle sert à désigner son cadavre décomposé au<br />

respect <strong>et</strong> à <strong>la</strong> douleur <strong><strong>de</strong>s</strong> fidèles7. Se transm<strong>et</strong>tant avec le sang <strong>de</strong> génération<br />

en génération, elle prêta encore sa majesté impuissante aux <strong><strong>de</strong>s</strong>cendants<br />

dégénérés <strong>de</strong> Clodion, sur le front <strong><strong>de</strong>s</strong>quels elle n’était plus que l’emblème<br />

archaïque d’une supériorité désormais effacée par <strong><strong>de</strong>s</strong> supériorités plus<br />

gran<strong><strong>de</strong>s</strong>8.<br />

Les Romains ne comprenaient pas <strong>la</strong> poésie <strong>de</strong> ce symbolisme germanique : ils<br />

virent avec étonnement se promener dans leurs rues l’adolescent chevelu qui<br />

vint <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r l’appui <strong><strong>de</strong>s</strong> empereurs dans une querelle domestique9, <strong>et</strong> plus<br />

tard, lorsque les Mérovingiens eurent cessé d’être redoutables, ils se moquèrent<br />

<strong>de</strong> leur crinière royale en prétendant que le signe distinctif <strong><strong>de</strong>s</strong> rois francs,<br />

c’étaient <strong><strong>de</strong>s</strong> soies <strong>de</strong> porc qui leur poussaient dans <strong>la</strong> nuque10. Il y avait dans<br />

t<strong>et</strong>te opposition <strong><strong>de</strong>s</strong> points <strong>de</strong> vue <strong>la</strong> profon<strong>de</strong> différence qui sépare les civilisés<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> barbares, les sociétés vieillies <strong><strong>de</strong>s</strong> peuples restés à l’état primitif. Pour ces<br />

<strong>de</strong>rniers, l’homme qui marchait à <strong>la</strong> tête <strong><strong>de</strong>s</strong> autres <strong>de</strong>vait les dépasser en<br />

beauté <strong>et</strong> en force : ils ne vou<strong>la</strong>ient pas que celui qui les conduisait à <strong>la</strong> guerre,<br />

<strong>et</strong> sur qui se portaient les regards <strong><strong>de</strong>s</strong> amis <strong>et</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> ennemis, fût bâti <strong>de</strong> manière à<br />

ne pas leur faire honneur. Or l’intégrité <strong>de</strong> <strong>la</strong> crinière était, chez les Francs, une<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> marques extérieures qui distinguaient le roi ; il ne pouvait pas <strong>la</strong> perdre sans<br />

perdre par là même son droit <strong>de</strong> régner. Tondre un roi équiva<strong>la</strong>it par conséquent<br />

1 Vos <strong>de</strong> toto priscæ originis stemmate so<strong>la</strong> nobilitate contentus, quidquid omne potest<br />

fastigium generositatis ornare, prosapiæ vestræ a vobis voluistis exurgere. S. Avitus,<br />

Epist., 46 (41), éd. Peiper.<br />

2 Sidoine Apollinaire, Carm., VIII, 9, v. 28.<br />

3 Grégoire <strong>de</strong> Tours, II, 9, dans le passage ci-<strong><strong>de</strong>s</strong>sus.<br />

4 S. Avitus, Epist., 46 (41), éd. Peiper : sub cassi<strong>de</strong> crinis nutritus.<br />

5 Liber historiæ, c. 41.<br />

6 Agathias, I, 3 (Bonn).<br />

7 Grégoire <strong>de</strong> Tours, VIII, 10.<br />

8 Théophane, Chonographie, p. 619 (Bonn) : Eginhard, Vita Karoli, c. 1.<br />

9 Priscus, Fragmenta, VIII, p. 152 (Bonn).<br />

10 Théophane, Chonographie, p. 619 (Bonn).

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