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clovis - L'Histoire antique des pays et des hommes de la Méditerranée

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les tyrans <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion ; le moindre événement pouvait amener une<br />

explosion. Et précisément à l’heure où disparaissait l’homme puissant qui avait<br />

créé c<strong>et</strong>te situation <strong>et</strong> qui semb<strong>la</strong>it jusqu’à un certain point <strong>la</strong> dominer, on voyait<br />

surgir à l’horizon <strong>la</strong> monarchie jeune <strong>et</strong> hardie du peuple franc. En quelques<br />

années <strong>de</strong> temps, elle était <strong>de</strong>venue <strong>la</strong> voisine <strong><strong>de</strong>s</strong> Visigoths sur toute l’étendue<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> Loire, <strong>et</strong> elle p<strong>la</strong>çait, en face <strong><strong>de</strong>s</strong> catholiques opprimés dans ce malheureux<br />

royaume, un spectacle bien fait pour exciter leur envie <strong>et</strong> leurs regr<strong>et</strong>s. Dans<br />

c<strong>et</strong>te nation à qui tout souriait, leur religion était celle <strong>de</strong> tous, le roi recevait <strong>la</strong><br />

bénédiction <strong>de</strong> leurs évêques, <strong>et</strong>, selon l’expression <strong>de</strong> saint Avitus, chaque<br />

victoire du souverain était un triomphe pour leur foi.<br />

Quelle éloquence il y avait dans ce simple rapprochement, <strong>et</strong> avec quelle force<br />

persuasive les faits <strong>de</strong>vaient parler aux esprits ! Les Visigoths le comprirent peutêtre<br />

avant les catholiques. Ils se rendirent compte que <strong>la</strong> présence d’un royaume<br />

orthodoxe à leurs frontières était pour leurs suj<strong>et</strong>s catholiques le plus formidable<br />

appel à <strong>la</strong> défection. Ils les accusèrent <strong>de</strong> trahison <strong>et</strong> <strong>de</strong> sympathies franques sur<br />

<strong>la</strong> seule foi <strong><strong>de</strong>s</strong> légitimes suj<strong>et</strong>s <strong>de</strong> mécontentement qu’ils leur avaient donnés.<br />

C’était leur conscience <strong>de</strong> persécuteurs qui évoquait le fantôme <strong>de</strong> complots<br />

imaginaires. Comme au temps <strong>de</strong> l’Empire, quand on prétendait que les chrétiens<br />

se réjouissaient <strong>de</strong> chaque désastre public, <strong>de</strong> chaque victoire <strong><strong>de</strong>s</strong> Perses ou <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

Germains, <strong>de</strong> même on entendit r<strong>et</strong>entir tous les jours, à l’adresse <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

catholiques, les mots <strong>de</strong> traîtres à l’État <strong>et</strong> d’ennemis <strong>de</strong> <strong>la</strong> patrie. Et certes, s’il<br />

suffisait <strong><strong>de</strong>s</strong> calomnies <strong><strong>de</strong>s</strong> persécuteurs pour faire condamner leurs victimes, il<br />

faudrait croire que le royaume visigoth a succombé sous les intrigues <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

catholiques d’Aquitaine au moins autant que sous les armes <strong>de</strong> Clovis. La vérité,<br />

c’est que, si les accusations reparaissent sur toutes les pages <strong>de</strong> l’histoire <strong>de</strong> ce<br />

temps, on n’y trouve pas <strong>la</strong> moindre trace <strong><strong>de</strong>s</strong> prétendus complots. Il n’y avait<br />

d’autre révolte que celle <strong><strong>de</strong>s</strong> consciences opprimées ; il n’y avait d’autre<br />

conspiration que le mécontentement universel d’une nation blessée dans ses<br />

sentiments les plus chers. Les oppresseurs n’avaient pas le droit <strong>de</strong> se p<strong>la</strong>indre<br />

<strong>de</strong> ces dispositions, qu’ils avaient créées1.<br />

Le gouvernement eût pu, au len<strong>de</strong>main <strong>de</strong> <strong>la</strong> mort d’Euric, liqui<strong>de</strong>r le passé <strong>et</strong><br />

inaugurer une politique nouvelle : peut-être était-il temps encore. Le comprit-il,<br />

<strong>et</strong> se rendit-il compte <strong>de</strong> l’abîme qui al<strong>la</strong>it s’ouvrir sous ses pas ? Nous n’en<br />

savons rien. Un inci<strong>de</strong>nt en apparence futile nous révèle le profond dédain avec<br />

lequel on continuait <strong>de</strong> traiter les catholiques dans les régions officielles, <strong>et</strong><br />

l’étour<strong>de</strong>rie avec <strong>la</strong>quelle on courait au-<strong>de</strong>vant <strong>de</strong> leur ressentiment. A Narbonne,<br />

il y avait une église catholique dont le campanile enlevait au pa<strong>la</strong>is royal <strong>la</strong> vue<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> Livière. La cour ordonna <strong>de</strong> le faire abattre, <strong>et</strong> c<strong>et</strong> inci<strong>de</strong>nt, qui en d’autres<br />

circonstances aurait passé inaperçu, <strong>de</strong>vint, à ce qu’il paraît, quelque chose<br />

comme un scandale2. Dans l’état où se trouvaient les esprits, rien n’était plus<br />

facile à prévenir. Les ministres du roi, en froissant inutilement <strong>la</strong> susceptibilité<br />

religieuse d’une ville entière, prouvaient tout au moins combien ils avaient peu<br />

l’esprit politique, <strong>et</strong> à quel point l’intelligence <strong>de</strong> <strong>la</strong> situation leur manquait.<br />

Il faut cependant rendre au gouvernement c<strong>et</strong>te justice que, <strong>de</strong>puis l’avènement<br />

d’A<strong>la</strong>ric II, <strong>la</strong> persécution ne paraît plus avoir été organisée par le pouvoir, mais<br />

1 Cf. Malnory, Saint Césaire, p. 91, avec lequel je me rencontre fréquemment dans<br />

l’appréciation <strong>de</strong> ces questions délicates, si étrangement défigurées par les historiens du<br />

parti pris.<br />

2 Grégoire <strong>de</strong> Tours, Gloria Martyrum, c. 91.

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