clovis - L'Histoire antique des pays et des hommes de la Méditerranée
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elégué, <strong>et</strong> où l’histoire le perd <strong>de</strong> vue. Quant à Sunno, il fut assassiné par les<br />
siens en essayant <strong>de</strong> venger Marcomir sur les traîtres qui l’avaient livré1.<br />
Ces résultats <strong>de</strong> <strong>la</strong> diplomatie romaine sont étonnants : ils le paraîtront<br />
davantage encore, quand on se souviendra qu’en 402, Stilicon crut pouvoir sans<br />
danger dégarnir les bords du Rhin, pour opposer le plus <strong>de</strong> forces possible à<br />
l’invasion d’A<strong>la</strong>ric. Ce fut une démarche d’une gravité exceptionnelle dans<br />
l’histoire. Renonçant à une domination qui avait près <strong>de</strong> cinq siècles d’existence,<br />
Rome recu<strong>la</strong>it <strong>de</strong>vant l’avenir qui s’avançait sur elle, incarné dans <strong><strong>de</strong>s</strong> barbares,<br />
<strong>et</strong> l’Empire abandonnait nos provinces pour n’y plus reparaître. Comme s’il eût<br />
voulu faire son testament, il <strong>la</strong>issait le Rhin à <strong>la</strong> gar<strong>de</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> Francs, <strong>et</strong> ce seront<br />
les Francs, en eff<strong>et</strong>, qui <strong>de</strong>viendront ses héritiers légitimes, dans <strong>la</strong> pleine<br />
acception du mot. Ils ne cherchèrent pas à s’emparer du patrimoine par <strong>la</strong> frau<strong>de</strong><br />
ou par <strong>la</strong> force, ou à en dépossé<strong>de</strong>r avant l’heure <strong>la</strong> société dont ils al<strong>la</strong>ient<br />
hériter. Ils le gagnèrent loyalement, fidèles à son service, <strong>et</strong> en versant leur sang<br />
pour <strong>la</strong> défendre2.<br />
La catastrophe qui mit leur dévouement à l’épreuve pour une <strong>de</strong>rnière fois éc<strong>la</strong>ta<br />
en 406. Vers <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te année, une ava<strong>la</strong>nche <strong>de</strong> peuples germaniques,<br />
A<strong>la</strong>ins, Vandales, Suèves, d’autres encore, rou<strong>la</strong> dans <strong>la</strong> direction du Rhin. C<strong>et</strong>te<br />
masse énorme semble avoir été partagée en <strong>de</strong>ux colonnes, qui essayèrent <strong>de</strong><br />
passer le fleuve sur <strong>de</strong>ux points différents. Rome eut le temps <strong>de</strong> gagner un <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
chefs a<strong>la</strong>ins, Goar, qui fit défection ; d’autre part, dans le voisinage <strong>de</strong> Mayence,<br />
les Francs opposaient une résistance héroïque aux Vandales : ils leur tuèrent<br />
vingt mille <strong>hommes</strong> avec leur roi Go<strong>de</strong>gisel, <strong>et</strong> ils auraient exterminé toute<br />
l’armée, si les A<strong>la</strong>ins n’étaient venus à <strong>la</strong> rescousse sous leur roi Respendial.<br />
C<strong>et</strong>te fois, les Francs succombèrent, <strong>et</strong>, le <strong>de</strong>rnier jour <strong>de</strong> l’an 406, le gros <strong>de</strong><br />
l’invasion leur passa sur le corps pour se répandre sur <strong>la</strong> première Germanie3.<br />
Une autre partie <strong>de</strong> l’armée avait passé le Rhin plus bas, probablement vers<br />
Cologne ; <strong>de</strong> là, gardant toujours <strong>la</strong> direction <strong>de</strong> l’ouest, elle traversa <strong>la</strong> secon<strong>de</strong><br />
Germanie <strong>et</strong> <strong>la</strong> secon<strong>de</strong> Belgique jusqu’à Boulogne, ne <strong>la</strong>issant pas une ville<br />
<strong>de</strong>bout sur son passage. Reims, Amiens, Arras, Thérouanne, Tournai, sont citées<br />
parmi celles qui périrent alors, <strong>et</strong> dont le sol fut transformé en <strong>pays</strong> barbare4.<br />
Rien ne fut épargné, <strong>et</strong> ce qui restait <strong>de</strong> <strong>la</strong> culture romaine disparut dans <strong>la</strong> plus<br />
effroyable <strong><strong>de</strong>s</strong> tourmentes. D’innombrables vil<strong>la</strong>s incendiées <strong>et</strong> quantité <strong>de</strong><br />
trésors enterrés à c<strong>et</strong>te date racontent encore, avec leur mu<strong>et</strong>te éloquence, les<br />
souffrances inouïes qui frappèrent alors <strong>la</strong> race humaine dans nos contrées. Ce<br />
qui étonne, c’est qu’elles aient pu se relever après un pareil désastre. La stabilité<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> civilisation romaine <strong>de</strong>vait être gran<strong>de</strong>, pour qu’on en r<strong>et</strong>rouve encore tant<br />
<strong>de</strong> restes après c<strong>et</strong>te date néfaste <strong>de</strong> 406. Du coup, le gouvernement <strong><strong>de</strong>s</strong> Gaules<br />
recu<strong>la</strong> <strong>de</strong> Trêves Arles, aussi loin que possible <strong><strong>de</strong>s</strong> barbares. Rome n’essaya plus<br />
même <strong>de</strong> reconquérir <strong>la</strong> Gaule septentrionale. Les Francs Saliens re<strong>de</strong>vinrent un<br />
peuple indépendant ; les autres n’avaient pas cessé <strong>de</strong> l’être. Ainsi toutes les<br />
basses p<strong>la</strong>ines arrosées par les grands fleuves belges, le Rhin, <strong>la</strong> Meuse, l’Escaut,<br />
échappaient à l’autorité romaine. L’Empire rétréci était désormais renfermé, dans<br />
1 C<strong>la</strong>udien, o. c., I, 211 <strong>et</strong> suiv.<br />
2 Ce qui vient d’être dit exclut totalement l’hypothèse <strong>de</strong> Fauriel, Hist. <strong>de</strong> <strong>la</strong> Gaule mérid.<br />
sous <strong>la</strong> domination <strong><strong>de</strong>s</strong> Germains, I, p. 174, d’une invasion franque en 399, au cours <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong>quelle Trèves aurait été prise une première fois.<br />
3 Paul Orose, VII, 40 ; Prosper d’Aquitaine, a. 406 ; Cassiodore, Chronicon, a. 406 ;<br />
Renatus Frigeridus Profuturus, dans Grégoire <strong>de</strong> Tours, II, 9.<br />
4 S. Jérôme, Epist., CXXIII (ad Ageruchiam).