27.06.2013 Views

clovis - L'Histoire antique des pays et des hommes de la Méditerranée

clovis - L'Histoire antique des pays et des hommes de la Méditerranée

clovis - L'Histoire antique des pays et des hommes de la Méditerranée

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

décidément avoir pris fin ; à tout prendre, on préférait leur domination aux<br />

horreurs <strong>de</strong> l’invasion franque, maintenant surtout qu’on n’avait plus à en<br />

craindre les excès <strong>et</strong> qu’on en regr<strong>et</strong>tait les avantages.<br />

Nulle part ces dispositions hostiles à <strong>la</strong> conquête franque ne se traduisirent avec<br />

plus <strong>de</strong> vivacité qu’à Arles même. C<strong>et</strong>te gran<strong>de</strong> ville, assise sur le Rhône en<br />

amont du <strong>de</strong>lta par lequel il circonscrit l’île <strong>de</strong> <strong>la</strong> Camargue avant <strong>de</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong>cendre<br />

dans <strong>la</strong> mer, commandait toutes les communications <strong>de</strong> <strong>la</strong> Gaule intérieure avec<br />

<strong>la</strong> <strong>Méditerranée</strong>. Elle fermait c<strong>et</strong>te mer, d’un côté aux Francs, <strong>de</strong> l’autre aux<br />

Burgon<strong><strong>de</strong>s</strong>, <strong>et</strong> m<strong>et</strong>tait à l’abri <strong>de</strong> leurs surprises les provinces septentrionales <strong>de</strong><br />

l’Italie. Son admirable position stratégique lui avait valu, au commencement du<br />

cinquième siècle, l’honneur <strong>de</strong> servir <strong>de</strong> rési<strong>de</strong>nce au préf<strong>et</strong> du prétoire <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

Gaules, <strong>et</strong> même <strong>de</strong> donner parfois l’hospitalité à <strong>la</strong> majesté impériale.<br />

Constantin le Grand, qui en aimait le séjour, avait voulu lui donner son nom, <strong>et</strong><br />

en avait fait, comme dit un poète du quatrième siècle, <strong>la</strong> p<strong>et</strong>ite Rome gauloise1.<br />

La ville était vraiment une rési<strong>de</strong>nce impériale. Malgré <strong>la</strong> <strong>la</strong>rgeur qu’y avait déjà<br />

le Rhône, elle l’avait franchi <strong>et</strong> avait proj<strong>et</strong>é un <strong>de</strong> ses quartiers sur <strong>la</strong> rive droite,<br />

ce qui lui va<strong>la</strong>it <strong>de</strong> <strong>la</strong> part <strong><strong>de</strong>s</strong> contemporains le nom d’Arles <strong>la</strong> Double2. Un pont<br />

<strong>de</strong> bateaux reliés par <strong>de</strong> fortes chaînes rattachait les <strong>de</strong>ux villes l’une à l’autre3.<br />

Les Visigoths n’avaient pu se résigner à <strong>la</strong>isser un poste <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te importance aux<br />

mains <strong>de</strong> l’empereur. Ils l’avaient assiégée quatre fois pendant le cinquième<br />

siècle, <strong>et</strong>, une fois qu’ils en furent les maîtres, ils <strong>la</strong> gardèrent avec un soin<br />

jaloux, toujours l’œil au gu<strong>et</strong>, dans <strong>la</strong> crainte qu’on ne leur disputât c<strong>et</strong>te perle<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Méditerranée</strong>. Les Burgon<strong><strong>de</strong>s</strong> surtout leur inspiraient <strong>de</strong> l’inquiétu<strong>de</strong> :<br />

comme on l’a déjà vu, ils allèrent jusqu’à soupçonner l’évêque d’Arles lui-même,<br />

sur <strong>la</strong> seule foi <strong>de</strong> son origine burgon<strong>de</strong>, <strong>de</strong> vouloir livrer <strong>la</strong> ville à ses<br />

compatriotes. Même après que l’innocence <strong>de</strong> saint Césaire eut été reconnue, <strong>et</strong><br />

qu’il fut rentré dans sa ville épiscopale, les soupçons persistèrent contre lui dans<br />

une bonne partie <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion arlésienne. Il y avait là quelque chose <strong>de</strong> fatal<br />

; c’étaient, si l’on peut ainsi parler, ses fonctions qui le dénonçaient, <strong>et</strong>, quoi qu’il<br />

fît, il était suspect <strong>de</strong> plein droit. La communauté <strong>de</strong> foi entre les assiégeants <strong>et</strong><br />

les catholiques arlésiens créait entre eux une solidarité apparente dont tout le<br />

poids r<strong>et</strong>ombait sur l’évêque ; car, bien que les catholiques formassent <strong>la</strong><br />

majorité, les Goths ariens <strong>et</strong> les juifs constituaient <strong><strong>de</strong>s</strong> groupes compacts,<br />

également hostiles, sinon à <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion catholique, dont il fal<strong>la</strong>it ménager les<br />

sentiments, du moins à son chef, qu’on essayait d’isoler. La haute situation que<br />

ses vertus, ses talents <strong>et</strong> ses fonctions avaient faite à Césaire irritait les ariens.<br />

Quant aux Juifs, ils avaient une rancune spéciale contre le grand évêque. Ne<br />

venait-il pas, au concile d’Ag<strong>de</strong>, <strong>de</strong> faire prendre <strong><strong>de</strong>s</strong> précautions contre les<br />

conversions simulées ou peu durables <strong><strong>de</strong>s</strong> juifs, <strong>et</strong> n’avait-il pas étendu à tout<br />

fidèle l’interdiction <strong>de</strong> les recevoir à sa table ou d’accepter leurs invitations4 ?<br />

Goths <strong>et</strong> juifs se trouvaient donc unis dans une même inimitié contre Césaire.<br />

Les juifs surtout par<strong>la</strong>ient très haut, ne cessaient <strong>de</strong> suspecter le dévouement<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> catholiques, <strong>et</strong> se faisaient volontiers les zé<strong>la</strong>teurs du patriotisme. Ce rôle<br />

était d’autant plus fructueux que tout le mon<strong>de</strong> était animé du même esprit <strong>de</strong><br />

résistance à l’assiégeant.<br />

1 Ausone, XIX, 74.<br />

2 Id., ibid., XIX, 73.<br />

3 Grégoire <strong>de</strong> Tours, Gloria Martyrum, c. 68.<br />

4 Voir les canons 34 <strong>et</strong> 40 du concile d’Ag<strong>de</strong>, dans Sirmond, Concilia Galliæ, I, pp. 168 <strong>et</strong><br />

169. Cf. Arnold, Cæsarius von Are<strong>la</strong>te, p. 248.

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!