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clovis - L'Histoire antique des pays et des hommes de la Méditerranée

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Clovis avait prescrit un respect absolu <strong><strong>de</strong>s</strong> personnes <strong>et</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> choses<br />

ecclésiastiques. Les prêtres, les clercs <strong>de</strong> tout rang <strong>et</strong> leurs familles, les religieux<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong>ux sexes, <strong>et</strong> jusqu’aux serfs d’église, tous étaient mis sous <strong>la</strong> protection<br />

spéciale du souverain, c’est-à-dire, selon le <strong>la</strong>ngage d’alors, dans <strong>la</strong> paix du roi.<br />

Quiconque se rendait coupable <strong>de</strong> violence envers eux ou les dépouil<strong>la</strong>it <strong>de</strong> leurs<br />

biens s’exposait par là même à <strong>la</strong> plus terrible vengeance1. Par considération<br />

pour son saint patron, le <strong>pays</strong> <strong>de</strong> Tours fut mis tout entier sous <strong>la</strong> protection <strong>de</strong><br />

c<strong>et</strong> édit, ou, pour mieux dire, un édit tout spécial défendit aux soldats d’y<br />

molester qui que ce fût, <strong>et</strong> d’y prendre autre chose que <strong>de</strong> l’herbe <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’eau.<br />

Clovis tua <strong>de</strong> sa propre main un soldat qui s’était permis d’enlever du foin à un<br />

pauvre, disant par manière <strong>de</strong> p<strong>la</strong>isanterie que c’était <strong>de</strong> l’herbe.<br />

Comment, dit le roi, pourrions-nous espérer <strong>de</strong> vaincre, si nous offensons saint<br />

Martin ?2<br />

Clovis donna une autre preuve <strong>de</strong> sa gran<strong>de</strong> confiance dans le pouvoir du patron<br />

<strong>de</strong> l’église <strong>de</strong> Tours. Conformément à un usage barbare <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te époque, auquel<br />

les chrétiens eux-mêmes recouraient <strong>de</strong> temps à autre malgré les interdictions<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> conciles, il voulut que saint Martin rendît un oracle au suj<strong>et</strong> <strong>de</strong> l’issue <strong>de</strong> sa<br />

campagne. Ses envoyés allèrent donc, sans que lui-même se détournât <strong>de</strong> sa<br />

route, porter <strong>de</strong> riches présents au saint <strong>de</strong> <strong>la</strong> part <strong>de</strong> leur maître, dans l’espoir<br />

qu’il leur donnerait un signe quelconque <strong>de</strong> l’avenir. Et, en eff<strong>et</strong>, au moment où<br />

ils entraient dans <strong>la</strong> basilique, le primicier qui dirigeait les chants du chœur<br />

faisait exécuter l’antienne suivante : Seigneur, vous m’avez armé <strong>de</strong> courage<br />

pour les combats, vous avez renversé à mes pieds ceux qui se dressaient contre<br />

moi, vous m’avez livré les dos <strong>de</strong> mes ennemis, <strong>et</strong> vous avez dispersé ceux qui<br />

me poursuivent <strong>de</strong> leur haine3. Ces paroles sacrées, qui s’adaptaient si bien à <strong>la</strong><br />

situation <strong>de</strong> Clovis, n’était-ce pas saint Martin qui les avait mises dans <strong>la</strong> bouche<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> chanteurs, pour donner au roi <strong><strong>de</strong>s</strong> Francs un présage <strong>de</strong> sa victoire ? Les<br />

envoyés le crurent, <strong>et</strong>, pleins <strong>de</strong> joie, ils allèrent rapporter c<strong>et</strong>te bonne nouvelle à<br />

leur maître4.<br />

Cependant l’armée franque, quittant <strong>la</strong> vallée <strong>de</strong> <strong>la</strong> Loire, avait pénétré dans celle<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> Vienne, <strong>et</strong> <strong>la</strong> remontait, cherchant avec ar<strong>de</strong>ur un gué, car A<strong>la</strong>ric avait fait<br />

détruire les ponts <strong>et</strong> enlever les bateaux5. Malheureusement, <strong>de</strong> fortes pluies<br />

avaient grossi <strong>la</strong> rivière, <strong>et</strong>, après une journée entière <strong>de</strong> recherches, il avait fallu<br />

camper sur <strong>la</strong> rive droite. Clovis se mit en prière, <strong>et</strong> supplia Dieu <strong>de</strong> lui venir en<br />

ai<strong>de</strong>. Et, dit <strong>la</strong> tradition conservée par Grégoire <strong>de</strong> Tours, voilà qu’une biche <strong>de</strong><br />

proportions énormes entra dans <strong>la</strong> rivière sous les yeux du roi, <strong>et</strong>, <strong>la</strong> traversant à<br />

gué, montra ainsi à toute l’armée le chemin qu’elle <strong>de</strong>vait suivre6. La route <strong>de</strong><br />

1 Voir <strong>la</strong> l<strong>et</strong>tre <strong>de</strong> Clovis aux évêques, dans Sirmond, Concilia Galliæ, I, p. 176.<br />

2 Grégoire <strong>de</strong> Tours, II, 37.<br />

3 Psaume XVII, 40-41.<br />

4 Grégoire <strong>de</strong> Tours, l. c.<br />

5 Pétigny, II, p. 503.<br />

6 Grégoire <strong>de</strong> Tours, l. c. De pareils épiso<strong><strong>de</strong>s</strong> étaient fréquents à une époque ou les <strong>pays</strong><br />

étaient moins peuplés <strong>et</strong> plus giboyeux qu’aujourd’hui. Un gué <strong>de</strong> l’Isère fut montré par<br />

une biche au général Mummolus. Grégoire <strong>de</strong> Tours, IV, 44. J’ai cité d’autres exemples,<br />

les uns légendaires, les autres historiques, dans l’Histoire poétique <strong><strong>de</strong>s</strong> Mérovingiens, pp.<br />

215 <strong>et</strong> suiv. On a souvent p<strong>la</strong>cé le passage <strong>de</strong> <strong>la</strong> Vienne à Lussac, k cause d’un lieu voisin<br />

dit le Pas <strong>de</strong> <strong>la</strong> biche ; mais M. Richard nous apprend qu’il y a plusieurs l’as <strong>de</strong> <strong>la</strong> biche<br />

sur <strong>la</strong> Vienne, entre autres un à Chinon (Bull<strong>et</strong>in mensuel <strong>de</strong> <strong>la</strong> Faculté <strong><strong>de</strong>s</strong> l<strong>et</strong>tres <strong>de</strong><br />

Poitiers, 1888, pp. 62-66.)

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