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clovis - L'Histoire antique des pays et des hommes de la Méditerranée

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défenseurs étaient hautains <strong>et</strong> arrogants ; mais il n’en était jamais autrement,’<br />

<strong>et</strong> ce<strong>la</strong> faisait partie <strong><strong>de</strong>s</strong> ennuis que créent aux civils tous les logements<br />

militaires. On avait <strong>la</strong> ressource <strong>de</strong> se moquer d’eux dans les salons, <strong>et</strong> une<br />

épigramme heureuse, qui faisait rire d’eux dans le beau mon<strong>de</strong>, dédommageait<br />

<strong>de</strong> tant <strong>de</strong> mortifications ! Et puis, on s’avouait tout bas, parfois même on<br />

reconnaissait tout haut qu’on était plus à l’aise maintenant que du temps <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

fonctionnaires impériaux. Une fois établis dans leurs lots, les barbares ne<br />

<strong>de</strong>mandaient pas autre chose : ils savaient même montrer <strong>de</strong> <strong>la</strong> probité dans<br />

leurs re<strong>la</strong>tions avec les indigènes, <strong>et</strong> ils ne faisaient pas fonctionner <strong>la</strong> machine<br />

du fisc avec l’impitoyable virtuosité <strong><strong>de</strong>s</strong> gens du métier. C’est pour ces raisons<br />

d’ordre négatif qu’à tout prendre on s’accommodait d’eux, malgré leur superbe <strong>et</strong><br />

leur brutalité.<br />

Faut-il s’étonner, après ce<strong>la</strong>, que <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>hommes</strong> désabusés du rêve romain, <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

esprits positifs <strong>et</strong> bourgeois al<strong>la</strong>ssent plus loin, <strong>et</strong> préparassent les voies à <strong>la</strong><br />

domination visigothique sur toute <strong>la</strong> Gaule ? Là où il restait f. quelque esprit<br />

romain, dans les hautes c<strong>la</strong>sses <strong><strong>de</strong>s</strong> provinces qui n’avaient pas encore été<br />

occupées par les barbares, en Auvergne surtout, on s’indignait <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te attitu<strong>de</strong>,<br />

on <strong>la</strong> qualifiait <strong>de</strong> haute trahison, on en poursuivait <strong>la</strong> condamnation à Rome.<br />

Mais ce qui prouve que c<strong>et</strong>te indignation portait quelque peu à faux, <strong>et</strong> que c<strong>et</strong><br />

attachement archaïque à l’ombre <strong>de</strong> l’Empire ne correspondait plus à l’état<br />

général <strong><strong>de</strong>s</strong> consciences, c’est l’indifférence <strong><strong>de</strong>s</strong> multitu<strong><strong>de</strong>s</strong>, c’est <strong>la</strong> stupéfaction<br />

<strong>de</strong> ceux-là même qui se voyaient poursuivis pour haute trahison, <strong>et</strong> qui ne<br />

pouvaient comprendre qu’ils fussent punissables1. La sympathie non déguisée du<br />

clergé catholique pour les barbares le prouve mieux encore. C’est que, malgré<br />

toute leur grossièr<strong>et</strong>é, <strong>et</strong> même sous leur vernis d’arianisme, le prêtre catholique<br />

sentait battre <strong><strong>de</strong>s</strong> cœurs plus purs que ceux <strong><strong>de</strong>s</strong> Romains, <strong>et</strong> frémir <strong><strong>de</strong>s</strong> âmes<br />

vierges dont on pouvait espérer <strong>de</strong> faire quelque chose. Il faut voir avec quelle<br />

éloquence ces sentiments se traduisent dans le livre <strong>de</strong> Salvien, qui peut être<br />

regardé comme l’organe d’une gran<strong>de</strong> partie’ du clergé <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te époque. Même<br />

dans les rangs supérieurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> hiérarchie, on ne se cachait pas <strong>de</strong> préférer les<br />

barbares hérétiques aux Romains impies, <strong>et</strong> on ne craignait pas d’en témoigner<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> manière <strong>la</strong> plus éc<strong>la</strong>tante. Lorsque le roi Théodoric Ier fut assiégé dans<br />

Toulouse, en 439, par le général Litorius, c’est du côté <strong><strong>de</strong>s</strong> barbares qu’allèrent<br />

les vœux <strong><strong>de</strong>s</strong> évêques : saint Orientius, évêque d’Auch, ne cessa <strong>de</strong> prier pour le<br />

succès <strong>de</strong> leurs armes, <strong>et</strong> son biographe considère <strong>la</strong> victoire <strong>de</strong> Théodoric<br />

comme le résultat surnaturel <strong><strong>de</strong>s</strong> prières du saint2 !<br />

En somme donc, l’Aquitaine, prise dans son ensemble, n’était pas hostile à ses<br />

maîtres nouveaux. Elle leur passait beaucoup, elle ne leur résistait en rien, elle<br />

se prêtait avec bonne volonté à leur régime. Le pouvoir trouva dans <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion<br />

tous les éléments nécessaires à son service : elle fournit au roi son premier<br />

ministre, Léon <strong>de</strong> Narbonne, ses gouverneurs <strong>de</strong> province, <strong>et</strong> autant d’agents <strong>de</strong><br />

tout gra<strong>de</strong> qu’il lui en <strong>de</strong>manda. Sidoine lui-même, si longtemps irréconciliable,<br />

finit par se <strong>la</strong>isser conquérir, <strong>et</strong> nous le voyons faire l’inscription du vase offert<br />

par son compatriote Evodius à <strong>la</strong> reine Ragnahil<strong>de</strong>3. Peu s’en fallut même<br />

qu’après avoir fait un madrigal pour <strong>la</strong> reine, il ne consentit à écrire le<br />

1 Lire à ce point <strong>de</strong> vue l’instructive l<strong>et</strong>tre <strong>de</strong> Sidoine Apollinaire, Epist., I, 7.<br />

2 Vita sancti Orientii dans les Bol<strong>la</strong>ndistes, t. I <strong>de</strong> mai ; Prosper d’Aquitaine ; Isidore,<br />

Chronicon.<br />

3 Sidoine Apollinaire, Carm., IV, 8.

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