clovis - L'Histoire antique des pays et des hommes de la Méditerranée
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Grégoire est d’ailleurs bien loin <strong>de</strong> connaître toute l’histoire <strong>de</strong> Clovis. Il ne sait<br />
rien <strong>de</strong> <strong>la</strong> guerre <strong>de</strong> Provence, il ignore le siège <strong>de</strong> Verdun, ainsi que le concile<br />
d’Orléans. Les événements qu’il raconte ne sont généralement pour lui qu’un<br />
point dans l’histoire. De <strong>la</strong> guerre <strong>de</strong> <strong>la</strong> Gaule, il ne mentionne que <strong>la</strong> bataille <strong>de</strong><br />
Soissons <strong>et</strong> <strong>la</strong> mort <strong>de</strong> Syagrius, plus une anecdote, celle du vase <strong>de</strong> Soissons.<br />
De <strong>la</strong> guerre <strong>de</strong> Thuringe il ne sait que le nom, <strong>de</strong> <strong>la</strong> guerre contre les A<strong>la</strong>mans il<br />
ne connaît qu’un épiso<strong>de</strong>. Il est d’autres événements sur lesquels il ne possè<strong>de</strong><br />
que <strong><strong>de</strong>s</strong> légen<strong><strong>de</strong>s</strong> fabuleuses, comme <strong>la</strong> mort <strong><strong>de</strong>s</strong> rois <strong>de</strong> Tongres, <strong>de</strong> Cambrai <strong>et</strong><br />
<strong>de</strong> Cologne.<br />
Voici les sources dont Grégoire <strong>de</strong> Tours s’est servi pour écrire sa vie <strong>de</strong> Clovis :<br />
I. ANNALES D’ANGERS, continuées à Tours. — Grégoire paraît avoir eu à sa<br />
disposition un recueil d’annales fort sèches <strong>et</strong> gardant- surtout le souvenir <strong>de</strong><br />
faits locaux ; c’est manifestement à ce recueil qu’il a emprunté ce qu’il dit, aux<br />
chapitres 18 <strong>et</strong> 19 <strong>de</strong> son livre II, <strong><strong>de</strong>s</strong> combats <strong>de</strong> Childéric. C’est là aussi qu’il<br />
doit avoir trouvé <strong>la</strong> rapi<strong>de</strong> mention <strong>de</strong> <strong>la</strong> bataille <strong>de</strong> Soissons (486), <strong>de</strong> <strong>la</strong> guerre<br />
contre les Thuringiens (491), <strong>de</strong> <strong>la</strong> bataille contre les A<strong>la</strong>mans (496), <strong>de</strong> <strong>la</strong> guerre<br />
d’Aquitaine (506) <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> mort <strong>de</strong> Clovis (511). Ces mentions ont dû être<br />
sommaires, <strong>et</strong> telles qu’on les trouve dans les recueils <strong>de</strong> ce genre. Les détails<br />
que Grégoire y ajoute paraissent puisés ailleurs.<br />
La gran<strong>de</strong> raison qui me fait regar<strong>de</strong>r Angers comme <strong>la</strong> patrie <strong>de</strong> ces annales,<br />
c’est que l’existence d’annales d’Angers est rendue presque manifeste par Hist.<br />
Franc., II, 18 <strong>et</strong> 19 ; c’est aussi parce que plusieurs faits qui ont dû se passer<br />
simultanément un peu partout sont signalés seulement pour Angers. Ainsi VI, 21<br />
<strong>et</strong> VII, 11, il est parlé <strong>de</strong> tremblements <strong>de</strong> terre à Angers, alors qu’il est bien<br />
certain que <strong>la</strong> terre a encore tremblé ailleurs que là, <strong>et</strong> que même <strong>la</strong> chute <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
murs <strong>de</strong> Soissons, mentionnée dans le premier <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux passages, paraît due<br />
au même acci<strong>de</strong>nt. Si je suppose que les annales d’Angers auront été continuées<br />
à Tours, c’est à cause du grand nombre <strong>de</strong> dates re<strong>la</strong>tives à l’histoire <strong>de</strong> Tours ;<br />
on ne s’en expliquerait pas l’existence si l’on n’adm<strong>et</strong>tait <strong><strong>de</strong>s</strong> annotations<br />
chronologiques. Ces annotations peuvent avoir constitué un recueil indépendant ;<br />
mais en général, au moyen âge, on aimait à continuer ceux qu’on possédait, <strong>et</strong><br />
l’hypothèse que nous avons admise avec Junghans rend compte, nous semble-til,<br />
d’une manière assez naturelle <strong>de</strong>, <strong>la</strong> familiarité <strong>de</strong> Grégoire avec les Annales<br />
d’Angers. Elle ne p<strong>la</strong>ît pas à M. Lair, qui m’appelle <strong>de</strong> ce chef l’Œdipe du sphinx<br />
mérovingien, (Annuaire-bull<strong>et</strong>in <strong>de</strong> <strong>la</strong> Société <strong>de</strong> l’Histoire <strong>de</strong> France, t. XXXV, 1898, p.<br />
4 du tiré à part), <strong>et</strong> qui, pour son compte, s’est vainement attaqué à l’énigme.<br />
II. ANNALES BURGONDES. — Grégoire <strong>de</strong> Tours <strong>et</strong> son contemporain Marius<br />
d’Avenches offrent un récit parallèle <strong><strong>de</strong>s</strong> événements qui ont eu <strong>la</strong> Burgondie<br />
pour théâtre, <strong>et</strong> les nombreuses ressemb<strong>la</strong>nces <strong>de</strong> ces récits ne peuvent<br />
s’expliquer que par <strong><strong>de</strong>s</strong> rapports entre les <strong>de</strong>ux auteurs. Après avoir tour à tour<br />
supposé que Marius avait copié Grégoire, <strong>et</strong> que Grégoire avait copié Marius, on<br />
a finalement conclu, avec raison, que l’un <strong>et</strong> l’autre avaient consulté une source<br />
commune, à savoir, un recueil d’Annales burgon<strong><strong>de</strong>s</strong> contenant <strong><strong>de</strong>s</strong> notices sèches<br />
<strong>et</strong> sommaires. Tout ce que Grégoire nous dit <strong>de</strong> <strong>la</strong> guerre <strong>de</strong> Clovis en Burgondie<br />
semble emprunté à c<strong>et</strong>te source, à l’exception toutefois du récit du siège<br />
d’Avignon, qu’on ne r<strong>et</strong>rouve pas dans Marius d’Avenches, <strong>et</strong> qui est, selon toute<br />
probabilité, puisé dans <strong>la</strong> tradition popu<strong>la</strong>ire. V. Monod, Étu<strong><strong>de</strong>s</strong> critiques sur les<br />
sources <strong>de</strong> l’histoire mérovingienne, 1re partie, p. 161, rectifié par Arndt,<br />
Historische Zeitschrift <strong>de</strong> Sybel, t. XXVIII, p. 421.