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clovis - L'Histoire antique des pays et des hommes de la Méditerranée

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date. Dans une <strong><strong>de</strong>s</strong> églises qu’ils avaient pillées, les soldats francs avaient<br />

emporté tous les ornements sacerdotaux <strong>et</strong> tous les vases sacrés. Parmi ceux-ci<br />

se trouvait notamment une gran<strong>de</strong> urne, d’une beauté remarquable, <strong>et</strong> à <strong>la</strong>quelle<br />

l’évêque du diocèse tenait beaucoup. Il envoya donc prier Clovis <strong>de</strong> lui faire<br />

rendre au moins c<strong>et</strong> obj<strong>et</strong> d’art. Remarquons, en passant, <strong>la</strong> signification <strong>de</strong><br />

c<strong>et</strong>te démarche : c’est celle d’un homme qui croit pouvoir compter sur <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

déférence, <strong>et</strong> qui ne voit pas un ennemi c<strong>la</strong>ns le roi <strong><strong>de</strong>s</strong> Francs. Clovis, dont<br />

l’expédition était terminée pour c<strong>et</strong>te année, <strong>et</strong> qui était déjà sur le chemin du<br />

r<strong>et</strong>our, invita le mandataire <strong>de</strong> l’évêque à le suivre jusqu’à Soissons, où <strong>de</strong>vait<br />

avoir lieu le partage du butin. C<strong>et</strong>te opération difficile se fit selon le procédé<br />

traditionnel chez les barbares : on j<strong>et</strong>ait en un tas tout ce qui avait été pris ; une<br />

part privilégiée, le cinquième ordinairement, était assignée au roi par le sort ;<br />

tout le reste était partagé en lots qu’on tâchait <strong>de</strong> rendre aussi égaux que<br />

possible, <strong>et</strong> qu’on distribuait entre tous les soldats. Les œuvres d’art les plus<br />

précieuses n’étaient évaluées qu’au poids du métal : si elles semb<strong>la</strong>ient dépasser<br />

<strong>la</strong> valeur d’une part ordinaire, elles étaient mises en pièces. Ces usages militaires<br />

avaient <strong>la</strong> force que leur donnait une longue tradition, jointe à l’intérêt commun ;<br />

on comprend avec quelle sollicitu<strong>de</strong> tous y <strong>de</strong>vaient tenir, <strong>et</strong> le roi, qui en tirait<br />

tant d’avantages, avait moins que tout autre le droit d’y déroger au détriment<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> soldats.<br />

Clovis exposait donc une partie <strong>de</strong> sa popu<strong>la</strong>rité pour faire p<strong>la</strong>isir à l’évêque<br />

lorsqu’il <strong>de</strong>manda qu’on lui adjugeât le vase hors part. Toutefois, comme ses<br />

guerriers l’aimaient <strong>et</strong> que <strong>la</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong> ne semb<strong>la</strong>it pas <strong>de</strong> conséquence, tous<br />

furent unanimes à déférer à son désir. Mais un mécontent, peut-être un <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

commissaires préposés au partage par leurs camara<strong><strong>de</strong>s</strong>, protesta contre <strong>la</strong><br />

prétention <strong>de</strong> Clovis <strong>et</strong> cassa le vase avec sa hache, en déc<strong>la</strong>rant que le roi n’en<br />

aurait tout ou partie que si le sort le m<strong>et</strong>tait dans son lot. Clovis dut dévorer sa<br />

colère, car, en somme, le soldat insolent était dans son droit strict, <strong>et</strong> il défendait<br />

celui <strong>de</strong> tous ses camara<strong><strong>de</strong>s</strong>. A coup sûr, l’armée franque eût pris ombrage d’une<br />

vengeance qui, tirée sur l’heure, eût semblé une atteinte à <strong>la</strong> liberté du partage<br />

plutôt que <strong>la</strong> punition d’une injure. Au surplus, le vase ayant été attribué au roi<br />

par le vote <strong>de</strong> l’armée, il en prit les morceaux, qu’il rendit à l’envoyé épiscopal.<br />

L’année suivante, Clovis trouva une occasion <strong>de</strong> se venger, <strong>et</strong> il le fit<br />

cruellement. Passant ses troupes en revue au commencement <strong>de</strong> <strong>la</strong> campagne, il<br />

rencontra l’homme au vase, <strong>et</strong> le gourmanda sévèrement sur l’état <strong>de</strong> ses armes.<br />

Nul, dit-il, n’est aussi mal équipé que toi ; ta framée, ton épée, ta hache, rien ne<br />

vaut. Et lui arrachant c<strong>et</strong>te <strong>de</strong>rnière arme <strong><strong>de</strong>s</strong> mains, il <strong>la</strong> j<strong>et</strong>a à terre. Comme le<br />

soldat se baissait pour <strong>la</strong> ramasser, Clovis lui abattit sa francisque sur <strong>la</strong> tête en<br />

disant : C’est ce que tu as fait au vase <strong>de</strong> Soissons. Personne n’osa bouger dans<br />

l’armée, <strong>et</strong> c<strong>et</strong> acte <strong>de</strong> sévérité frappa <strong>de</strong> terreur tous les soldats1.<br />

L’intérêt <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te anecdote ne rési<strong>de</strong> pas, comme on l’a si souvent répété, dans<br />

<strong>la</strong> différence du pouvoir que le roi franc avait sur ses guerriers, selon qu’on était<br />

sous les armes ou non. En réalité, comme nous l’avons indiqué, le soldat mutin<br />

fut épargné <strong>la</strong> première fois, parce qu’il fal<strong>la</strong>it trouver un prétexte ou une<br />

1 Grégoire <strong>de</strong> Tours, II, 27. Quo mortuo, reliquos absce<strong>de</strong>re jub<strong>et</strong>, magnum sibi per hanc<br />

causam timorem statuens. Junghans, p. 29, <strong>et</strong> d’autres exagèrent <strong>la</strong> portée <strong>de</strong> ce<br />

passage en y trouvant <strong>la</strong> preuve qu’en 487, Clovis put renvoyer l’armée dans ses foyers<br />

aussitôt après le champ <strong>de</strong> mars.

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