clovis - L'Histoire antique des pays et des hommes de la Méditerranée
clovis - L'Histoire antique des pays et des hommes de la Méditerranée
clovis - L'Histoire antique des pays et des hommes de la Méditerranée
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
celles-ci <strong><strong>de</strong>s</strong> arguments pour défendre les systèmes les plus opposés. Mais, à y<br />
regar<strong>de</strong>r <strong>de</strong> près, on voit sur les débris <strong>de</strong> l’organisation impériale apparaître un<br />
système d’institutions simple <strong>et</strong> rudimentaire, qui se développera tout seul au<br />
cours <strong><strong>de</strong>s</strong> circonstances.<br />
Maître du <strong>pays</strong>, le roi l’administre au moyen <strong>de</strong> gens qui ont sa confiance, <strong>et</strong> qu’il<br />
choisit comme il lui p<strong>la</strong>ît, tantôt parmi ses familiers <strong>et</strong> même parmi ses esc<strong>la</strong>ves,<br />
tantôt parmi les gran<strong><strong>de</strong>s</strong> familles locales. Il ne pense pas un instant à ressusciter<br />
les anciennes divisions administratives, <strong>et</strong> les dix-sept provinces <strong>de</strong> <strong>la</strong> Gaule ne<br />
seront plus même un souvenir dans le royaume franc. Si le roi prend pour unité<br />
administrative <strong>la</strong> cité, ce n’est pas pour se conformer aux traditions romaines,<br />
c’est parce que <strong>la</strong> cité est un cadre existant qui a survécu à <strong>la</strong> ruine universelle.<br />
Pendant les <strong><strong>de</strong>s</strong>tructions du cinquième siècle, grâce à l’Église, <strong>la</strong> cité est <strong>de</strong>venue<br />
le diocèse <strong>et</strong> n’est plus que ce<strong>la</strong>. Son individualité collective trouve son<br />
expression dans son évêque, le gouverneur <strong><strong>de</strong>s</strong> âmes. La société politique, se<br />
mo<strong>de</strong><strong>la</strong>nt sur <strong>la</strong> société religieuse dont elle calque l’organisation, p<strong>la</strong>ce un<br />
gouverneur <strong>la</strong>ïque à côté <strong>de</strong> chaque pasteur spirituel, un représentant du roi<br />
auprès du dignitaire <strong>de</strong> l’Église. Sous le nom romain <strong>de</strong> comte, ce personnage<br />
sera tout autre chose qu’un fonctionnaire selon le type <strong>antique</strong>. Ce sera un agent<br />
du roi <strong>et</strong> non pas un fonctionnaire <strong>de</strong> l’État. Son mandat cessera avec le règne<br />
du maître qui l’a nommé. A <strong>la</strong> différence du gouverneur romain, il réunira <strong>de</strong><br />
nouveau dans ses mains les pouvoirs civil <strong>et</strong> militaire : il sera gouverneur,<br />
général, juge <strong>et</strong> administrateur tout à <strong>la</strong> fois. Le divorce du civil <strong>et</strong> du militaire,<br />
expression atténuée mais toujours redoutable du divorce du Romain <strong>et</strong> du<br />
barbare, tel que l’avait connu l’Empire agonisant, sera chose ignorée dans le<br />
royaume franc. Il faut le remarquer, dans l’Empire, comme dans les royaumes<br />
ariens fondés sur ses ruines, le barbare seul servait, <strong>et</strong> seul aussi commandait.<br />
Ici, tout le mon<strong>de</strong> participe aux charges <strong>et</strong> aux honneurs. Romains <strong>et</strong> barbares<br />
sont égaux <strong>de</strong>vant le roi, <strong>de</strong>vant l’impôt, à l’armée, à l’autel. Si le droit reste<br />
personnel, c’est encore un résultat <strong>de</strong> l’égalité : pour que personne ne soit lésé,<br />
il faut que personne ne soit arraché à son atmosphère juridique.<br />
Sans doute, dans <strong>la</strong> vie quotidienne <strong>de</strong> <strong>la</strong> nation, les gran<strong><strong>de</strong>s</strong> lignes <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te<br />
organisation à <strong>la</strong> fois simple <strong>et</strong> fécon<strong>de</strong> semblent souvent rompues, brouillées ou<br />
effacées. Dans ce mon<strong>de</strong> en formation, <strong>la</strong> violence est partout à côté du droit. Le<br />
trône, les fonctions publiques, <strong>la</strong> haute société, le clergé même, jusque dans les<br />
rangs supérieurs <strong>de</strong> sa hiérarchie, nous donnent plus d’une fois l’impression<br />
d’une barbarie indomptée. Les abus sont nombreux <strong>et</strong> graves ; ils apparaissent<br />
plus graves <strong>et</strong> plus nombreux encore qu’ils ne sont, parce qu’ils ont trouvé un<br />
observateur qui, avec une merveilleuse puissance <strong>de</strong> reproduction, les a fait<br />
vivre à jamais dans ses naïfs <strong>et</strong> dramatiques tableaux. Tout ce<strong>la</strong> n’empêche pas<br />
que <strong>la</strong> nation prospère <strong>et</strong> grandisse sous les giboulées printanières. Elle a<br />
conscience <strong>de</strong> son avenir ; elle est fière d’être le premier <strong><strong>de</strong>s</strong> peuples<br />
catholiques, <strong>et</strong> nous avons entendu l’expression juvénile <strong>et</strong> ar<strong>de</strong>nte <strong>de</strong> ce<br />
sentiment, se traduisant pour <strong>la</strong> première fois dans l’histoire sur <strong>la</strong> première<br />
page d’un vieux co<strong>de</strong> barbare.<br />
Tel est, tel sera au cours <strong><strong>de</strong>s</strong> siècles le royaume fondé par les évêques <strong>et</strong> par<br />
Clovis. La gloire <strong>de</strong> celui-ci, c’est <strong>de</strong> s’être fait sans hésitation l’agent <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
politique épiscopale. Que c<strong>et</strong>te attitu<strong>de</strong> soit due, chez lui, à un sûr instinct <strong>de</strong><br />
l’avenir ou à une souveraine intuition du génie, il n’importe. La gran<strong>de</strong>ur <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
<strong>hommes</strong> d’État consiste moins dans leurs aptitu<strong><strong>de</strong>s</strong> individuelles que dans <strong>la</strong><br />
décision avec <strong>la</strong>quelle ils correspon<strong>de</strong>nt aux circonstances, ces mystérieux<br />
interprètes <strong><strong>de</strong>s</strong> volontés supérieures. Qu’on ne diminue donc pas le rôle <strong>de</strong> Clovis