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clovis - L'Histoire antique des pays et des hommes de la Méditerranée

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Ces rigueurs n’avaient toutefois rien d’uniforme, rien <strong>de</strong> général. Si elles<br />

s’inspiraient d’un p<strong>la</strong>n systématique, il n’y paraissait guère ; une royauté barbare<br />

est trop peu armée pour atteindre également ; par <strong><strong>de</strong>s</strong> mesures administratives,<br />

toutes les provinces d’un vaste royaume. Qu’on ne s’étonne donc pas <strong>de</strong> voir, au<br />

plus fort <strong>de</strong> <strong>la</strong> crise, <strong>la</strong> vie catholique se dérouler tranquillement partout où <strong>la</strong><br />

persécution n’était pas organisée sur p<strong>la</strong>ce, <strong><strong>de</strong>s</strong> églises se bâtir <strong>et</strong> se consacrer1,<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> monastères se fon<strong>de</strong>r2, <strong>et</strong>, bien plus, <strong><strong>de</strong>s</strong> officiers du roi, <strong><strong>de</strong>s</strong> ducs <strong>et</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

comtes, intervenir généreusement dans les frais <strong>de</strong> ces fondations. Le duc<br />

Victorius, nommé gouverneur <strong>de</strong> l’Auvergne par Euric, ne craignit pas <strong>de</strong> bâtir<br />

une église à Briou<strong>de</strong>3, <strong>et</strong> lorsque mourut saint Abraham, c’est lui qui prit à sa<br />

charge les frais <strong><strong>de</strong>s</strong> funérailles4. Le roi tolérait ce<strong>la</strong> <strong>et</strong> ne pouvait guère s’en<br />

p<strong>la</strong>indre ; au contraire, les mêmes raisons qui le faisaient cé<strong>de</strong>r à <strong>la</strong> fièvre<br />

persécutrice <strong><strong>de</strong>s</strong> Visigoths lui faisaient désirer <strong>de</strong> ne pas pousser à bout <strong>la</strong><br />

popu<strong>la</strong>tion romaine d’une contrée récemment conquise, <strong>et</strong> il ne <strong>de</strong>vait pas être<br />

fâché d’avoir autour <strong>de</strong> lui <strong><strong>de</strong>s</strong> ministres qui, discrètement, réparaient une partie<br />

du mal <strong>et</strong> réconciliaient <strong>la</strong> dynastie avec quelques-unes <strong>de</strong> ses victimes5.<br />

A tout prendre, grâce à l’impardonnable aberration du gouvernement, <strong>la</strong> situation<br />

était singulièrement troublée, <strong>et</strong> <strong>la</strong> c<strong>la</strong>irvoyance politique <strong>la</strong> plus élémentaire<br />

suffisait pour en comprendre le danger. Comme il arrive toujours, lorsque <strong>la</strong><br />

persécution s’abat sur une cause juste, elle stimule <strong>et</strong> relève le moral <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

persécutés. Ces molles popu<strong>la</strong>tions d’Aquitaine, si amoureuses <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie facile, si<br />

accueil<strong>la</strong>ntes pour le maître barbare, si vite consolées <strong>de</strong> <strong>la</strong> disparition <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

empereurs, se redressèrent sous l’affront qu’on faisait à leur foi : elle leur <strong>de</strong>vint<br />

plus chère quand ils <strong>la</strong> virent opprimée, <strong>et</strong> les plus indifférents r<strong>et</strong>rouvèrent pour<br />

elle une certaine ar<strong>de</strong>ur patriotique. Et puis, les Aquitains tenaient à leurs<br />

évêques ; c’étaient les pères <strong>et</strong> les défenseurs <strong><strong>de</strong>s</strong> cités ; on les avait trouvés sur<br />

<strong>la</strong> brèche chaque fois que l’heure était venue <strong>de</strong> mourir ; on se souvenait que<br />

plusieurs avaient sauvé leur ville, <strong>et</strong> on se rappe<strong>la</strong>it avec fierté l’audace du<br />

barbare domptée par <strong>la</strong> majesté surhumaine <strong>de</strong> l’homme <strong>de</strong> Dieu. La guerre faite<br />

à l’épiscopat révoltait donc tout ce qu’il y avait <strong>de</strong> plus généreux <strong>et</strong> <strong>de</strong> plus fier<br />

dans les âmes : tout catholique se sentait atteint dans ceux qu’il regardait<br />

comme <strong><strong>de</strong>s</strong> chefs <strong>et</strong> comme <strong><strong>de</strong>s</strong> pères. Le dualisme jusqu’alors dissimulé entre<br />

Goths <strong>et</strong> Romains reparaissait dans toute son acuité ; en face <strong><strong>de</strong>s</strong> barbares<br />

hérétiques, toute <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion romaine se r<strong>et</strong>rouvait unie dans un commun<br />

sentiment d’exécration. Tel était le fruit <strong><strong>de</strong>s</strong> mesures persécutrices d’Euric : elles<br />

avaient produit ce que n’avaient pu <strong><strong>de</strong>s</strong> années entières <strong>de</strong> pil<strong>la</strong>ges <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />

spoliations ; elles avaient ressuscité le patriotisme romain <strong>de</strong> <strong>la</strong> Gaule, <strong>et</strong> rappelé<br />

à chaque habitant que le Visigoth était un usurpateur étranger.<br />

Euric mourut en 484, au milieu <strong><strong>de</strong>s</strong> mécontentements croissants causés par sa<br />

politique, léguant un triste héritage à son fils A<strong>la</strong>ric II. Le royaume ne tenait<br />

<strong>de</strong>bout que par <strong>la</strong> force ; dans chaque ville, une poignée d’hérétiques se faisaient<br />

dans l’appréciation <strong>de</strong> <strong>la</strong> politique religieuse <strong><strong>de</strong>s</strong> rois visigoths, proteste cependant avec<br />

raison, dans une note, contre <strong>la</strong> tendance qui parait être d’intervertir les rôles <strong>de</strong> parti<br />

pris, en donnant raison aux barbares, <strong>et</strong> en réservant tout le blâme pour les Gallo-<br />

Romains<br />

1 Sidoine Apollinaire, Epist., IV, 15. Cf. Révillout, p. 144.<br />

2 Vic <strong>et</strong> Vaiss<strong>et</strong>te, Histoire du Languedoc, t. I, p. 238.<br />

3 Grégoire <strong>de</strong> Tours, II, 20.<br />

4 Sidoine Apollinaire, Epist., VII, 17.<br />

5 G. Kurth, o. c.

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