27.06.2013 Views

clovis - L'Histoire antique des pays et des hommes de la Méditerranée

clovis - L'Histoire antique des pays et des hommes de la Méditerranée

clovis - L'Histoire antique des pays et des hommes de la Méditerranée

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

Eparpillés dans <strong>la</strong> vallée <strong>de</strong> <strong>la</strong> Canche, les Francs, semble-t-il, ne s’attendaient<br />

pas à une attaque, <strong>et</strong> Aétius, selon son habitu<strong>de</strong>, les surprit en pleine sécurité.<br />

Un <strong>de</strong> leurs groupes, campé auprès <strong>de</strong> <strong>la</strong> bourga<strong>de</strong> que le poète appelle vicus<br />

Helena1, <strong>et</strong> qui, selon toute probabilité, correspond à Vieil-Hesdin, célébrait alors<br />

avec une bruyante gai<strong>et</strong>é <strong>la</strong> noce d’un chef. Au milieu <strong>de</strong> l’enceinte <strong><strong>de</strong>s</strong> chariots<br />

groupés en cercle au pied du pont sur lequel <strong>la</strong> chaussée romaine passait <strong>la</strong><br />

rivière, les p<strong>la</strong>ts circu<strong>la</strong>ient <strong>de</strong> main en main, <strong>et</strong> les gran<strong><strong>de</strong>s</strong> jarres au col orné <strong>de</strong><br />

feuil<strong>la</strong>ges <strong>et</strong> <strong>de</strong> fleurs odorantes versaient à <strong>la</strong> ron<strong>de</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> flots d’hydromel <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />

cervoise. Déjà l’ivresse commençait à allumer les têtes, <strong>et</strong> les collines du<br />

voisinage répercutaient le son joyeux <strong><strong>de</strong>s</strong> chants nuptiaux entonnés en chœur.<br />

Tombant à l’improviste au milieu <strong>de</strong> toute c<strong>et</strong>te allégresse, les légionnaires<br />

romains j<strong>et</strong>èrent le trouble <strong>et</strong> <strong>la</strong> terreur parmi les convives. Pendant qu’A<strong>et</strong>ius,<br />

débouchant par <strong>la</strong> chaussée surélevée qui dominait <strong>la</strong> vallée, occupait le pont <strong>et</strong><br />

fermait aux barbares le chemin <strong>de</strong> <strong>la</strong> fuite, son jeune lieutenant Majorien, à <strong>la</strong><br />

tête <strong>de</strong> <strong>la</strong> cavalerie, remportait un facile triomphe sur les festoyeurs désarmés <strong>et</strong><br />

alourdis par les libations. Après une courte résistance, les Francs s’enfuirent en<br />

désordre, abandonnant aux mains <strong>de</strong> l’ennemi tout l’attirail <strong>de</strong> <strong>la</strong> noce, avec <strong>la</strong><br />

blon<strong>de</strong> fiancée tremb<strong>la</strong>nte sous son voile nuptial.<br />

Ce ne fut là, à proprement parler, qu’une échauffourée : le narrateur s’étend sur<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> détails insignifiants <strong>et</strong> se tait sur tout ce qui caractériserait une bataille en<br />

règle. Il serait autrement emphatique si, au lieu d’un succès remporté sur un<br />

parti <strong>de</strong> Francs, il avait à chanter <strong>la</strong> défaite <strong>de</strong> toute leur armée. Clodion n’y était<br />

pas, c’est certain, puisque le poète ne fait pas mention <strong>de</strong> lui. Sans doute, il est<br />

permis <strong>de</strong> croire qu’à <strong>la</strong> suite <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te rencontre il y eut entre lui <strong>et</strong> le général<br />

romain <strong><strong>de</strong>s</strong> engagements plus sérieux. Cependant il est plus vraisemb<strong>la</strong>ble que,<br />

préoccupé d’autres ennemis <strong>et</strong> vou<strong>la</strong>nt à tout prix rétablir les affaires <strong>de</strong> <strong>la</strong> Gaule<br />

centrale, A<strong>et</strong>ius, après avoir fait sentir aux Francs le poids <strong>de</strong> ses armes, aura<br />

préféré traiter avec eux. La preuve, c’est qu’après c<strong>et</strong>te campagne, ils restèrent<br />

maîtres <strong>de</strong> <strong>la</strong> plus gran<strong>de</strong> partie du <strong>pays</strong> qu’ils avaient occupé avant <strong>la</strong> bataille2.<br />

On est donc fondé à croire qu’A<strong>et</strong>ius traita les barbares comme auparavant Julien<br />

l’Apostat avait traité leurs ancêtres, c’est-à-dire qu’il leur <strong>la</strong>issa leurs nouvelles<br />

conquêtes sous <strong>la</strong> condition qu’ils resteraient les fidèles alliés <strong>de</strong> Rome <strong>et</strong> qu’ils<br />

continueraient <strong>de</strong> lui fournir <strong><strong>de</strong>s</strong> soldats. Nous n’avons pas le droit <strong>de</strong> supposer<br />

qu’une telle politique, pratiquée par les plus grands <strong>hommes</strong> <strong>de</strong> guerre <strong>de</strong><br />

l’Empire au quatrième <strong>et</strong> au cinquième siècle, ne fût pas <strong>la</strong> meilleure ou, pour<br />

mieux dire, <strong>la</strong> seule possible. Ce qui est certain, c’est que <strong>de</strong>puis lors on n’entend<br />

plus parler d’un conflit entre Rome <strong>et</strong> les Francs, <strong>et</strong> qu’au jour suprême où elle<br />

poussera vers eux un grand cri <strong>de</strong> détresse, ils accourront encore une fois se<br />

ranger sous ses drapeaux.<br />

1 On a beaucoup discuté sur l’emp<strong>la</strong>cement <strong>de</strong> ce vicus Helena, qu’on a i<strong>de</strong>ntifié tour à<br />

tour avec Lens (Pas-<strong>de</strong>-Ca<strong>la</strong>is), avec Al<strong>la</strong>ines (Somme), avec Vieil-Hesdin (Pas-<strong>de</strong>-<br />

Ca<strong>la</strong>is), avec Helesmes (Nord). Je ferai remarquer qu’avant tout il faut chercher Helena<br />

au sud <strong>de</strong> l’Artois (Francus qua Chloio patentes Atrebatum terras pervaserat, Sidoine,<br />

Carm. V), ce qui écarte Lens <strong>et</strong> Helesmes, situés au nord <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te province, ensuite qu’il<br />

est sur le cours d’une rivière <strong>et</strong> près d’une chaussée romaine, ce qui se rapporte<br />

parfaitement à Vieil-Hesdin. Cf. W. Schultze, o. c., p. 50.<br />

2 Fauriel, Hist. <strong>de</strong> <strong>la</strong> Gaule merid., I, p. 214, a donc tort d’écrire que : Clodion fut sans<br />

aucun doute chassé d’Arras, <strong>de</strong> Cambrai <strong>et</strong> <strong>de</strong> tout l’espace qu’il avait conquis entre<br />

l’Escaut <strong>et</strong> <strong>la</strong> Somme, <strong>et</strong> qu’il ne garda que Tongres.

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!