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clovis - L'Histoire antique des pays et des hommes de la Méditerranée

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quelque titre à vos égards. Soyez clément pour <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>hommes</strong> qui se cachent,<br />

épouvantés, <strong>de</strong>rrière les frontières <strong>de</strong> notre royaume. Vous avez remporté un<br />

triomphe mémorable en inspirant au farouche A<strong>la</strong>man une telle terreur, qu’il a<br />

été réduit à vous <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r humblement <strong>la</strong> vie sauve. Qu’il vous suffise d’avoir<br />

vu leur roi succomber avec l’orgueil <strong>de</strong> <strong>la</strong> race, <strong>et</strong> d’avoir en partie exterminé, en<br />

partie asservi c<strong>et</strong>te innombrable nation. Faire <strong>la</strong> guerre à ses débris, c’est vous<br />

donner l’apparence <strong>de</strong> ne pas l’avoir vaincue toute. Croyez-en ma vieille<br />

expérience dans ces matières. Les guerres qui ont eu pour moi les résultats les<br />

plus heureux, ce sont celles où j’ai mis <strong>de</strong> <strong>la</strong> modération dans mon but. Celui-là<br />

est sûr <strong>de</strong> vaincre toujours qui sait être mesuré en tout, <strong>et</strong> <strong>la</strong> prospérité sourit <strong>de</strong><br />

préférence à ceux qui ne déploient pas une rigueur <strong>et</strong> une dur<strong>et</strong>é excessives.<br />

Accor<strong>de</strong>z-nous donc gracieusement ce qui ne se refuse pas même entre nations<br />

barbares1 : <strong>de</strong> <strong>la</strong> sorte, vous n’aurez pas repoussé notre prière, <strong>et</strong> vous n’aurez<br />

rien à craindre du côté <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>pays</strong> qui nous appartiennent.<br />

La l<strong>et</strong>tre ajoutait que les porteurs étaient chargés d’un message verbal qui <strong>de</strong>vait<br />

rapporter <strong><strong>de</strong>s</strong> nouvelles <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé <strong>de</strong> Clovis <strong>et</strong> insister sur <strong>la</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong> qu’elle<br />

avait exprimée. Elle enveloppait dans un <strong>de</strong>rnier compliment <strong><strong>de</strong>s</strong> paroles qui ont<br />

assez l’air d’un avertissement déguisé, en disant que le but <strong>de</strong> <strong>la</strong> communication<br />

qui <strong>de</strong>vait être faite <strong>de</strong> vive voix était que le roi <strong><strong>de</strong>s</strong> Francs fût désormais mieux<br />

sur ses gar<strong><strong>de</strong>s</strong>, s’il vou<strong>la</strong>it jouir constamment <strong>de</strong> <strong>la</strong> victoire. Votre prospérité est<br />

notre gloire, disait Théodoric, <strong>et</strong> chaque fois que nous recevons une bonne<br />

nouvelle <strong>de</strong> vous, nous considérons que c’est un profit pour tout le royaume<br />

d’Italie. Enfin, pour <strong>la</strong>isser le <strong><strong>de</strong>s</strong>tinataire sous l’impression <strong>la</strong> plus favorable<br />

possible, <strong>la</strong> l<strong>et</strong>tre lui annonçait, par manière <strong>de</strong> conclusion, l’envoi du joueur <strong>de</strong><br />

cithare que Clovis, parait-il, avait <strong>de</strong>mandé à son beau-frère. Théodoric<br />

connaissait l’eff<strong>et</strong> qu’une attention délicate pouvait produire sur ses<br />

correspondants barbares ; il y recourait volontiers, <strong>et</strong> il prit un soin particulier<br />

pour que le ca<strong>de</strong>au fût le plus agréable possible au <strong><strong>de</strong>s</strong>tinataire. Une l<strong>et</strong>tre écrite<br />

en son nom à Bece, le premier musicologue <strong>de</strong> son temps2, le chargeait <strong>de</strong><br />

choisir lui-même l’artiste digne d’être envoyé au roi <strong><strong>de</strong>s</strong> Francs. Cassiodore, qui<br />

tenait <strong>la</strong> plume, s’était mis, à c<strong>et</strong>te occasion, en frais d’éloquence pour l’homme<br />

illustre qui était son rival littéraire. Ces amplifications, peut-être ajoutées après<br />

coup, se lisent aujourd’hui avec fort peu d’intérêt ; toutefois, à <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> <strong>la</strong> l<strong>et</strong>tre,<br />

un trait mérite d’attirer notre attention. Dans une réminiscence c<strong>la</strong>ssique,<br />

l’écrivain rappelle à son correspondant qu’il faut une espèce d’Orphée, capable<br />

<strong>de</strong> toucher, par <strong>la</strong> douceur <strong>de</strong> ses accords, les cœurs farouches <strong><strong>de</strong>s</strong> barbares3.<br />

Tout fait croire que Théodoric réussit dans son entreprise, sans qu’il fût<br />

nécessaire <strong>de</strong> recourir au talent du cithariste. Clovis, qui venait d’ajouter à sa<br />

couronne un <strong>de</strong> ses plus beaux fleurons, avait tout intérêt à ménager le roi<br />

d’Italie, <strong>et</strong> n’en avait aucun à s’aventurer dans un <strong>pays</strong> montagneux <strong>et</strong> stérile, à<br />

1 Ce<strong>de</strong> itaque suaviter genio nostro quod sibi gentilitas communi remittere consuevit<br />

exemplo. Le sens <strong>de</strong> ces mots est fort disputé, V. von Schubert, p. 39, note, qui traduit<br />

entre parents, <strong>et</strong> le glossaire <strong>de</strong> Cassiodore par Mommsen, s. v. gentilitas.<br />

2 V. Cassiodore, Var., I, 45 <strong>et</strong> 46, sur l’envoi d’une horloge d’eau à Gon<strong>de</strong>baud. Race est<br />

<strong>de</strong> nouveau consulté, <strong>et</strong> Cassiodore lui écrit au nom <strong>de</strong> Théodoric : Frequenter enim quod<br />

arma explere nequeunt, oblectemente suavitatis imponunt. Sit ergo pro re publica <strong>et</strong> cum<br />

lu<strong>de</strong>re vi<strong>de</strong>mur.<br />

3 Sapientia vestra eligat præsenti tempore meliorem, facturus aliquid Orphei, cum dulci<br />

sono gentilium fera corda domuerit. Arnold, Cæsarius von Are<strong>la</strong>te, p. 215, est bien<br />

distrait lorsqu’il interprète ce passage dans ce sens que Théodoric aurait envoyé Boèce<br />

lui-même comme ambassa<strong>de</strong>ur à Clovis.

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