clovis - L'Histoire antique des pays et des hommes de la Méditerranée
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panégyrique du roi. Ce fut un sentiment <strong>de</strong> dignité qui l’arrêta. Il se souvint qu’il<br />
était le beau-frère d’Ecdicius, <strong>et</strong> il s’excusa poliment1.<br />
En présence <strong>de</strong> pareilles dispositions <strong>de</strong> <strong>la</strong> part <strong><strong>de</strong>s</strong> Romains d’Aquitaine,<br />
combien il eût été facile <strong>de</strong> les rallier en masse au régime visigoth, <strong>et</strong> d’en faire<br />
les zélés partisans <strong>de</strong> <strong>la</strong> dynastie barbare ! Il eût suffi pour ce<strong>la</strong> <strong>de</strong> ne pas leur<br />
rendre l’obéissance odieuse <strong>et</strong> l’attachement impossible, en les violentant jusque<br />
dans le plus intime <strong>de</strong> leurs consciences. Mais le fanatisme religieux <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
Visigoths ne tint compte <strong>de</strong> rien. Premiers-nés <strong>de</strong> l’arianisme, ils avaient au plus<br />
haut <strong>de</strong>gré <strong>la</strong> passion <strong>de</strong> leur secte, <strong>et</strong> ils avaient si bien i<strong>de</strong>ntifié leur nationalité<br />
ave c leur hérésie, qu’on disait <strong>la</strong> foi gothique pour désigner <strong>la</strong> doctrine d’Arius2.<br />
Bien plus, ils étaient parvenus à faire <strong>de</strong> l’arianisme une espèce <strong>de</strong> religion<br />
germanique, en <strong>la</strong> communiquant successivement à tous les ‘peuples <strong>de</strong> leur<br />
race. Lorsqu’ils furent établis en Gaule, ils continuèrent c<strong>et</strong>te espèce d’aposto<strong>la</strong>t,<br />
mais en lui donnant, c<strong>et</strong>te fois, un caractère n<strong>et</strong>tement anti-catholique. Ce n’était<br />
plus, en eff<strong>et</strong>, <strong><strong>de</strong>s</strong> peup<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong> païennes qu’ils endoctrinaient, mais <strong><strong>de</strong>s</strong> nations<br />
déjà chrétiennes, comme les Suèves d’Espagne <strong>et</strong> les Burgon<strong><strong>de</strong>s</strong>. Les<br />
missionnaires ariens introduisirent l’hérésie dans ces chrétientés naissantes. Les<br />
princesses ariennes, envoyées comme épouses aux rois suèves3, emmenèrent<br />
avec elles <strong><strong>de</strong>s</strong> prêtres <strong>de</strong> leur confession, <strong>et</strong>, à <strong>la</strong> tête <strong>de</strong> ceux-ci, un certain Ajax,<br />
Ga<strong>la</strong>te d’origine, al<strong>la</strong>, sous le haut patronage du roi <strong><strong>de</strong>s</strong> Visigoths, j<strong>et</strong>er <strong>la</strong><br />
perturbation dans <strong>la</strong> vie religieuse d’un peuple ami4. Il n’est pas douteux que les<br />
Visigoths n’aient travaillé avec <strong>la</strong> même ar<strong>de</strong>ur leurs voisins les Burgon<strong><strong>de</strong>s</strong>, <strong>et</strong><br />
n’aient été <strong>la</strong> principale influence qui dépouil<strong>la</strong> <strong>de</strong> l’Église ce peuple déjà en<br />
gran<strong>de</strong> partie converti. La campagne <strong>de</strong> 456-457, que les <strong>de</strong>ux peuples firent en<br />
commun contre les Suèves5, fournit aux prédicateurs ariens une occasion<br />
excellente <strong>de</strong> déployer leur zèle hérétique. Au r<strong>et</strong>our <strong>de</strong> l’expédition à <strong>la</strong>quelle ils<br />
s’étaient <strong>la</strong>issé associer contre un roi catholique, les Burgon<strong><strong>de</strong>s</strong> rapportèrent<br />
dans leurs foyers <strong>la</strong> religion <strong><strong>de</strong>s</strong> Goths.<br />
Tant que c<strong>et</strong>te propagan<strong>de</strong> fut limitée aux Germains seuls, les Romains se<br />
contentèrent <strong>de</strong> l’envisager avec <strong>la</strong> parfaite indifférence que leur inspiraient<br />
toutes les choses barbares. Il n’en fut plus ainsi lorsqu’ils <strong>la</strong> virent faire <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
ravages dans leurs propres rangs. Ils n’avaient rien <strong>de</strong> plus précieux que leur foi<br />
: elle leur était <strong>de</strong>venue plus chère encore <strong>de</strong>puis <strong>la</strong> banqueroute <strong>de</strong> <strong>la</strong> patrie. On<br />
peut même dire que l’attachement à l’Église catholique restait pour eux <strong>la</strong> seule<br />
forme du patriotisme. La propagan<strong>de</strong> arienne fut assez active pour a<strong>la</strong>rmer une<br />
nature aussi optimiste que Sidoine Apollinaire, qui exprime à ce suj<strong>et</strong> <strong>de</strong><br />
sérieuses inquiétu<strong><strong>de</strong>s</strong>. Dans une l<strong>et</strong>tre à l’évêque Basile d’Aix, il se p<strong>la</strong>int <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
fausse sécurité <strong><strong>de</strong>s</strong> pontifes qui ne vou<strong>la</strong>ient pas voir le danger, <strong>et</strong> qui <strong>la</strong>issaient<br />
l’hérésie ravager impunément leurs troupeaux. Qu’il me soit permis, écrit-il, <strong>de</strong> le<br />
dire sans manquer <strong>de</strong> respect aux évêques, je pleure sur les âmes livrées à<br />
1 Id., Epist., IV, 22.<br />
2 Gothica lex. Voir le Vita sancti Sigismundi dans Jahn, Geschichte <strong>de</strong>r Burgundionen und<br />
Burgundiens, t. II, p. 67, <strong>et</strong> Révillout, De l’arianisme <strong><strong>de</strong>s</strong> peuples germaniques qui ont<br />
envahi l’Empire romain, p. 67.<br />
3 Idacius, Chronicon, 140 <strong>et</strong> 226 ; Isidore <strong>de</strong> Séville, Chronicon, 33.<br />
4 Idacius, 232 : Ajax natione Ga<strong>la</strong>ta effectus apostata <strong>et</strong> senior Arrianus inter Suevos<br />
regis sui auxilio hostis catholica, fi<strong>de</strong>i <strong>et</strong> divinæ Trinitatis emersit. A Gallicana Gothorum<br />
habitatione hoc pestiferum inimici hominis virus advectum.<br />
5 Jordanès, c. 44. Sur <strong>la</strong> participation <strong><strong>de</strong>s</strong> Burgon<strong><strong>de</strong>s</strong> à c<strong>et</strong>te campagne, Binding, o. c., p.<br />
54, note 219, contre Pétigny, II, p. 145, note 2.