clovis - L'Histoire antique des pays et des hommes de la Méditerranée
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qu’ils <strong>de</strong>vinrent presque les vassaux du <strong>de</strong>rnier venu <strong>de</strong> l’invasion, eux qui<br />
avaient vu, à plusieurs reprises, les <strong><strong>de</strong>s</strong>tinées <strong>de</strong> <strong>la</strong> Gaule <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’Italie entre leurs<br />
mains. Si l’on ajoute que <strong>la</strong> Burgondie, pas plus qu’aucun autre royaume<br />
barbare, n’échappa aux inconvénients du partage forcé, ce fléau <strong>de</strong> toutes les<br />
monarchies germaniques, on aura l’idée achevée d’une nation sans frontières<br />
naturelles, sans unité morale, resserrée entre trois voisins" également<br />
redoutables, <strong>et</strong> privée <strong>de</strong> boussole au milieu <strong><strong>de</strong>s</strong> incertitu<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong> ce temps agité.<br />
Gon<strong>de</strong>baud est resté, <strong>de</strong>vant l’histoire, le vrai représentant <strong>de</strong> son peuple, dont il<br />
a, si l’on peut ainsi parler, incarné les gran<strong>de</strong>urs <strong>et</strong> les faiblesses. C’était un<br />
barbare l<strong>et</strong>tré, car il savait le <strong>la</strong>tin <strong>et</strong> même le grec1, lisait volontiers,<br />
s’intéressait aux hautes questions théologiques, <strong>et</strong> aimait à les faire discuter<br />
<strong>de</strong>vant lui. Il s’entourait <strong>de</strong> ministres romains, se préoccupait <strong>de</strong> <strong>la</strong> condition <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
popu<strong>la</strong>tions romaines <strong>de</strong> son royaume, <strong>et</strong> légiférait en leur faveur. Arien, il était<br />
dépouillé <strong>de</strong> toute prévention contre l’Église catholique, à ce point que, sur <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
questions qui ne touchaient pas aux points discutés entre les <strong>de</strong>ux confessions, il<br />
prenait volontiers l’avis <strong><strong>de</strong>s</strong> pré<strong>la</strong>ts orthodoxes, comme saint Avitus. Les bonnes<br />
re<strong>la</strong>tions qu’il ne cessa <strong>de</strong> gar<strong>de</strong>r avec les évêques <strong>de</strong> son royaume donnèrent<br />
même aux catholiques l’espoir d’une conversion que malheureusement ses<br />
hésitations perpétuelles empêchèrent d’aboutir. Il était humain, modéré,<br />
accessible aux affections <strong>de</strong> <strong>la</strong> famille, <strong>et</strong> l’on ne peut lui imputer aucune action<br />
sang<strong>la</strong>nte dans une époque où le sang coûtait si peu à verser. De plus, il avait<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> préoccupations <strong>de</strong> civilisateur, <strong>et</strong> il mérita que Théodoric le Grand le<br />
complimentât <strong><strong>de</strong>s</strong> progrès que, sous sa direction, les Burgon<strong><strong>de</strong>s</strong> faisaient dans <strong>la</strong><br />
vie sociale2. Mais Gon<strong>de</strong>baud ne trouva pas <strong>la</strong> vraie voie du salut. Il n’eut ni le<br />
regard assez perspicace pour <strong>la</strong> voir, ni le cœur assez ferme pour rompre les<br />
attaches du passé. Il resta, lui <strong>et</strong> son fils, l’obséquieux vassal <strong>de</strong> <strong>la</strong> cour <strong>de</strong><br />
Byzance. Il ne sut pas s’émanciper davantage <strong><strong>de</strong>s</strong> liens <strong>de</strong> l’arianisme, qui était<br />
l’obstacle à <strong>la</strong> fondation d’une vraie nation burgon<strong>de</strong>. Nature élevée, mais<br />
caractère faible <strong>et</strong> indécis, il échoua en somme dans l’œuvre <strong>de</strong> sa vie. Mais il<br />
faut dire qu’avec un génie plus grand, Théodoric échoua comme lui. Les grands<br />
<strong>hommes</strong> <strong>de</strong> l’arianisme n’étaient pas dans le courant <strong>de</strong> l’avenir.<br />
A côté <strong>de</strong> Gon<strong>de</strong>baud, <strong>et</strong> plus grand que lui, parce qu’à l’énergie d’une volonté<br />
droite il joint l’intuition vive <strong>et</strong> lumineuse <strong><strong>de</strong>s</strong> vérités <strong>la</strong>tentes, se dresse l’homme<br />
illustre qui est <strong>la</strong> principale gloire du royaume burgon<strong>de</strong>. Alcimus Ecdicius Avitus<br />
appartenait à une <strong>de</strong> ces gran<strong><strong>de</strong>s</strong> familles gallo-romaines dans lesquelles le<br />
sacerdoce catholique semb<strong>la</strong>it héréditaire. Il était né dans <strong>la</strong> gran<strong>de</strong> ville <strong>de</strong><br />
Vienne, dont son père avait occupé le siège épiscopal, <strong>et</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> liens <strong>de</strong> parenté le<br />
rattachaient au <strong>de</strong>rnier l<strong>et</strong>tré <strong>de</strong> <strong>la</strong> Gaule, au célèbre Sidoine Apollinaire, évêque<br />
<strong>de</strong> Clermont. A <strong>la</strong> mort <strong>de</strong> saint Mamert, en 490, l’église <strong>de</strong> Vienne l’appe<strong>la</strong> à sa<br />
tête, à peu près vers le même temps que son frère Apollinaire prenait possession<br />
du siège épiscopal <strong>de</strong> Valence. Éloquent <strong>et</strong> l<strong>et</strong>tré, <strong>et</strong> <strong>de</strong> plus fort versé dans<br />
l’Écriture sainte, il avait toute <strong>la</strong> haute culture intellectuelle <strong>de</strong> son temps, <strong>et</strong><br />
aucun <strong><strong>de</strong>s</strong> problèmes qui préoccupaient ses contemporains n’a passé <strong>de</strong>vant son<br />
intelligence toujours en éveil, sans qu’il lui ait donné une réponse. Mais c<strong>et</strong><br />
esprit, qui par tous ses souvenirs plonge dans le mon<strong>de</strong> ancien, appartient par<br />
toutes ses aspirations au mon<strong>de</strong> nouveau. C’est <strong>la</strong> Rome <strong><strong>de</strong>s</strong> papes, <strong>et</strong> non plus<br />
<strong>la</strong> Rome <strong><strong>de</strong>s</strong> Césars, qui est <strong>la</strong> patrie <strong>de</strong> sa pensée <strong>et</strong> <strong>de</strong> son cœur. Rien ne lui<br />
est plus cher que <strong>la</strong> prérogative du siège <strong>de</strong> Pierre, <strong>et</strong> quand <strong>la</strong> cause <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
1 S. Avitus, Contra Eutychen, I, II, p. 22 (Peiper).<br />
2 Per vos propositum gentile <strong>de</strong>ponit. Cassiodore, Variar., I, 46.