27.06.2013 Views

clovis - L'Histoire antique des pays et des hommes de la Méditerranée

clovis - L'Histoire antique des pays et des hommes de la Méditerranée

clovis - L'Histoire antique des pays et des hommes de la Méditerranée

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

Voilà les seuls traits que les brouil<strong>la</strong>rds <strong>de</strong> l’histoire nous perm<strong>et</strong>tent d’entrevoir<br />

dans <strong>la</strong> physionomie du premier roi chrétien <strong><strong>de</strong>s</strong> Francs. Ils sont bien loin <strong>de</strong><br />

s’accor<strong>de</strong>r avec l’image que nous ont tracée <strong>de</strong> lui les chants popu<strong>la</strong>ires <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

barbares. Aussi <strong>la</strong> nation française n’a-t-elle jamais connu ce Clovis païen <strong>et</strong><br />

sanguinaire. Son Clovis à elle, e’a été, dès le temps <strong>de</strong> Grégoire <strong>de</strong> Tours, le roi<br />

catholique, protecteur-né <strong>de</strong> tous les chrétiens opprimés, épée victorieuse au<br />

service <strong>de</strong> l’Église <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> civilisation. Dieu prosternait <strong>de</strong>vant lui tous ses<br />

ennemis, dit le chroniqueur, <strong>et</strong> ne cessait d’augmenter son royaume, parce qu’il<br />

marchait le cœur droit <strong>de</strong>vant lui <strong>et</strong> qu’il faisait ce qui lui était agréable1.<br />

Il était pour le peuple le type anticipé <strong>de</strong> Charlemagne, dans lequel sa<br />

physionomie poétique est souvent allée se fondre, <strong>et</strong> <strong>la</strong> nation ne se l’est jamais<br />

représenté autrement que comme celui qui a réalisé le programme <strong>de</strong> saint Remi<br />

<strong>et</strong> <strong>de</strong> saint Avitus, en étendant le royaume <strong>de</strong> Dieu. Quoi d’étonnant si l’on a<br />

voulu parfois le faire participer au culte rendu à <strong>la</strong> mémoire <strong>de</strong> Charlemagne, <strong>et</strong><br />

s’il a été l’obj<strong>et</strong>, à son tour, d’une espèce <strong>de</strong> canonisation popu<strong>la</strong>ire ? On nous dit<br />

qu’au moyen âge plusieurs églises lui étaient dédiées comme à un saint, <strong>et</strong> le<br />

chroniqueur Aymeri <strong>de</strong> Peyrac ne craint pas <strong>de</strong> l’invoquer sous ce titre2. Au dixseptième<br />

siècle, plusieurs écrivains allèrent jusqu’à soutenir <strong>la</strong> thèse <strong>de</strong> sa<br />

saint<strong>et</strong>é avec <strong><strong>de</strong>s</strong> arguments empruntés à l’histoire, <strong>et</strong> l’un d’eux, soit par<br />

enthousiasme sincère, soit par esprit d’adu<strong>la</strong>tion, proposa même formellement à<br />

Louis XIII <strong>de</strong> faire célébrer dans tout son royaume le culte <strong>et</strong> <strong>la</strong> fête <strong>de</strong> saint<br />

Louys I, <strong>de</strong> même que Philippe le Bel y avait fait célébrer le culte <strong>et</strong> <strong>la</strong> fête <strong>de</strong><br />

Louys IX3.<br />

L’histoire ne fait <strong>de</strong> Clovis ni un barbare sanguinaire avec les Francs du sixième<br />

siècle, ni un saint avec les Français du quatorzième <strong>et</strong> du dix-septième. Écartant<br />

l’image stylisée que lui présentent les uns <strong>et</strong> les autres, <strong>et</strong> constatant qu’elle ne<br />

dispose pas d’assez <strong>de</strong> renseignements pour tracer <strong>de</strong> lui un véritable portrait,<br />

elle doit s’abstenir <strong>de</strong> porter sur lui un jugement formel <strong>et</strong> absolu. Elle peut<br />

cependant reconnaître, dans le peu qu’elle sait <strong>de</strong> sa carrière, <strong>de</strong> sérieux indices<br />

d’une vie morale épurée par l’Évangile, <strong>et</strong> elle doit protester contre ceux qui le<br />

flétrissent comme un barbare brutal, pour qui le baptême aurait été une<br />

formalité inefficace. Si l’on veut absolument qu’il ait été un barbare, il ne faudra<br />

pas om<strong>et</strong>tre <strong>de</strong> dire que ce fut un barbare converti. C’est précisément <strong>la</strong><br />

rencontre, dans le même homme, du naturel indompté <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> grâce civilisatrice<br />

qui semble avoir été le trait caractéristique <strong>de</strong> sa physionomie. Sachons <strong>la</strong><br />

respecter dans <strong>la</strong> pénombre où elle disparaît à nos regards, <strong>et</strong>, jugeant ce grand<br />

ouvrier <strong>de</strong> Dieu d’après son œuvre, reconnaissons que ni l’Église ni <strong>la</strong> France<br />

n’ont à rougir <strong>de</strong> lui.<br />

Clovis <strong>la</strong>issait une famille jeune encore, mais en état <strong>de</strong> lui succé<strong>de</strong>r d’emblée,<br />

tous ses enfants masculins ayant atteint l’âge <strong>de</strong> <strong>la</strong> majorité salique. Son fils<br />

aîné, Théodoric ou Thierry, né d’une première union, avait déjà fait une<br />

1 Grégoire <strong>de</strong> Tours, II, 40.<br />

2 Chronique d’Aymeri <strong>de</strong> Peyrac, manuscrit 4991 A <strong>de</strong> <strong>la</strong> Bibliothèque nationale <strong>de</strong> Paris,<br />

fonds <strong>la</strong>tin, fol. 104, verso.<br />

3 J. Savaron, De <strong>la</strong> sainct<strong>et</strong>é du roi Louys, dit Clovis, Paris, 1620. Ce livre a eu trois<br />

éditions en <strong>de</strong>ux ans. Voir encore le P. Dominique <strong>de</strong> Jésus, <strong>la</strong> Monarchie sainte,<br />

historique, chronologique <strong>et</strong> généalogique <strong>de</strong> France, <strong>et</strong>c. <strong>et</strong>c., traduite <strong>et</strong> enrichie par le<br />

R. P. Mo<strong><strong>de</strong>s</strong>te <strong>de</strong> Saint-Aimable, Clermont, 1670. Saussay, disent les Acta Sanctorum,<br />

cite <strong>de</strong>ux écrivains du sixième siècle, Jacques Almainus <strong>et</strong> Paul Émile, qui donnent le nom<br />

<strong>de</strong> saint à Clovis.

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!