clovis - L'Histoire antique des pays et des hommes de la Méditerranée
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cependant y avoir, au pa<strong>la</strong>is <strong>de</strong> Tournai, bien <strong><strong>de</strong>s</strong> délibérations avant qu’on se<br />
mît en campagne. Tout d’abord <strong><strong>de</strong>s</strong> alliances furent cherchées. Les rois saliens<br />
apparentés à Clovis, à savoir Ragnacaire <strong>et</strong> Chararic, promirent leur participation<br />
à l’entreprise1. Assuré <strong>de</strong> ce côté, Clovis prit résolument les armes. Au dire <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
tradition, il envoya un défi à Syagrius, en le sommant <strong>de</strong> lui fixer le jour <strong>et</strong> le lieu<br />
<strong>de</strong> leur rencontre. Il se conformait en ce<strong>la</strong> à l’usage germanique, qui ne vou<strong>la</strong>it<br />
pas qu’on attaquât l’ennemi sans l’avoir défié2. Pareille coutume, étrangère à<br />
toute préoccupation <strong>de</strong> stratégie, <strong>de</strong>vait singulièrement m<strong>et</strong>tre à l’aise un<br />
adversaire au courant <strong>de</strong> <strong>la</strong> gran<strong>de</strong> guerre. Mais <strong>la</strong> déca<strong>de</strong>nce <strong>de</strong> l’art militaire<br />
était venue, <strong>et</strong> avait nivelé les armées <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong>ux partis. Les chances <strong>de</strong> <strong>la</strong> lutte se<br />
trouvaient donc à peu près égales, le jour où les <strong>de</strong>ux rivaux eurent<br />
l’engagement suprême qui décida du sort <strong>de</strong> <strong>la</strong> Gaule.<br />
Syagrius dut se préoccuper avant tout <strong>de</strong> couvrir sa capitale. Selon toute<br />
apparence, il se sera donc porté en avant <strong>de</strong> Soissons pour attendre l’ennemi ;<br />
mais on n’a pu faire que <strong>de</strong> vagues conjectures sur le théâtre <strong>de</strong> <strong>la</strong> lutte. D’après<br />
les uns, il se trouverait entre Epagny <strong>et</strong> Chavigny ; d’après les autres, il faudrait<br />
le chercher du côté <strong>de</strong> Juvigny <strong>et</strong> <strong>de</strong> Montécouvé3. Le roi <strong><strong>de</strong>s</strong> Romains avait<br />
ramassé tout ce qu’il avait <strong>de</strong> soldats, je veux dire les vétérans d’Ægidius, qui<br />
étaient restés fidèles au fils, <strong>et</strong> peut-être aussi quelques corps <strong>de</strong> soldats<br />
indigènes <strong>et</strong> <strong>de</strong> colons barbares4. Mais que pouvaient ces troupes, sans<br />
enthousiasme <strong>et</strong> sans foi, pour résister au choc impétueux <strong><strong>de</strong>s</strong> forces franques ?<br />
Le jeune roi salien eut pourtant un moment <strong>de</strong> vive inquiétu<strong>de</strong> : c’est lorsqu’il vit<br />
son parent, le roi Chararic, se tenir à distance <strong>de</strong> <strong>la</strong> mêlée, dans l’intention<br />
manifeste <strong>de</strong> ne se prononcer qu’en faveur <strong>de</strong> l’armée victorieuse5. Mais c<strong>et</strong>te<br />
défection ne rendit pas beaucoup meilleure <strong>la</strong> situation <strong>de</strong> Syagrius, comme on le<br />
voit par <strong>la</strong> suite <strong><strong>de</strong>s</strong> faits. Au surplus, l’enchaînement <strong>de</strong> ceux-ci nous échappe.<br />
L’historien <strong><strong>de</strong>s</strong> Francs a résumé en une seule ligne, probablement empruntée aux<br />
<strong>la</strong>coniques annales qu’il consultait, le récit <strong>de</strong> <strong>la</strong> lutte entre le Romain <strong>et</strong> le<br />
barbare ; il se borne à nous dire que Syagrius vaincu s’enfuit à Toulouse, auprès<br />
du roi <strong><strong>de</strong>s</strong> Visigoths, <strong>et</strong> qu’A<strong>la</strong>ric, tremb<strong>la</strong>nt <strong>de</strong>vant <strong>la</strong> colère <strong>de</strong> Clovis, lui livra<br />
son hôte, que le barbare fit m<strong>et</strong>tre à mort en secr<strong>et</strong>. Il ne nous apprend pas si le<br />
vaincu prolongea sa résistance après sa première défaite, s’il y eut, dans <strong>la</strong><br />
1 Selon Dubos, Hist. crit. <strong>de</strong> l’établiss. <strong>de</strong> <strong>la</strong> monarchie française, III. p. 23, suivi par<br />
Pétigny, Étu<strong><strong>de</strong>s</strong>, II, p. 384, <strong>et</strong> par Junghans, Histoire critique <strong><strong>de</strong>s</strong> rois Childéric <strong>et</strong> Clovis,<br />
p. 27, Chararic aurait refusé <strong>de</strong> prendre part à <strong>la</strong> guerre. Ces auteurs ont mal lu le texte<br />
<strong>de</strong> Grégoire <strong>de</strong> Tours, II, 42, cité plus bas. Pétigny ajoute que le roi <strong><strong>de</strong>s</strong> Ripuaires refusa<br />
<strong>de</strong> secourir Clovis. Mais sa seule raison pour affirmer ce<strong>la</strong>, c’est que Grégoire <strong>de</strong> Tours ne<br />
dit pas qu’il l’ait secouru en eff<strong>et</strong>. C’est incontestablement une forte mauvaise raison.<br />
2 Deux générations après Clovis, quand Sigebert Ier se proposa d’attaquer son frère<br />
Chilpéric, il lui envoya le même message. V. Grégoire <strong>de</strong> Tours, IV, 49. Et l’on voit par<br />
Zosime, II, 45, que l’usurpateur Magnence, qui était probablement d’origine franque,<br />
avait fait proposer à l’empereur Constance une rencontre à Siscia. On offrait alors le<br />
choix du terrain, comme aujourd’hui les br<strong>et</strong>teurs offrent le choix <strong><strong>de</strong>s</strong> armes.<br />
3 Voir les dissertations <strong>de</strong> l’abbé Lebeuf <strong>et</strong> <strong>de</strong> Bi<strong>et</strong> sous le même titre Dissertation où l’on<br />
fixe l’époque <strong>de</strong> l’établissement <strong><strong>de</strong>s</strong> Francs dans les Gaules, <strong>et</strong> dans le même volume,<br />
Paris, 1736.<br />
4 Selon Junghans, p. 27, Syagrius n’aurait eu à sa disposition d’autres ressources que<br />
celles <strong>de</strong> ses propres domaines.<br />
5 Grégoire <strong>de</strong> Tours, II, 42 : Quando autem cum Siagrio pugnavit, hic Chararisus<br />
evocatus ad so<strong>la</strong>tium Chlodovechi eminus st<strong>et</strong>it, neutre adjuvans parti sed eventum rei<br />
expectans, ut cui evenerit victuriam, cum illo ut hic amicitia conligar<strong>et</strong>.