clovis - L'Histoire antique des pays et des hommes de la Méditerranée
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foyers. Ils restèrent païens jusque dans <strong>la</strong> secon<strong>de</strong> moitié du sixième siècle, <strong>et</strong><br />
c’est à l’évêque Félix <strong>de</strong> Nantes qu’était réservé l’honneur <strong>de</strong> les introduire dans<br />
<strong>la</strong> communion catholique1. C’est assez dire que les Saxons ont été traités par les<br />
Francs en peuple frère plutôt qu’en ennemis, <strong>et</strong> que vis-à-vis <strong><strong>de</strong>s</strong> barbares <strong>la</strong><br />
politique du conquérant fut <strong>la</strong> même que vis-à-vis <strong><strong>de</strong>s</strong> Gallo-Romains.<br />
Vis-à-vis <strong><strong>de</strong>s</strong> Br<strong>et</strong>ons, c<strong>et</strong>te politique s’inspira <strong><strong>de</strong>s</strong> mêmes <strong>la</strong>rges idées, bien<br />
qu’avec <strong><strong>de</strong>s</strong> modifications rendues nécessaires par <strong><strong>de</strong>s</strong> différences <strong>de</strong> race <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />
lieu. Les Br<strong>et</strong>ons représentaient en Gaule une nationalité foncièrement étrangère<br />
aux <strong>de</strong>ux gran<strong><strong>de</strong>s</strong> races qui se <strong>la</strong> partageaient, <strong>et</strong> avec <strong>la</strong>quelle les points <strong>de</strong><br />
contact étaient fort rares. Installés dès le milieu du cinquième siècle, avec le<br />
consentement <strong>de</strong> l’Empire, dans <strong>la</strong> presqu’île à <strong>la</strong>quelle ils ont <strong>la</strong>issé leur nom, ils<br />
y furent tout d’abord <strong><strong>de</strong>s</strong> auxiliaires <strong>de</strong> l’armée romaine, dont on se servait<br />
contre les barbares, <strong>et</strong> qu’on faisait passer où l’on avait besoin d’eux. Mais<br />
l’Empire ayant cessé d’exister, <strong>et</strong> les immigrés voyant grossir leurs rangs d’un<br />
grand nombre d’insu<strong>la</strong>ires fuyant <strong>de</strong>vant les envahisseurs, anglo-saxons, il arriva<br />
que les Br<strong>et</strong>ons se trouvèrent à <strong>la</strong> fin plus <strong>de</strong> liberté d’une part <strong>et</strong>, <strong>de</strong> l’autre,<br />
plus <strong>de</strong> force pour <strong>la</strong> défendre, <strong>et</strong> telle était leur situation lorsque <strong>la</strong> fortune <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
événements les mit en contact avec les Francs. Y eut-il une lutte sérieuse entre<br />
les <strong>de</strong>ux peuples ? Encore une fois, il n’y en a pas d’apparence ; tout, au<br />
contraire, nous porte à croire qu’il intervint une espèce d’accord, mais d’une<br />
espèce particulière c<strong>et</strong>te fois. Les Br<strong>et</strong>ons gardèrent leur indépendance <strong>et</strong> leurs<br />
chefs nationaux ; ils ne furent pas, comme l’avaient été leurs voisins les Saxons,<br />
incorporés dans le royaume <strong><strong>de</strong>s</strong> Francs, mais ils reconnurent l’hégémonie <strong>de</strong> ce<br />
peuple <strong>et</strong> <strong>la</strong> suzerain<strong>et</strong>é <strong>de</strong> son roi. C’est ce que le chroniqueur du sixième siècle<br />
exprime d’une, manière aussi concise que juste quand il écrit : Après <strong>la</strong> mort <strong>de</strong><br />
Clovis, les Br<strong>et</strong>ons continuèrent <strong>de</strong> rester sous l’autorité <strong><strong>de</strong>s</strong> Francs, mais en<br />
gardant leurs chefs nationaux, qui portaient le titre <strong>de</strong> comte <strong>et</strong> non <strong>de</strong> roi2.<br />
Ainsi, <strong>de</strong> quelque côté que nous envisagions <strong>la</strong> conquête <strong>de</strong> <strong>la</strong> Gaule romaine par<br />
Clovis, elle se présente à nous avec le même caractère essentiel, celui d’une<br />
prise <strong>de</strong> possession fondée pour le moins autant sur une convention que sur les<br />
armes. Si l’on fait abstraction <strong>de</strong> <strong>la</strong> situation toute spéciale <strong><strong>de</strong>s</strong> Br<strong>et</strong>ons, c<strong>et</strong>te<br />
conquête assura aux popu<strong>la</strong>tions conquises une parfaite égalité avec les<br />
conquérants. On ne peut se <strong>la</strong>sser <strong>de</strong> le répéter : là est le secr<strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> vitalité<br />
déployée par le peuple franc dès le premier jour. Au lieu <strong>de</strong> sou<strong>de</strong>r ensemble <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
éléments disparates pour en faire un corps factice <strong>et</strong> sans vie, à l’imitation <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
autres barbares, le conquérant franc, guidé par un génial instinct <strong>et</strong> servi par<br />
1 Munere Felicis <strong>de</strong> verre nata seges,<br />
Aspera gens Saxo, vivens quasi more ferino<br />
Te medicante sacer bellua reddis ovem.<br />
Fortunat, Carm. III, 9.<br />
2 Nam semper Britanni sub Francorum potestatem post obitum regis Clodovechi fuerunt,<br />
<strong>et</strong> comites non regis appel<strong>la</strong>ti sunt. (Grégoire <strong>de</strong> Tours, Hist. Franc., IV, 4.) Conclure <strong>de</strong><br />
ce passage avec M. A. <strong>de</strong> <strong>la</strong> Bor<strong>de</strong>rie, Histoire <strong>de</strong> Br<strong>et</strong>agne, t. I, p. 263, que les Br<strong>et</strong>ons<br />
ne reconnurent <strong>la</strong> suprématie <strong><strong>de</strong>s</strong> Francs qu’après <strong>la</strong> mort <strong>de</strong> Clovis, c’est, à mon sens,<br />
faire violence au texte, car ce<strong>la</strong> revient à lui faire dire que les Br<strong>et</strong>ons ont attendu c<strong>et</strong>te<br />
mort pour faire leur soumission. Dom Lobineau (Histoire <strong>de</strong> Br<strong>et</strong>agne, t. I, p. 9) se<br />
trompe lorsqu’il argue <strong>de</strong> l’absence <strong><strong>de</strong>s</strong> évêques br<strong>et</strong>ons au concile d’Orléans (511) pour<br />
nier <strong>la</strong> soumission <strong>de</strong> <strong>la</strong> Br<strong>et</strong>agne à Clovis. Y avait-il d’autres sièges épiscopaux en<br />
Br<strong>et</strong>agne, à c<strong>et</strong>te date, que ceux <strong>de</strong> Rennes <strong>et</strong> <strong>de</strong> Vannes ? Si oui, étaient-ils assez<br />
nombreux pour qu’on ne soit pas autorisé à expliquer leur absence, comme celle d’autres<br />
évêques dont les noms manquent, par une circonstance purement fortuite ?