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clovis - L'Histoire antique des pays et des hommes de la Méditerranée

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homme, qui s’est complu, au cours <strong>de</strong> ses écrits, dans une loquacité souvent si<br />

fatigante, ne nous dit rien du rôle qu’il a joué dans ce siège, comme si <strong>la</strong><br />

gran<strong>de</strong>ur à <strong>la</strong>quelle il dut élever son âme dans ces jours <strong>de</strong> crise nationale n’était<br />

pas compatible avec le frivole babil<strong>la</strong>ge qui était le caractère <strong>de</strong> son talent. Mais,<br />

s’il s’est oublié lui-même, il a tracé dans une page inoubliable les services qu’un<br />

autre, qui lui était cher, a rendus alors à l’Auvergne <strong>et</strong> à l’Empire. C<strong>et</strong> autre,<br />

c’était son beau-frère Ecdicius, fils <strong>de</strong> l’empereur Avitus, dont Sidoine avait<br />

épousé <strong>la</strong> fille.<br />

Ecdicius était une âme généreuse <strong>et</strong> gran<strong>de</strong>, que <strong>la</strong> richesse n’avait pas amollie,<br />

<strong>et</strong> qui avait gardé toute’ sa ferm<strong>et</strong>é au milieu <strong>de</strong> l’universel fléchissement <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

caractères <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te époque. Aux premières nouvelles du danger qui menaçait sa<br />

patrie, il quitta Rome, où l’avaient appelé les intérêts <strong>de</strong> sa province, <strong>et</strong> s’é<strong>la</strong>nça<br />

sur <strong>la</strong> route <strong>de</strong> <strong>la</strong> Gaule. Brû<strong>la</strong>nt les étapes, dévoré d’ar<strong>de</strong>ur <strong>et</strong> d’inquiétu<strong>de</strong>, il<br />

déboucha enfin, à <strong>la</strong> tête <strong>de</strong> dix-huit cavaliers qui formaient toute son escorte,<br />

dans le vaste bassin <strong>de</strong> <strong>la</strong> Limagne, ayant en face <strong>de</strong> lui, sur <strong>la</strong> colline, les<br />

murailles aimées <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville natale, <strong>et</strong>, entre lui <strong>et</strong> elle, le camp <strong><strong>de</strong>s</strong> Visigoths. Il<br />

le traverse au galop, se frayant un chemin à <strong>la</strong> pointe <strong>de</strong> l’épée, au milieu d’une<br />

armée stupéfaite d’une audace qui semb<strong>la</strong>it <strong>de</strong> <strong>la</strong> folie, <strong>et</strong> il parvient à rentrer<br />

dans <strong>la</strong> ville sans avoir perdu un seul homme. La popu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> Clermont, qui du<br />

haut <strong>de</strong> ses remparts avait assisté au magnifique exploit <strong>de</strong> son concitoyen, lui fit<br />

une ovation in<strong><strong>de</strong>s</strong>criptible. A travers les rues noires <strong>de</strong> mon<strong>de</strong>, les cris <strong>de</strong> joie,<br />

les sanglots <strong>et</strong> les app<strong>la</strong>udissements r<strong>et</strong>entissaient sans discontinuer, <strong>et</strong> il eut<br />

plus <strong>de</strong> ‘peine à traverser c<strong>et</strong>te multitu<strong>de</strong> désarmée que tout à l’heure à fendre<br />

les rangs <strong><strong>de</strong>s</strong> ennemis. Chacun vou<strong>la</strong>it le voir, le toucher, baiser ses mains ou<br />

ses genoux, l’ai<strong>de</strong>r à détacher son armure ; on comptait les coups dont sa cotte<br />

<strong>de</strong> mailles portait les traces, on emportait comme <strong><strong>de</strong>s</strong> reliques <strong>la</strong> poussière<br />

glorieuse qui couvrait ses habits, mêlée à <strong>la</strong> sueur <strong>et</strong> au sang. Reconduit<br />

jusqu’auprès <strong>de</strong> son foyer par c<strong>et</strong>te foule en délire qui le bénissait avec <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

<strong>la</strong>rmes, le héros savoura pleinement, en une heure, l’ivresse <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

reconnaissance popu<strong>la</strong>ire <strong>et</strong> <strong>la</strong> joie d’une récompense si haute qu’elle semb<strong>la</strong>it le<br />

sa<strong>la</strong>ire anticipé <strong>de</strong> <strong>la</strong> mort.<br />

C<strong>et</strong>te incomparable journée avait exalté tous les cœurs : désormais <strong>la</strong> défense<br />

eut l’entrain <strong>et</strong> l’enthousiasme d’une attaque. Avec ses propres ressources,<br />

Ecdicius leva un corps <strong>de</strong> soldats à <strong>la</strong> tête <strong><strong>de</strong>s</strong>quels il harce<strong>la</strong> l’ennemi par une<br />

série <strong>de</strong> sorties heureuses. Les barbares, transformés presque en assiégés,<br />

eurent toutes les peines du mon<strong>de</strong> à maintenir leurs positions. Les pertes qu’ils<br />

faisaient dans les rencontres quotidiennes étaient telles qu’ils se voyaient<br />

Obligés, pour n’en pas <strong>la</strong>isser reconnaître l’étendue, <strong>de</strong> couper les têtes <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

morts ; après quoi ils brû<strong>la</strong>ient les cadavres, sans aucune solennité, dans <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

huttes où ils les entassaient1. Le courage <strong><strong>de</strong>s</strong> assiégés ne se démentit pas : ils<br />

endurèrent les souffrances <strong>de</strong> <strong>la</strong> faim sans parler <strong>de</strong>, se rendre, <strong>et</strong> lorsque les<br />

provisions commencèrent à s’épuiser, ils allèrent jusqu’à se nourrir <strong><strong>de</strong>s</strong> herbes<br />

qui poussaient dans les interstices <strong>de</strong> leurs murailles2. Ce furent les assiégeants<br />

qui perdirent patience : démoralisés par les exploits d’Ecdicius, fatigués d’une<br />

lutte qui se prolongeait sans mesure, effrayés <strong>de</strong> l’hiver qui s’avançait avec<br />

toutes ses rigueurs, ils levèrent le siège, .<strong>et</strong> Euric repartit avec l’humiliation<br />

d’avoir été arrêté par une seule ville.<br />

1 Sidoine Apollinaire, Epist., III, 3.<br />

2 Id., Epist., VII, 7.

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