clovis - L'Histoire antique des pays et des hommes de la Méditerranée
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existence surhumaine dans <strong>la</strong>quelle l’admiration <strong>de</strong> ses contemporains voyait<br />
l’idéal monastique réalisé1.<br />
Les anachorètes chrétiens <strong>de</strong> Trèves s’étaient inspirés <strong>de</strong> c<strong>et</strong> exemple. Ils avaient<br />
dit adieu au mon<strong>de</strong>, <strong>et</strong>, n’emportant que les saintes Ecritures <strong>et</strong> <strong>la</strong> biographie<br />
d’Antoine, ils s’étaient r<strong>et</strong>irés dans d’humbles cabanes disséminées aux alentours<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> ville, où ils cachaient sous les livrées <strong>de</strong> <strong>la</strong> pauvr<strong>et</strong>é une existence<br />
désormais vouée au mépris <strong><strong>de</strong>s</strong> mondains. Pendant que <strong>la</strong> foule se pressait aux<br />
jeux publics <strong>et</strong> courait fiévreusement à <strong>la</strong> recherche <strong>de</strong> tous les p<strong>la</strong>isirs d’une<br />
société déca<strong>de</strong>nte, ils jeûnaient <strong>et</strong> priaient, les yeux fixés sur les vérités<br />
éternelles, <strong>et</strong> vivaient d’une vie toute céleste aux portes d’un mon<strong>de</strong> dont ils<br />
s’étaient fait oublier. Or, une après-midi <strong>de</strong> l’année 386, pendant que l’empereur<br />
Gratien assistait aux courses du cirque avec <strong>la</strong> cour, quatre jeunes gens <strong>de</strong> son<br />
entourage, que le spectacle fatiguait, étaient allés se promener au milieu <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
jardins <strong>et</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> vignobles qui, alors comme aujourd’hui, touchaient aux murs <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
cité. Deux d’entre eux, conduits par le hasard <strong>de</strong> <strong>la</strong> promena<strong>de</strong>, passèrent<br />
<strong>de</strong>vant une cabane où vivaient <strong><strong>de</strong>s</strong> anachorètes. Ils y entrèrent, <strong>et</strong> l’un d’eux, y<br />
ayant trouvé une vie <strong>de</strong> saint Antoine, l’ouvrit par curiosité. Dès les premières<br />
lignes, une émotion extraordinaire s’empare du jeune homme ; c’est comme le<br />
parfum lointain du désert sacré qui vient à lui, à travers ces pages qui parlent un<br />
si nouveau <strong>et</strong> si sublime <strong>la</strong>ngage. L’amour divin vient <strong>de</strong> s’allumer dans son âme<br />
; il en est tout transporté, <strong>et</strong>, comme rempli d’indignation contre lui-même, il<br />
interpelle son ami :<br />
Dis-moi, je t’en prie, où prétendons-nous arriver au prix <strong>de</strong> tant d’efforts ? Quel<br />
est notre but <strong>et</strong> pourquoi servons-nous ? Notre plus grand espoir est <strong>de</strong> <strong>de</strong>venir<br />
les amis <strong>de</strong> l’empereur ; n’est-ce pas tout ce qu’il y a <strong>de</strong> précaire <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />
dangereux ? Et si nous y parvenons, par combien <strong>de</strong> périls arriverons-nous à un<br />
autre péril, qui sera le plus grand <strong>de</strong> tous ? Et puis, combien <strong>de</strong> temps ce<strong>la</strong><br />
durera-t-il ? Mais si je veux être l’ami <strong>de</strong> Dieu, je puis le <strong>de</strong>venir sur l’heure.<br />
Et, tout troublé <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie nouvelle qu’il sentait naître en lui, le jeune homme<br />
reprit sa lecture. C<strong>et</strong>te fois, c’en était fait ; décidé à se vouer sans r<strong>et</strong>ard au<br />
service <strong>de</strong> Dieu, il le signifia à son ami.<br />
Ne me contredis pas, ajouta-t-il, si tu n’as pas le courage <strong>de</strong> m’imiter.<br />
Mais l’autre déc<strong>la</strong>ra qu’il vou<strong>la</strong>it, lui aussi, entrer au service <strong>de</strong> Dieu <strong>et</strong> s’assurer<br />
<strong>la</strong> même récompense. Lorsque les <strong>de</strong>ux camara<strong><strong>de</strong>s</strong> qui les cherchaient les<br />
r<strong>et</strong>rouvèrent dans <strong>la</strong> cabane, vers <strong>la</strong> chute du jour, ils apprirent <strong>de</strong> leur bouche le<br />
récit <strong>de</strong> leur étonnante métamorphose. Ils n’essayèrent pas <strong>de</strong> les détourner <strong>de</strong><br />
leur généreux <strong><strong>de</strong>s</strong>sein, mais ils pleurèrent sur eux-mêmes, dit le narrateur, <strong>et</strong>,<br />
‘après les avoir félicités <strong>et</strong> s’être recommandés à leurs prières, ils revinrent au<br />
pa<strong>la</strong>is impérial, le cœur à terre. Mais les <strong>de</strong>ux nouveaux anachorètes ne<br />
quittèrent pas leur cellule, où ils vivaient dans le ciel. L’un <strong>et</strong> l’autre avaient <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
fiancées : apprenant leur résolution, elles ne voulurent pas se <strong>la</strong>isser vaincre en<br />
générosité par ceux qu’elles aimaient, <strong>et</strong> elles consacrèrent leur virginité à Dieu2.<br />
Tel est le récit qu’un jour, à Mi<strong>la</strong>n, l’un <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong>ux jeunes gens qui avaient assisté<br />
à <strong>la</strong> conversion <strong>de</strong> leurs amis, <strong>et</strong> dont le nom était Pontitianus, faisait à un jeune<br />
<strong>et</strong> bril<strong>la</strong>nt rhéteur du nom d’Augustin. Et, par un prodige nouveau <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te force<br />
mystérieuse qui avait agi sur les jeunes gens <strong>de</strong> Trèves, Augustin se sentit à son<br />
1 S. Athanase, Vita sancti Antonii.<br />
2 Saint Augustin, Confessions, VIII, 6.