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clovis - L'Histoire antique des pays et des hommes de la Méditerranée

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n’étaient-il pas, les uns <strong>et</strong> les autres, <strong><strong>de</strong>s</strong> soldats1 ? Tout ce qui portait les armes<br />

se vit conférer par eux, si je puis ainsi parler, le bénéfice <strong>de</strong> <strong>la</strong> gran<strong>de</strong><br />

naturalisation franque. Il en fut ainsi, notamment, <strong><strong>de</strong>s</strong> Saxons que Carausius<br />

avait établis le long <strong>de</strong> <strong>la</strong> mer du Nord pour gar<strong>de</strong>r <strong>la</strong> côte <strong>de</strong> Boulogne : ils<br />

restèrent en possession <strong>de</strong> leurs vil<strong>la</strong>ges <strong>et</strong> <strong>de</strong> leurs biens. Très probablement<br />

d’ailleurs ils grossirent les rangs <strong>de</strong> l’armée <strong>de</strong> Clodion, <strong>et</strong> l’aidèrent à faire <strong>la</strong><br />

conquête du reste du <strong>pays</strong>.<br />

Ce n’était pas un réjouissant spectacle que le nouveau royaume offrait au regard<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> civilisés <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te époque. Il dut être pour eux à peu près ce que sont, pour<br />

les chrétiens d’Orient, les sultanies turques fondées au milieu <strong><strong>de</strong>s</strong> ruines<br />

grandioses <strong>de</strong> l’Asie Mineure. On y voyait <strong>la</strong> foi chrétienne <strong>et</strong> <strong>la</strong> culture romaine<br />

foulées aux pieds <strong>de</strong> barbares grossiers, sectateurs d’une religion <strong>de</strong> sang <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />

carnage, qui brû<strong>la</strong>ient les bibliothèques, qui profanaient les églises, <strong>et</strong> qui<br />

cassaient sous <strong>la</strong> hache les chefs-d’œuvre <strong>de</strong> l’art ancien. Ces maîtres ignorants<br />

se promenaient les armes à <strong>la</strong> main, avec toute l’outrecuidance d’une<br />

soldatesque victorieuse, à travers <strong><strong>de</strong>s</strong> popu<strong>la</strong>tions qu’ils regardaient avec mépris,<br />

<strong>et</strong> qui ne comprenaient pas même leur rauque <strong>la</strong>ngage, que Julien avait comparé<br />

autrefois au croassement <strong><strong>de</strong>s</strong> corbeaux. Tout ce qui fait le charme <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie avait<br />

disparu <strong><strong>de</strong>s</strong> contrées tombées en leur pouvoir. L’élégance, l’atticisme, <strong>la</strong><br />

distinction <strong><strong>de</strong>s</strong> mœurs <strong>et</strong> du ton s’étaient réfugiés au sud <strong>de</strong> <strong>la</strong> Loire, <strong>et</strong> se<br />

préparaient à fuir plus loin encore. La foi chrétienne, déjà si éprouvée par les<br />

désastres <strong>de</strong> 406, <strong>la</strong>nguissait maintenant sans hiérarchie, sans clergé, sans<br />

ressources, comme une religion d’inférieurs dont les jours sont comptés. Pendant<br />

ce temps, les sources <strong>et</strong> les forêts re<strong>de</strong>venaient les seuls sanctuaires <strong>de</strong> ces<br />

contrées, sur lesquels <strong>la</strong> lumière <strong>de</strong> l’Évangile semb<strong>la</strong>it ne s’être levée que pour<br />

s’éteindre aussitôt. Au len<strong>de</strong>main <strong>de</strong> <strong>la</strong> conquête <strong>de</strong> Clodion, on eût pu croire que<br />

c’en était fini <strong>de</strong> tout avenir pour <strong>la</strong> civilisation <strong>de</strong> <strong>la</strong> Gaule-Belgique. Qui eût dit<br />

alors que le crépuscule qui venait <strong>de</strong> s’abattre sur ces <strong>pays</strong>, c’était celui qui<br />

précè<strong>de</strong> l’aurore ?<br />

1 Sur l’i<strong>de</strong>ntité <strong><strong>de</strong>s</strong> termes <strong>de</strong> barbare <strong>et</strong> <strong>de</strong> soldat au haut moyen âge, voir G. Kurth, les<br />

Francs <strong>et</strong> <strong>la</strong> France dans <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue politique du moyen âge (Revue <strong><strong>de</strong>s</strong> questions<br />

historiques, t. LVII, p. 393), d’après Ewald (Neues Archiv., t. VIII, p. 354).

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