clovis - L'Histoire antique des pays et des hommes de la Méditerranée
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l’Église sans que son âme vibre à l’unisson. Je suis une vigie, dit-il quelque part,<br />
je tiens le c<strong>la</strong>iron, je n’ai pas le droit <strong>de</strong> me taire1. Et qui ne voit tout ce qu’aurait<br />
perdu l’archevêque <strong>de</strong> Vienne à passer sous le joug <strong><strong>de</strong>s</strong> Francs restés aux trois<br />
quarts païens, lui qui était l’ami <strong>de</strong> ses souverains, <strong>et</strong> qui voyait les Burgon<strong><strong>de</strong>s</strong>,<br />
conquis par l’exemple <strong>de</strong> leur prince royal, revenir toujours plus nombreux à sa<br />
foi ? A moins donc <strong>de</strong> vouloir que tout pré<strong>la</strong>t orthodoxe, vivant sous l’autorité<br />
d’un monarque arien, ait été nécessairement un traître <strong>de</strong> profession, il faut bien<br />
adm<strong>et</strong>tre qu’Avitus avait intérêt, plus que tout autre, au maintien du royaume <strong>et</strong><br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> dynastie, <strong>et</strong> se résigner à <strong>la</strong>isser intacte c<strong>et</strong>te gloire si haute <strong>et</strong> si pure <strong>de</strong><br />
l’Église <strong>de</strong> Burgondie2.<br />
Gon<strong>de</strong>baud <strong>et</strong> Avitus, c’est, si l’on peut ainsi parler, toute <strong>la</strong> nation burgon<strong>de</strong> en<br />
résumé ; c’est l’image vivante <strong>et</strong> fidèle <strong><strong>de</strong>s</strong> contrastes <strong>et</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> dissi<strong>de</strong>nces qui<br />
l’empêchèrent <strong>de</strong> se constituer. D’un côté, le doute, l’indécision, l’hésitation<br />
mortelle au carrefour <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong>tinées, c’est le peuple burgon<strong>de</strong>, c’est <strong>la</strong> dynastie<br />
arienne ; <strong>de</strong> l’autre, le coup d’œil juste <strong>et</strong> sûr, l’assurance sereine,<br />
l’imperturbable ferm<strong>et</strong>é <strong>de</strong> direction, c’est l’épiscopat, c’est l’Église catholique.<br />
Mais ces éléments sont opposés, <strong>et</strong> <strong>la</strong> nation, tirée en <strong>de</strong>ux sens, se trouble <strong>et</strong> se<br />
disloque. Elle n’aura jamais son credo, elle n’arrivera jamais à <strong>la</strong> fière <strong>et</strong> joyeuse<br />
conscience d’elle-même, <strong>de</strong> son unité, <strong>de</strong> sa mission provi<strong>de</strong>ntielle. Tout ce qui<br />
fait <strong>la</strong> force <strong>et</strong> <strong>la</strong> gran<strong>de</strong>ur du jeune royaume franc lui est refusé, <strong>et</strong> elle est<br />
fatalement <strong><strong>de</strong>s</strong>tinée à <strong>de</strong>venir quelque jour <strong>la</strong> proie d’une puissance mieux<br />
organisée.<br />
Ce jour n’était pas encore arrivé, mais les événements le préparaient. La<br />
succession <strong>de</strong> Gundioch n’avait pas <strong>la</strong>issé <strong>de</strong> créer <strong>de</strong> sérieuses difficultés entre<br />
ses fils. Un écrivain burgon<strong>de</strong> prétend qu’à <strong>la</strong> mort <strong>de</strong> ce roi, Gon<strong>de</strong>baud s’était<br />
emparé <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong>ux tiers <strong>de</strong> l’héritage, ne <strong>la</strong>issant qu’un tiers à son frère Go<strong>de</strong>gisil ;<br />
mais ce renseignement ne peut pas être tout à fait exact3. Et même s’il l’était, il<br />
faudrait adm<strong>et</strong>tre que Go<strong>de</strong>gisil dut couver bien longtemps son ressentiment<br />
avant <strong>de</strong> le satisfaire, car Chilpéric était mort avant 493, <strong>et</strong> <strong>la</strong> guerre <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong>ux<br />
frères n’éc<strong>la</strong>ta qu’en 500. Ce qui est certain, c’est que <strong>la</strong> supériorité matérielle <strong>de</strong><br />
Gon<strong>de</strong>baud sur son frère, reconnue par les contemporains <strong>et</strong> attestée par<br />
quantité <strong>de</strong> faits, <strong>de</strong>vait être bien blessante pour l’amour-propre <strong>de</strong> celui-ci. Quoi<br />
qu’il en soit, une rivalité d’intérêts <strong>et</strong> <strong>de</strong> vanité reste encore l’explication <strong>la</strong> plus<br />
p<strong>la</strong>usible <strong>de</strong> <strong>la</strong> guerre fratrici<strong>de</strong> qui al<strong>la</strong>it m<strong>et</strong>tre aux prises les <strong>de</strong>ux oncles <strong>de</strong><br />
Clotil<strong>de</strong>. S’y mê<strong>la</strong>-t-il aussi une querelle religieuse ? Nous n’en voyons pas <strong>de</strong><br />
trace dans les re<strong>la</strong>tions personnelles entre les rois ; mais il est possible que les<br />
dissentiments confessionnels aient eu une certaine influence au moins sur leurs<br />
peuples. La fermentation qui régnait dans le <strong>pays</strong>, vers 485 <strong>et</strong> pendant les<br />
années suivantes, perm<strong>et</strong> <strong>de</strong> croire qu’au moment dont nous parlons il en restait<br />
encore quelque chose. Ce qui est probable, dans tous les cas, c’est que les <strong>de</strong>ux<br />
frères appartenaient à <strong>de</strong>ux confessions opposées : tandis que Gon<strong>de</strong>baud restait<br />
1 S. Avitus, Epist., 19 : Specu<strong>la</strong>tor sum, tubam teneo, tacere mihi non lic<strong>et</strong>.<br />
2 Arnold, Cæsarius von Are<strong>la</strong>te, pp. 202-215, a tracé <strong>de</strong> ce grand homme une véritable<br />
caricature ; il ne peut lui pardonner son ultramontanisme, <strong>et</strong> c’est peut-être le secr<strong>et</strong><br />
d’une injustice qui étonne chez c<strong>et</strong> auteur, dont les jugements ont d’ordinaire plus <strong>de</strong><br />
sérénité.<br />
3 Vita sancti Sigismundi dans Jahn, Die Geschichte <strong>de</strong>r Burgundionen und Burgundiens,<br />
t. II, p. 505.