clovis - L'Histoire antique des pays et des hommes de la Méditerranée
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La chute d’A<strong>la</strong>ric fut pour l’armée <strong><strong>de</strong>s</strong> Goths le signal d’un sauve-qui-peut<br />
éperdu. Prenant au milieu d’eux l’enfant royal menacé <strong>de</strong> tomber aux mains <strong>de</strong><br />
l’ennemi, quelques <strong>hommes</strong> dévoués lui firent un rempart <strong>de</strong> leurs corps, <strong>et</strong>,<br />
fuyant à bri<strong>de</strong> abattue, furent assez heureux pour l’emporter sain <strong>et</strong> sauf loin du<br />
théâtre du carnage1. Tout le reste se dispersa dans toutes les directions, ou<br />
succomba sous les coups <strong><strong>de</strong>s</strong> Francs victorieux. Les Auvergnats venus sous <strong>la</strong><br />
conduite d’Apollinaire, fils <strong>de</strong> l’évêque Sidoine, furent presque entièrement<br />
exterminés. Le chef parvint à fuir, mais <strong>la</strong> fleur <strong>de</strong> <strong>la</strong> noblesse clermontoise resta<br />
sur le carreau2, <strong>et</strong> les vainqueurs, pour entrer à Poitiers, durent passer sur les<br />
cadavres <strong>de</strong> ces braves catholiques, tombés pour <strong>la</strong> défense <strong><strong>de</strong>s</strong> persécuteurs <strong>de</strong><br />
leur foi. A neuf heures du matin, tout était terminé, <strong>et</strong> il n’avait pas fallu une<br />
<strong>de</strong>mi-journée pour m<strong>et</strong>tre lin à <strong>la</strong> domination arienne en Gaule. Néanmoins, <strong>la</strong><br />
rencontre avait été <strong><strong>de</strong>s</strong> plus sang<strong>la</strong>ntes, <strong>et</strong> quantité <strong>de</strong> monticules disséminés<br />
dans <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ine marquèrent, pour les générations suivantes, <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce où les<br />
victimes <strong>de</strong> ce drame dormaient sous le gazon3. Clovis al<strong>la</strong> se prosterner <strong>de</strong>vant<br />
le tombeau <strong>de</strong> saint Hi<strong>la</strong>ire, pour remercier le grand confesseur <strong>de</strong> <strong>la</strong> protection<br />
qu’il lui avait accordée pendant c<strong>et</strong>te bril<strong>la</strong>nte journée ; puis il fit son entrée<br />
triomphale dans <strong>la</strong> ville, acc<strong>la</strong>mé comme un libérateur par <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion.<br />
Il avait, on s’en souvient, pris le territoire <strong>de</strong> Tours <strong>et</strong> <strong>de</strong> Poitiers sous sa<br />
protection spéciale, par vénération pour les <strong>de</strong>ux grands saints dont lui-même<br />
implorait le secours dans c<strong>et</strong>te campagne. Mais, dans l’ivresse <strong>de</strong> <strong>la</strong> victoire, ses<br />
ordres ne furent pas toujours respectés, <strong>et</strong> les ban<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong> soldats isolés qui se<br />
répandirent dans les environs, pendant les premiers jours qui suivirent, purent se<br />
croire tout permis. Quelques-uns d’entre eux arrivèrent, au cours <strong>de</strong> leurs<br />
pil<strong>la</strong>ges, jusqu’au monastère qu’un saint religieux <strong>de</strong> <strong>la</strong> Gaule méridionale,<br />
nommé Maixent, avait, fondé sur les bords <strong>de</strong> <strong>la</strong> Sèvre Niortaise4. Il y vivait en<br />
reclus, dirigeant, du fond <strong>de</strong> sa cellule, les moines que le prestige <strong>de</strong> sa saint<strong>et</strong>é,<br />
avait groupés sous sa houl<strong>et</strong>te. Effrayés <strong>de</strong> l’arrivée <strong><strong>de</strong>s</strong> pil<strong>la</strong>rds ; ils coururent<br />
supplier le saint homme <strong>de</strong> sortir pour leur enjoindre <strong>de</strong> se r<strong>et</strong>irer, <strong>et</strong>, comme il<br />
hésitait à rompre sa sévère clôture, ils brisèrent <strong>la</strong> porte <strong>de</strong> sa cellule <strong>et</strong> l’en<br />
tirèrent <strong>de</strong> force. Alors l’intrépi<strong>de</strong> vieil<strong>la</strong>rd al<strong>la</strong> tranquillement au-<strong>de</strong>vant <strong>de</strong> ces<br />
barbares, <strong>et</strong> leur <strong>de</strong>manda <strong>de</strong> respecter le lieu saint. L’un d’eux, dit<br />
l’hagiographe, tira son g<strong>la</strong>ive <strong>et</strong> voulut l’en frapper ; mais le bras qu’il avait levé<br />
resta immobile, <strong>et</strong> l’arme tomba à terre. Ses compagnons, effrayés, se sauvèrent<br />
aussitôt, regagnant l’armée pour ne pas éprouver le même sort. Le saint eut pitié<br />
<strong>de</strong> leur camara<strong>de</strong> ; il lui frotta le bras d’huile bénite, fit sur lui le signe <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
Nam quadam vice multitudinem Gothorum cum <strong>de</strong>cim viris fugasse prescribitur. Grégoire<br />
fait allusion ici à l’exploit que nous avons raconté plus haut, <strong>et</strong> l’on conviendra que c<strong>et</strong>te<br />
velocitas n’est certes pas celle d’un fuyard.<br />
1 Grégoire <strong>de</strong> Tours, II, 37.<br />
2 Grégoire du Tours, l. c.<br />
3 Ubi multitudo cadaverum colles ex se visa sit erexisse. Fortunatus, Liber <strong>de</strong> virtutibus<br />
sancti Hi<strong>la</strong>rii, 21.<br />
4 V. un épiso<strong>de</strong> tout semb<strong>la</strong>ble dans l’histoire <strong>de</strong> <strong>la</strong> soumission <strong>de</strong> l’Auvergne révoltée<br />
par Thierry Ier, en 532. Pars aliqua, dit Grégoire <strong>de</strong> Tours (Virtul. S. Juliani, c. 13) ab<br />
exercitu separata ad Brivatinsim vicum infesta proripuit. Et ce<strong>la</strong>, bien que Thierry eût<br />
défendu, lui aussi, <strong>de</strong> piller les biens <strong>de</strong> saint Julien. On a, dans les <strong>de</strong>ux cas, un exemple<br />
<strong>de</strong> l’espèce <strong>de</strong> discipline qui régnait dans l’armée franque.