clovis - L'Histoire antique des pays et des hommes de la Méditerranée
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C<strong>et</strong>te l<strong>et</strong>tre, on n’en peut pas douter, provoqua un grandiose mouvement <strong>de</strong><br />
rachat. Tout le <strong>pays</strong> franc fut sillonné <strong>de</strong> mandataires épiscopaux al<strong>la</strong>nt jusque<br />
dans les cantons les plus reculés, soit réc<strong>la</strong>mer <strong><strong>de</strong>s</strong> prisonniers injustement<br />
détenus, soit offrir l’or <strong>de</strong> l’Église pour rendre <strong>la</strong> liberté aux captifs. Il y eut sans<br />
doute <strong><strong>de</strong>s</strong> pré<strong>la</strong>ts qui voulurent faire eux-mêmes leur tournée <strong>de</strong> ré<strong>de</strong>mption,<br />
comme saint Epiphane <strong>de</strong> Pavie, <strong>et</strong> l’on peut croire que plus d’un, se conformant<br />
aux recommandations <strong><strong>de</strong>s</strong> conciles, suivit l’exemple <strong>de</strong> Césaire d’Arles <strong>et</strong> vendit<br />
les vases sacrés <strong>de</strong> son église pour rach<strong>et</strong>er <strong><strong>de</strong>s</strong> chrétiens prisonniers. Nous<br />
savons <strong>de</strong> même, par <strong>la</strong> Vie <strong>de</strong> saint Epta<strong>de</strong>, que ce simple prêtre déploya une<br />
admirable activité dans ce rôle <strong>de</strong> libérateur, <strong>et</strong> qu’il fit tomber les fers d’une<br />
multitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> captifs disséminés dans toutes les provinces1. Ainsi l’Église<br />
marchait sur les pas <strong>de</strong> l’État pour fermer les blessures qu’il avait faites, <strong>et</strong> pour<br />
atténuer par sa charité <strong><strong>de</strong>s</strong> maux qu’elle n’avait pu empêcher.<br />
L’édit que nous venons d’analyser est le seul qui nous reste <strong>de</strong> Clovis : il est<br />
digne d’ouvrir <strong>la</strong> série <strong><strong>de</strong>s</strong> actes officiels <strong>de</strong> <strong>la</strong> monarchie très chrétienne. N’est-il<br />
pas instructif, tout au moins, <strong>de</strong> constater qu’au moment où <strong>la</strong> légen<strong>de</strong> le montre<br />
fendant <strong>la</strong> tête <strong>de</strong> ses proches <strong>et</strong> ourdissant contre eux les plus viles intrigues,<br />
l’histoire authentique nous initie aux nobles préoccupations qui dictent sa<br />
circu<strong>la</strong>ire aux évêques ? Si <strong><strong>de</strong>s</strong> documents <strong>de</strong> ce genre nous avaient été<br />
conservés en plus grand nombre pour le règne <strong>de</strong> Clovis, dans quelle autre<br />
lumière nous apparaîtrait ce personnage, <strong>et</strong> avec quelle n<strong>et</strong>t<strong>et</strong>é supérieure se<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong>sinerait son histoire pleine d’ombres <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong>cunes !<br />
Hâtons-nous d’ajouter, toutefois, que nous possédons encore un autre acte, plus<br />
important <strong>et</strong> plus solennel, utile roi civilisateur s’affirme dans <strong>la</strong> plénitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> son<br />
activité royale, je veux dire les canons du concile d’Orléans, réuni par son ordre<br />
en l’an 511.<br />
L’importance <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te assemblée est considérable. Les conciles, c’était pour<br />
l’Église l’instrument par excellence <strong>de</strong> gouvernement <strong>et</strong> <strong>de</strong> légis<strong>la</strong>tion. Après les<br />
guerres, les invasions, les conquêtes, l’établissement définitif <strong><strong>de</strong>s</strong> Visigoths au<br />
sud <strong>et</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> Francs au nord, après tant <strong>de</strong> troubles <strong>et</strong> <strong>de</strong> désordres qui avaient<br />
ébranlé les assises <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie publique, il était temps que l’Église <strong><strong>de</strong>s</strong> Gaules se<br />
ressaisît. Le concile d’Orléans marque le r<strong>et</strong>our d’une vitalité régulière <strong>et</strong><br />
tranquille dans ce grand corps, dont l’organe principal recommence à fonctionner<br />
librement. En renouant <strong>la</strong> chaîne <strong>de</strong> <strong>la</strong> tradition conciliaire, l’épiscopat franc<br />
faisait œuvre <strong>de</strong> régénération sociale <strong>et</strong> politique à <strong>la</strong> fois.<br />
Le concile d’Orléans n’eut pas le caractère <strong><strong>de</strong>s</strong> conciles ordinaires qui se<br />
réunissaient périodiquement, en conformité <strong><strong>de</strong>s</strong> canons, autour d’un même<br />
métropolitain. En d’autres termes, ce ne fut pas un concile provincial, mais un<br />
concile national, auquel furent convoqués tous les évêques suj<strong>et</strong>s <strong>de</strong> Clovis, <strong>et</strong><br />
qui délibéra sur les intérêts religieux <strong>de</strong> tout le royaume franc.<br />
On ne s’étonnera pas <strong>de</strong> voir, dans une assemblée purement religieuse, les<br />
groupements se faire selon les cadres <strong>de</strong> l’administration civile. La hiérarchie<br />
ecclésiastique n’y répugnait pas, trouvant un surcroît d’autorité dans le caractère<br />
national que prenaient par là ses délibérations. Le concile d’Ag<strong>de</strong>, réuni en 506<br />
autour <strong>de</strong> saint Césaire d’Arles, avait été, lui aussi, un concile national du<br />
royaume visigoth, <strong>et</strong> <strong>de</strong> même celui qui, en 517, <strong>de</strong>vait se tenir à Épaone,<br />
rassemb<strong>la</strong> autour <strong>de</strong> saint Avitus tout l’épiscopat du royaume burgon<strong>de</strong>.<br />
1 Voir ci-<strong><strong>de</strong>s</strong>sus.