clovis - L'Histoire antique des pays et des hommes de la Méditerranée
clovis - L'Histoire antique des pays et des hommes de la Méditerranée
clovis - L'Histoire antique des pays et des hommes de la Méditerranée
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
un danger, furent pendant <strong><strong>de</strong>s</strong> siècles l’une <strong><strong>de</strong>s</strong> meilleures ressources <strong>de</strong><br />
l’Empire. Mais leur départ ne sou<strong>la</strong>geait pas suffisamment les nations gonflées<br />
par l’afflux incessant <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie. Elles débordaient les unes sur les autres, <strong>et</strong> elles<br />
semb<strong>la</strong>ient se pousser mutuellement au <strong>de</strong>là du fleuve, <strong>de</strong>rrière lequel veil<strong>la</strong>it<br />
l’inquiète sollicitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> politique romaine.<br />
Passons-les en revue au moment où elles occupent encore, sur <strong>la</strong> rive barbare,<br />
leurs <strong>de</strong>rniers cantonnements <strong>de</strong> Germanie. Elles nous présentent, en quelque<br />
sorte à l’état atomique, les éléments qui se combineront bientôt pour former par<br />
leur réunion <strong>la</strong> plus gran<strong>de</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> nationalités mo<strong>de</strong>rnes. Le moment est unique<br />
pour faire c<strong>et</strong>te étu<strong>de</strong>. Lorsque nous les r<strong>et</strong>rouverons <strong>de</strong> ce côté-ci du fleuve,<br />
elles se seront fusionnées d’une manière si intime, que leurs diverses<br />
individualités nationales auront entièrement disparu.<br />
Le premier <strong>de</strong> ces peuples que nous rencontrons en partant <strong>de</strong> l’Océan, ce sont<br />
les fiers <strong>et</strong> belliqueux Bataves, établis dans l’île longue <strong>et</strong> étroite que forme le<br />
Rhin en se bifurquant au-<strong><strong>de</strong>s</strong>sous <strong>de</strong> Nimègue. On les disait <strong><strong>de</strong>s</strong>cendus <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
gran<strong>de</strong> nation <strong><strong>de</strong>s</strong> Chattes, les plus redoutables <strong><strong>de</strong>s</strong> barbares. Ils en avaient<br />
gardé <strong>la</strong> bravoure, <strong>et</strong> Tacite les p<strong>la</strong>ce sous ce rapport au premier rang <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
peuples germaniques1. Il n’y avait pas <strong>de</strong> nageurs plus intrépi<strong><strong>de</strong>s</strong> ni <strong>de</strong> plus<br />
adroits cavaliers2. Ils fournissaient dix mille <strong>hommes</strong> <strong>de</strong> troupes auxiliaires aux<br />
armées romaines, <strong>et</strong> leur valeur était tellement appréciée, qu’on a vu dés légions<br />
refuser <strong>de</strong> combattre sans eux. Leur fidélité éga<strong>la</strong>it d’ailleurs leur bravoure : c’est<br />
parmi eux que les empereurs avaient l’habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> recruter leur gar<strong>de</strong> du corps.<br />
Une fois, le dévouement <strong><strong>de</strong>s</strong> Bataves à l’Empire avait branlé, <strong>et</strong> il en était résulté<br />
une secousse formidable ; ce fut quand un personnage princier <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te nation,<br />
Civilis, imagina <strong>de</strong> nouer contre Rome <strong>la</strong> plus ancienne <strong><strong>de</strong>s</strong> ligues germaniques.<br />
Mais, ce moment d’oubli passé, le peuple batave re<strong>de</strong>vint le constant <strong>et</strong> soli<strong>de</strong><br />
appui <strong>de</strong> l’autorité romaine sur le Rhin, <strong>et</strong> c’est principalement à sa fidélité<br />
qu’elle dut <strong>de</strong> pouvoir s’y maintenir environ quatre siècles.<br />
En arrière <strong><strong>de</strong>s</strong> Bataves, <strong>et</strong> aussi vail<strong>la</strong>nts, mais moins nombreux, venaient les<br />
Caninéfates, répandus le long <strong><strong>de</strong>s</strong> rivages <strong>de</strong> <strong>la</strong> Hol<strong>la</strong>n<strong>de</strong>3 ; eux aussi ils<br />
vécurent, du moins pendant le premier siècle, dans <strong>la</strong> zone d’influence <strong>de</strong><br />
Rome4. Leurs voisins septentrionaux, les Frisons, avaient une condition<br />
semb<strong>la</strong>ble : ils payaient <strong><strong>de</strong>s</strong> tributs en peaux <strong>de</strong> bœufs à l’Empire <strong>et</strong> ils lui<br />
fournissaient <strong><strong>de</strong>s</strong> soldats5. Mais, s’ils le servaient, c’était en alliés <strong>et</strong> non en<br />
suj<strong>et</strong>s. Pauvres mais fiers, ils ne tremb<strong>la</strong>ient pas <strong>de</strong>vant le colosse romain, <strong>et</strong><br />
leurs ambassa<strong>de</strong>urs, en arrivant pour <strong>la</strong> première fois dans <strong>la</strong> capitale du mon<strong>de</strong>,<br />
ne s’y <strong>la</strong>issèrent pas déconcerter par l’aveug<strong>la</strong>nte splen<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> <strong>la</strong> civilisation.<br />
Aux jeux <strong>de</strong> l’amphithéâtre, voyant <strong>de</strong>vant eux <strong><strong>de</strong>s</strong> p<strong>la</strong>ces d’honneur qui ne leur<br />
avaient pas été offertes, ils allèrent hardiment les occuper6. Après qu’ils eurent<br />
brisé le léger lien qui les rattachait à l’Empire, les Frisons ne voulurent pas être<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> curée lorsque les barbares se partagèrent ses dépouilles, <strong>et</strong> ils ne quittèrent<br />
pas les ru<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>et</strong> libres rivages <strong>de</strong> l’Océan germanique. Aucun peuple barbare<br />
n’est resté plus fidèle aux mœurs primitives <strong>et</strong> à <strong>la</strong> première ‘patrie : lorsqu’au<br />
1 Tacite, Germania, 29.<br />
2 Id., Histor., IV, 12 ; Dion Cassius, Epit., LXIX, 9 ; cf. Tacite, Annal., II, 11.<br />
3 Leur nom parait subsister dans celui du Kennemer<strong>la</strong>nd, qui est celui d’une région <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
Hol<strong>la</strong>n<strong>de</strong> septentrionale.<br />
4 Tacite, Histor., IV, 15.<br />
5 Tacite, Annal., IV, 72 ; German., c. 34.<br />
6 Tacite, Annal., XIII, 54.