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clovis - L'Histoire antique des pays et des hommes de la Méditerranée

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le vanter <strong>et</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> chanceliers pour parler en son nom le <strong>la</strong>ngage imposant <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

civilisation romaine. Tant qu’il vécut, il n’y eut pas <strong>de</strong> plus grand nom que le<br />

sien, ni <strong>de</strong> plus redouté. Sa cour, qu’il tenait alternativement à Bor<strong>de</strong>aux1 <strong>et</strong> à<br />

Toulouse2, <strong>et</strong> qu’il transporta enfin à Arles3 dans sa nouvelle conquête, était le<br />

ren<strong>de</strong>z-vous <strong><strong>de</strong>s</strong> ambassa<strong>de</strong>urs <strong>de</strong> tous les peuples. Les Francs <strong>et</strong> les Saxons s’y<br />

rencontraient avec les Hérules <strong>et</strong> les Burgon<strong><strong>de</strong>s</strong> ; les Ostrogoths y coudoyaient<br />

les Huns, <strong>et</strong> les envoyés <strong>de</strong> Rome, qui venaient <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r <strong><strong>de</strong>s</strong> soldats pour<br />

défendre l’Empire, étaient étonnés d’y trouver les députations du roi <strong><strong>de</strong>s</strong> Perses,<br />

qui offraient au puissant barbare l’alliance du <strong><strong>de</strong>s</strong>pote d’Orient4. Les ca<strong>de</strong>aux <strong>et</strong><br />

les secours d’Euric prenaient souvent le chemin <strong>de</strong> <strong>la</strong> vieille Germanie, <strong>et</strong> bien<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> fois <strong>la</strong> terreur <strong>de</strong> son nom suffit pour y protéger ses amis contre les attaques<br />

<strong>de</strong> leurs voisins5.<br />

Toutefois, c<strong>et</strong>te domination ne sut pas prendre racine dans les peuples sur<br />

lesquels elle s’étendait. Conquérants, les Visigoths le restèrent toujours, même<br />

après que les jours <strong>de</strong> <strong>la</strong> conquête furent passés. Ils ne cessèrent <strong>de</strong> se<br />

considérer comme un peuple <strong>de</strong> militaires campés au milieu d’une popu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong><br />

civils qu’il fal<strong>la</strong>it tenir en respect. Ils ne se préoccupèrent pas <strong>de</strong> rendre leur<br />

autorité acceptable, se contentant qu’elle fût soli<strong>de</strong>, <strong>et</strong> oubliant qu’elle avait<br />

besoin pour ce<strong>la</strong> d’être popu<strong>la</strong>ire. Ils étalèrent au milieu <strong>de</strong> ces Romains<br />

d’humeur paisible, <strong>et</strong> qui ne <strong>de</strong>mandaient qu’à faire bon accueil à leurs maîtres<br />

nouveaux, <strong>la</strong> morgue <strong>et</strong> l’insolence du traîne-sabre à qui <strong>la</strong> conscience <strong>de</strong> sa<br />

supériorité ne suffit pas, tant qu’il ne l’a pas affirmée par quelque signe bien<br />

visible, par quelque manifestation bien blessante. Ils semb<strong>la</strong>ient affecter, par<br />

leur fidélité à leurs coutumes nationales au milieu <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie romaine, d’accentuer<br />

encore l’écart qu’il eût fallu dissimuler. A <strong>la</strong> cour <strong>de</strong> Bor<strong>de</strong>aux, l’étiqu<strong>et</strong>te ne<br />

perm<strong>et</strong>tait pas au roi <strong>de</strong> répondre ; autrement que dans sa <strong>la</strong>ngue gothique aux<br />

envoyés impériaux6. Il pouvait y avoir danger pour lui à s’affranchir trop<br />

ouvertement <strong><strong>de</strong>s</strong> préjugés <strong>de</strong> sa nation : tel d’entre eux, comme Ataulf, avait<br />

payé <strong>de</strong> sa vie son mariage avec une princesse romaine <strong>et</strong> son engouement pour<br />

le mon<strong>de</strong> impérial. Rien d’instructif à lire comme <strong>la</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong>cription, tracée par un<br />

contemporain, d’une assemblée générale <strong><strong>de</strong>s</strong> Visigoths en armes pour délibérer<br />

sur les affaires publiques : on se croirait transporté dans les forêts d’outre-Rhin<br />

par le tableau <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te réunion tumultueuse <strong>de</strong> guerriers vêtus <strong>de</strong> peaux <strong>de</strong><br />

bêtes, <strong>et</strong> l’on est étonné <strong>de</strong> rencontrer sous le ciel bleu <strong>de</strong> Toulouse les scènes<br />

qu’on a lues dans <strong>la</strong> Germanie <strong>de</strong> Tacite7.<br />

Mais les popu<strong>la</strong>tions romaines avaient appris à supporter beaucoup. Amoureuses<br />

avant tout <strong>de</strong> <strong>la</strong> paix, <strong>et</strong> <strong>la</strong> croyant garantie par <strong>la</strong> présence <strong>de</strong> leurs nouveaux<br />

maîtres, elles ne se p<strong>la</strong>ignaient pas d’eux. Sans les aimer, elles s’habituaient à<br />

eux comme à un mal nécessaire. N’étaient-ils pas là <strong>de</strong> par <strong>la</strong> volonté <strong>de</strong><br />

l’empereur, avec un titre légitime, <strong>et</strong> avec <strong>la</strong> mission <strong>de</strong> défendre le <strong>pays</strong> ? Ces<br />

1 Sidoine Apollinaire, Epist., VIII, 3 <strong>et</strong> 9.<br />

2 Id., Ibid., IV, 22.<br />

3 Jordanès, c. 47.<br />

4 Sidoine Apollinaire, Epist., VIII, 9.<br />

5 Cassiodore, Variar., III, 3 : Recolite namque Eurici senioris affectum, quantis vos juvit<br />

siepe muneribus, quotiens a vobis proximarum gentium imminentia bel<strong>la</strong> suspendit.<br />

6 Ennodius, Vita sancti Epiphanii ; cf. Fauriel, I, 530.<br />

7 Sidoine Apollinaire, Carm., VII, 452 <strong>et</strong> suiv. Je suis d’ailleurs convaincu que c<strong>et</strong><br />

écrivain, ami <strong><strong>de</strong>s</strong> amplifications oratoires <strong>et</strong> poétiques, a notablement accentué le<br />

caractère barbare <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te assemblée.

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