clovis - L'Histoire antique des pays et des hommes de la Méditerranée
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souverains pontifes est on jeu, sa voix s’élève <strong>et</strong> vibre d’une émotion<br />
communicative. Il salue dans <strong>la</strong> papauté <strong>la</strong> tête du genre humain incarné dans<br />
l’Église universelle, l’institution provi<strong>de</strong>ntielle qui prési<strong>de</strong> aux <strong><strong>de</strong>s</strong>tinées <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
civilisation. Mais l’Église, pour lui, ne se borne pas au clergé <strong>et</strong> aux évêques :<br />
l’Église, selon sa magnifique expression, doit être le souci commun <strong>de</strong> tous les<br />
fidèles1. La m<strong>et</strong>tre partout <strong>et</strong> tout ramener à elle, voilà le programme d’Avitus,<br />
<strong>et</strong> sa vie entière a été consacrée à le réaliser. Avec l’ar<strong>de</strong>ur sacrée <strong>de</strong> l’apôtre <strong>et</strong><br />
l’habil<strong>et</strong>é consommée du diplomate, il se fait le champion, l’avocat, l’interprète<br />
<strong>de</strong> l’Église auprès <strong>de</strong> ce mon<strong>de</strong> bizarre <strong>et</strong> nouveau qui l’entoure <strong>et</strong> qui cherche sa<br />
voie. Il n’attend pas qu’on vienne à elle ; il ne s’enferme pas dans l’orgueil <strong>de</strong><br />
son sang <strong>de</strong> patricien, il va aux barbares, il va aux hérétiques, il se fait l’ami <strong>de</strong><br />
l’arien Gon<strong>de</strong>baud, dont il gagne le respect, <strong>de</strong> son fils Sigismond, qu’il convertit,<br />
<strong>de</strong> Clovis, à qui il envoie ses félicitations avec ses encouragements. Il a le<br />
pressentiment <strong><strong>de</strong>s</strong> gran<strong><strong>de</strong>s</strong> choses qui vont se faire par les barbares, <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />
l’ordre nouveau qui va surgir <strong><strong>de</strong>s</strong> ruines <strong>de</strong> l’antiquité. Lui-même, qui a passé par<br />
les écoles <strong><strong>de</strong>s</strong> rhéteurs, <strong>et</strong> qui a gardé, dans sa prose, l’empreinte <strong>de</strong> leur<br />
enseignement, il sait, quand il le faut, renoncer aux thèmes usés <strong>et</strong> frivoles <strong>de</strong><br />
l’ancienne littérature qui séduisent encore un Sidoine, pour chanter, avec un<br />
souffle digne <strong>de</strong> Milton, <strong>la</strong> création du mon<strong>de</strong> <strong>et</strong> <strong>la</strong> chute <strong><strong>de</strong>s</strong> premiers humains.<br />
Avitus est déjà une physionomie mo<strong>de</strong>rne, autant par l’é<strong>la</strong>n hardi <strong>de</strong> son<br />
intelligence vers l’avenir, que par les hautes préoccupations qui visitent son âme<br />
<strong>de</strong> chrétien <strong>et</strong> <strong>de</strong> pontife. Il est très intéressant <strong>de</strong> savoir que c<strong>et</strong> illustre<br />
représentant <strong>de</strong> l’Église catholique chez les Burgon<strong><strong>de</strong>s</strong> était en re<strong>la</strong>tions<br />
épisto<strong>la</strong>ires avec saint Remi, le patron spirituel <strong>de</strong> Clovis2. La Provi<strong>de</strong>nce, qui a<br />
rapproché les noms <strong>et</strong> l’activité <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux grands <strong>hommes</strong>, leur a cependant<br />
assigné une <strong><strong>de</strong>s</strong>tinée bien différente. L’un disparaît presque dans <strong>la</strong> pénombre <strong>de</strong><br />
l’histoire, <strong>de</strong>rrière l’ampleur magnifique <strong>de</strong> l’œuvre à <strong>la</strong>quelle il se voua ; l’autre,<br />
<strong>de</strong>bout sur les ruines d’une nationalité qu’il n’a pu sauver, semble à première vue<br />
un génie trahi par <strong>la</strong> fortune, <strong>et</strong> qui survit à ses travaux. Mais non : si l’édifice<br />
politique du royaume burgon<strong>de</strong> a croulé, l’arianisme seul a été écrasé dans sa<br />
chute, <strong>et</strong> les Burgon<strong><strong>de</strong>s</strong>, rentrés dans l’unité catholique, ont survécu comme<br />
nation à <strong>la</strong> catastrophe <strong>de</strong> leur dynastie. L’aposto<strong>la</strong>t d’Avitus n’a donc pas été<br />
stérile, car nul n’a plus contribué que lui à ce grand résultat.<br />
Combien apparaît vaine <strong>et</strong> fausse, pour qui a contemplé <strong>de</strong> près c<strong>et</strong>te noble<br />
physionomie d’évêque, <strong>la</strong> supposition <strong>de</strong> certains historiens qui veulent que ce<br />
grand patriote fût, au moins par l’intention, un traître envers son peuple <strong>et</strong> son<br />
roi, <strong>et</strong> qu’il ait en secr<strong>et</strong> désiré <strong>la</strong> domination franque ! Ni l’ar<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> son zèle<br />
catholique, ni les termes enthousiastes dans lesquels il s’adresse à Clovis<br />
converti, ne donnent le droit <strong>de</strong> proférer contre lui une accusation aussi<br />
injurieuse. S’il se réjouit du baptême <strong>de</strong> Reims, c’est qu’il ne reste étranger à<br />
rien <strong>de</strong> ce qui intéresse le royaume <strong>de</strong> Dieu. Sa vaste correspondance le montre<br />
s’associant avec <strong>la</strong> même chaleur <strong>de</strong> sentiment à toutes les causes catholiques.<br />
Nulle part dans le mon<strong>de</strong> il n’entend un cri <strong>de</strong> joie ou <strong>de</strong> douleur sortir du sein <strong>de</strong><br />
1 Non ad solos sacerdotes Ecclesiæ pertin<strong>et</strong> status ; cunctis fi<strong>de</strong>libus sollicitudo ista<br />
communis est. S. Avitus, Epist., 36.<br />
2 Flodoard, Hist. rem., III, 21 (éd. Lejeune). Il est vrai que M. Schroers (Hinkmar,<br />
Erzbischof von Reims, p. 452) suppose que Hincmar, qui nous apprend l’existence d’une<br />
l<strong>et</strong>tre d’Avitus à Remi (Flodoard, l. c.), a confondu avec <strong>la</strong> l<strong>et</strong>tre d’Avitus à Clovis, <strong>et</strong> que,<br />
selon M. Krusch (Neues Archiv., XX, p. 515), c<strong>et</strong>te confusion est manifeste. Mais je ne<br />
voudrais pas me porter garant <strong>de</strong> <strong>la</strong> conjecture <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux érudits.