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Les mondes darwiniens

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105 / 1576<br />

[philippe h u n e man / sélection]<br />

sur quoi doit porter l’héritabilité : la fitness ou les phénotypes ? Lewontin 40<br />

disait « la fitness », Endler 41 corrige par « les traits », ce qui semble plus correct<br />

(apparemment, celle des traits implique celle de la fitness), mais en fait<br />

chacune des deux options définit des cas légitimes de sélection 42 .<br />

Il existe en fait une autre formulation extrêmement générale de la sélection<br />

naturelle. Dans Le Gène égoïste, Dawkins 43 brossait le tableau d’une sélection<br />

toute puissante, des molécules à la culture. L’évolution biologique est la plus<br />

facile à comprendre, parce qu’elle repose sur le gène dont nous concevons<br />

comment il commande l’hérédité. Elle sert de paradigme pour analyser la<br />

façon dont les autres domaines sont soumis eux aussi à des processus de<br />

sélection. Dawkins appelle les gènes des réplicateurs, car leur propriété fondamentale<br />

est de se répliquer à peu près à l’identique lors de la mitose et de<br />

la méiose, ce qui fait d’eux les supports de l’hérédité. <strong>Les</strong> autres domaines<br />

d’évolution doivent avoir eux aussi leurs réplicateurs. <strong>Les</strong> organismes, eux, ne<br />

sont que les « véhicules » de ces réplicateurs. Développant cette idée, Hull 44 a<br />

proposé de concevoir les entités impliquées dans la sélection comme relevant<br />

de deux classes : les réplicateurs et les interacteurs. La nature de la sélection<br />

apparaît alors clairement : il s’agit de la réplication différentielle des réplicateurs<br />

en fonction des interactions des interacteurs. Prenons les cas usuels de<br />

sélection : des organismes se reproduisent plus que d’autres, en fonction de<br />

certains de leurs traits ; les gènes qui codent pour ces traits augmentent ou<br />

diminuent en fréquence, et progressivement le pool de gènes voit sa physionomie<br />

se transformer. Ce qui autorise à parler de sélection, ici, c’est certes que<br />

les réplicateurs subissent des changements de fréquence, mais aussi que ce<br />

changement est dû à ce qui se passe au niveau des organismes (succès dans la<br />

quête de ressources, de partenaires, etc.), à savoir des interactions au terme<br />

desquelles certains ont plus de descendants que d’autres. La formule de Hull<br />

saisit bien cette caractéristique de la sélection naturelle, d’être un processus<br />

qui se joue sur deux plans différents. Par ailleurs, elle autorise à généraliser la<br />

sélection naturelle à de nombreux cas : ainsi, si le plus souvent les gènes sont<br />

40. Lewontin (1970), “Units of Selection”, Annual Review of Ecology and Systematics,<br />

1 @.<br />

41. Endler (1986), Natural selection in the wild, Princeton UP @.<br />

42. Godfrey-Smith 2007), “Conditions for Evolution by Natural Selection” @, Journal<br />

of Philosophy, 104.<br />

43. Dawkins (1976), The selfish gene, Oxford UP @.<br />

44. Hull (1980), “Individuality and selection”, Ann. Rev. Ecol. System., 11 @.

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