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Les mondes darwiniens

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[les mon des <strong>darwiniens</strong>]<br />

Il est d’usage, parmi les philosophes de l’esprit, de la psychologie et des<br />

sciences sociales, d’opposer les explications fondées sur la biologie à celles<br />

qui sont simplement issues de la psychologie populaire. Ce clivage, bien établi<br />

dans les cercles philosophiques, semblera peut-être étrange aux sociologues<br />

et aux biologistes. Qu’est-ce donc qu’une explication en termes de « psychologie<br />

populaire » ? C’est une explication qui cite les désirs et les croyances<br />

des agents. Ces croyances et ces désirs sont conçus comme étant des états<br />

représentationnels internes, dont la combinaison amène à un certain comportement.<br />

Toute explication, en sciences sociales, qui se réfère au fait qu’une<br />

personne veuille quelque chose, ou qu’elle se croie capable de faire cette chose<br />

relève en fait de la psychologie populaire. D’après moi, les ressources d’un<br />

tel type d’explications sont largement surestimées. À l’inverse, il me semble<br />

qu’une très grande partie des comportements humains doit pouvoir s’expliquer<br />

en termes biologiques, sans invoquer le moindre état doté de contenus<br />

représentationnels.<br />

La thèse que je défends est la suivante : les explications biologiques du<br />

comportement humain ne devraient faire appel à des mécanismes cognitifs<br />

qu’en dernier ressort, et mettre en réserve le registre des désirs et des croyances,<br />

tant que toutes les explications en termes d’hormones, de génétique, de<br />

phéromones, etc., n’ont pas été épuisées. Il vaut de noter, pour aller dans ce<br />

sens, qu’une grande partie de notre répertoire comportemental a pour base<br />

des comportements hérités d’autres animaux ; or, nous ne mobilisons pas<br />

de mécanismes cognitifs complexes pour rendre compte de ces comportements<br />

animaux. La plupart du temps, les conduites humaines ont des causes<br />

proximales 3 non cognitives, que la biologie du comportement a pour tâche<br />

d’identifier.<br />

Je revendique donc, en ce qui me concerne, des explications des conduites<br />

humaines fondées sur la biologie. Tous les domaines de comportements<br />

humains ne sont peut-être pas redevables sans exception de telles explications,<br />

3. L’éthologue Niko Tinbergen précise que l’étude biologique d’un comportement<br />

n’est complète que dans la mesure où l’on peut en expliquer (a) les causes proximales,<br />

(b) l’ontogénie, (c) la phylogénie et (d) la valeur de survie (“On Aims and<br />

Methods of Ethology” @, Zeitschrift für Tierpsychologie, 20, 1963 : 410-433). <strong>Les</strong><br />

causes proximales sont les éléments responsables de l’expression immédiate d’un<br />

comportement. Par exemple, les stimuli émis par la nourriture peuvent agir en<br />

déclencheurs externes de l’alimentation alors que l’état physiologique de l’animal,<br />

son état hormonal, son horloge biologique et son expérience récente peuvent se<br />

conjuguer pour agir comme autant de déclencheurs internes. (Ndt.)

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