22.06.2013 Views

Les mondes darwiniens

Les mondes darwiniens

Les mondes darwiniens

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

343 / 1576<br />

[stéphan e t i r a r d / v i e]<br />

2 <strong>Les</strong> x i x e et x x e siècles et l’historicisation de la vie<br />

Au xixe siècle, les sciences de la vie sont marquées par le développement<br />

de la pensée évolutionniste. L’œuvre de Darwin correspond à un tournant<br />

en révélant certaines modalités de l’historicité du vivant et elle s’associe à<br />

l’abandon des générations spontanées pour imposer le cadre d’une réflexion<br />

nouvelle sur les origines de la vie.<br />

2.1 Le temps de la Terre et le temps de la vie<br />

Comme cela a été souligné plus haut, une part importante de la pensée<br />

théorique de Buffon est fondée sur les molécules organiques, mais son ambition<br />

d’expliquer la vie dans une théorie plus globale s’affirmera plus clairement<br />

dans les « Époques de la Nature » (1779), dans lesquelles Buffon inscrit l’histoire<br />

de la Terre dans un temps sagittal, s’appuyant sur l’irréversibilité imposée<br />

par le refroidissement du globe. Une fois son refroidissement suffisant, la Terre,<br />

au cours d’une période de grande fertilité, a porté des molécules organiques<br />

en très grande quantité et elles furent à l’origine de générations spontanées.<br />

<strong>Les</strong> espèces ainsi produites restant ensuite fidèles à leurs moules intérieurs<br />

originels.<br />

Buffon inscrit donc la vie dans le temps de la Terre, mais sans introduire<br />

dans sa conception de la vie la notion de changement irréversible au cours<br />

du temps qu’il applique au globe. En effet, cela a été souvent dit, et il faut le<br />

répéter, Buffon ne concevait aucune forme d’évolution pour le vivant. Lorsqu’il<br />

proposa une histoire sagittale de la Terre, il n’en maintint pas moins l’espèce<br />

comme un cadre fixe au sein duquel des variations, éventuellement réversibles,<br />

étaient possibles mais qui en rien ne conduisaient à un passage d’une espèce<br />

à l’autre. <strong>Les</strong> générations spontanées sont donc pour Buffon une étape de<br />

mise en place des prototypes des espèces et il ne les décrit pas, il les justifie<br />

simplement par la grande fertilité de la Terre.<br />

Légèrement postérieure, mais restée en partie inédite à l’époque, la réflexion<br />

de Diderot sur le vivant montre une approche différente de celle de Buffon,<br />

qui l’a pourtant influencé. Le philosophe s’intéresse aux changements dont le<br />

vivant a dû être sujet, mais néglige le cadre géologique. Sa pensée, mise en<br />

forme dans le Rêve de d’Alembert @, est également formulée dans des notes<br />

non publiées de son vivant qui constituent ses Éléments de physiologie et dont<br />

la première partie s’ouvre par ses mots : « La nature n’a fait qu’un très petit<br />

nombre d’êtres qu’elle a variés à l’infini, peut-être qu’un seul par combinaison,

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!