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Les mondes darwiniens

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[les mon des <strong>darwiniens</strong>]<br />

thèse déjà acquise a priori. Alors que la recherche de processus hétérochroniques,<br />

dont la néoténie, est soumise à des critères scientifiques précis et à des<br />

hypothèses réfutables, on retrouve la néoténie dans des acceptions erronées<br />

pour renforcer une thèse toute orientée vers son autojustification, sans se<br />

soucier de sa réfutation.<br />

On touche là à l’une des apories les plus tenaces de l’anthropologie et de<br />

la philosophie hantées par le statut ontologique de l’exception humaine. Car,<br />

ne pouvant nier l’être biologique, les tenants de l’exception humaine s’efforcent<br />

de faire de l’Homme ce que Heidegger appelle un « animal plus ». Le<br />

philosophe a très bien perçu l’aporie qui menace l’ontologie : si on donne un<br />

critère objectif susceptible de dégager l’Homme de l’animal, les scientifiques<br />

matérialistes s’en saisiront, avec le risque évident qu’ils finissent par trouver ce<br />

qu’ils cherchent. Hier, la glande pinéale de Descartes ou le module spécifique<br />

du cerveau d’Owen au moment de la guerre du gorille en 1851, aujourd’hui le<br />

gène foxp2 pour le langage ou la flexion de l’os sphénoïde de la base du crâne.<br />

Notons avec lucidité cette incroyable contradiction des penseurs dualistes – les<br />

partisans de la séparation entre le corps et l’esprit avec pour corollaire la césure<br />

homme/animal et nature/culture – qui s’évertuent à trouver un fondement<br />

biologique à la distinction ontologique de l’Homme ! Plus surprenant encore,<br />

ce sont les mêmes qui lancent les anathèmes d’anthropomorphisme et de<br />

réductionnisme quand quelques paléoanthropologues et éthologues mettent<br />

en évidence les ressemblances comportementales, sociales et cognitives<br />

entres les hommes et les grands singes ! Enfin, comment peut-on prétendre<br />

continuer à penser une métaphysique de l’Homme en recherchant un fondement<br />

dans l’anthropologie physique ?<br />

<strong>Les</strong> dualistes se trouvent confrontés à une alternative simple : ou se réfugier<br />

dans l’exception philosophique – la « clairière ontologique » de Heidegger –<br />

en déclarant une « immunité épistémique » à l’encontre des autres champs<br />

des connaissances ; ou repenser leur réflexion ontologique à la lumière des<br />

avancées des connaissances.<br />

Faut-il le rappeler, les avancées des connaissances en science, et donc en<br />

paléoanthropologie et en éthologie, ni visent pas à nier l’Homme. Ces recherches<br />

se détachent de toute réflexion métaphysique ou théologique. Ces<br />

connaissances sont des « faits passifs » dans le champ des sciences, mais qui<br />

ne le sont plus hors du périmètre des sciences. Autrement dit, si la mise en<br />

évidence de nouvelles connaissances découle du doute méthodologique de<br />

la démarche scientifique et, autant que possible, du principe de réfutation à

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