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Les mondes darwiniens

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[t h o m a s h e a m s / de quoi la b iolog i e synthétiqu e est-elle le nom ?]<br />

ne saurait exiger plus de la part d’étudiants qui y consacrent talent et énergie<br />

pendant une période préparatoire limitée (le concours est annuel), mais on ne<br />

saurait à l’inverse admettre que les « preuves de principe » fournies pendant le<br />

concours soient une nouvelle manière de valider un résultat scientifique. Cela<br />

laisse la porte ouverte à un accaparement de certains projets et il semble à ce<br />

stade que des garde-fous supplémentaires, qui iraient peut-être à l’encontre<br />

de la séduisante fluidité de la démarche, soient nécessaires pour protéger les<br />

étudiants eux-mêmes de toute récupération déloyale de leurs propositions par<br />

des tiers. Par ailleurs, le succès fulgurant du concours iGEM place de facto le<br />

répertoire BioBricks en situation de monopole de « répertoire du vivant ». Il<br />

n’est pas forcément indispensable de se réjouir de cette situation.<br />

À bien y réfléchir, comment d’ailleurs concilier indéfiniment cette version<br />

ludique et transparente de la biologie synthétique avec les mouvements de<br />

fond en cours développés par d’autres pour pouvoir en privatiser les résultats<br />

et en tirer les bénéfices ? Il faut ici prendre conscience d’une des raisons derrière<br />

le succès de la description « modulaire » du vivant : s’il peut être réduit<br />

en briques, alors chaque brique peut faire l’objet d’un business ! On comprend<br />

ainsi mieux la floraison de start-ups monothématiques levant des fonds dans<br />

l’espoir de développer de bout en bout une bactérie synthétique répondant à<br />

tel ou tel besoin. Là encore, cela rappelle singulièrement l’essor des start-ups<br />

lors de l’explosion de l’internet domestique à la fin des années 1990, et dont<br />

l’écrasante majorité repose désormais dans le cimetière des marchés non<br />

trouvés en temps et en heure. Cela expliquera peut-être que le discours sur la<br />

complexité du vivant et l’illusion de sa modularité ait du mal à passer dans les<br />

temps à venir. Mais à ne pas le tenir, la communauté biologique abdiquerait<br />

d’une certaine manière face aux intérêts financiers et aux espoir de brevetabilité.<br />

En effet, une prospective est déjà en cours sur les différents cas de<br />

figures qui pourraient survenir dans l’univers économique de la biologie synthétique,<br />

se concluant par la victoire d’un format soit ouvert, soit propriétaire,<br />

avec des conséquences radicalement différentes, et simulant les relations que<br />

pourraient avoir entre elles les différentes start-ups : coexistence, symbiose,<br />

prédation 100 . Voilà revenir par la bande des relations écologiques classiques<br />

déclinées dans le contexte de la jungle économique. Ce n’est pas rassurant,<br />

là où l’on préférerait les voir cantonnées à leur strict domaine d’application.<br />

100. Henkel & Maurer (2007), “The economics of synthetic biology”, Mol. Syst. Biol.,<br />

3 @.

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