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Les mondes darwiniens

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3.3 Un monde ARN ?<br />

351 / 1576<br />

[stéphan e t i r a r d / v i e]<br />

En 1986, la réflexion sur les origines de la vie fut le cadre d’une proposition<br />

novatrice. Constatant les propriétés autocatalytiques de certains ARN,<br />

Walter Gilbert 33 proposa l’idée d’un monde ARN primordial qui aurait précédé<br />

le monde ADN. Il énonce lui-même une série d’arguments en faveur<br />

de sa théorie. <strong>Les</strong> propriétés autocatalytiques de l’ARN rendent les protéines<br />

enzymatiques inutiles au commencement de l’évolution. L’auto-insertion d’introns<br />

34 et l’existence de transposons 35 permettent une forme de recombinaison<br />

et constituent les mécanismes d’une évolution moléculaire. <strong>Les</strong> mêmes<br />

transposons préfigurent une forme de reproduction sexuée. <strong>Les</strong> erreurs de<br />

copie des molécules autoréplicatives sont une forme de mutation constituant<br />

également un mécanisme d’évolution. Enfin, la réplication se déroule grâce au<br />

prélèvement dans « la soupe de nucléotides ».<br />

Cette proposition avait le mérite de dépasser définitivement le problème<br />

dans lequel la molécule informationnelle, l’ADN, et les catalyseurs, les protéines,<br />

se disputaient la place de molécule originelle, bien qu’étant dépendantes<br />

les unes des autres. L’ARN, longtemps relégué au rang de simple intermédiaire,<br />

devenait cette molécule originelle, ce qui permit la formulation d’un scénario<br />

complet : la première étape met en jeu des mécanismes évolutifs grâce aux<br />

recombinaisons et mutations de l’ARN ; la deuxième consiste en la synthèse<br />

de protéines, l’ARN servant de patron ; lors de la troisième, les protéines synthétisées<br />

s’avèrent de meilleures enzymes et, enfin, l’ADN apparaît.<br />

Cette proposition, encore souvent admise dans ses grandes lignes, n’en<br />

est pas moins l’objet de débats. Très rapidement après sa parution, des critiques<br />

furent formulées : quelles sont les conditions de milieu compatibles avec<br />

l’existence d’ARN en solution ? <strong>Les</strong> molécules nécessaires au fonctionnement<br />

du système doivent être disponibles à proximité. Quand les membranes sont<br />

elles apparues ? Quand et comment le code génétique est-il apparu ? 36<br />

L’hypothèse du monde ARN ne dispense effectivement pas d’un questionnement<br />

sur les systèmes préalablement présents. L’ARN est en effet lui-même<br />

très complexe et il semble improbable qu’il puisse constituer le premier système<br />

33. Gilbert (1986), “Origin of Life : The RNA world”, Nature, 319 @.<br />

34. Parties non codantes d’ADN présentes dans la séquence d’un gène.<br />

35. Ou « éléments transposables ». Parties d’ADN changeant d’emplacement dans la<br />

molécule d’ADN.<br />

36. Joyce (1991), “The Rise and Fall of the RNA World”, Nature, vol. 3.

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