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Les mondes darwiniens

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[pa s c a l picq / les dessous de l’hom i n isation]<br />

propos des paradigmes dominants, ces connaissances ne se veulent pas une<br />

réfutation des autres modes de pensée 7 . Si ces connaissances leur posent des<br />

problèmes, c’est leur problème. Rappelons – et c’est fondamental – que ces<br />

connaissances sont validées par une communauté de femmes et d’hommes<br />

engagés dans la science, mais de différentes cultures, de différentes éducations<br />

philosophiques et politiques, et croyants ou non-croyants. Face à cela, on<br />

constate une levée de boucliers de plus en plus agressive de courants de pensée<br />

qui prétendent imposer leur vérité ou leurs postulats aux autres modes de<br />

pensée. Il s’agit de dogmatisme puisque l’immunité épistémique ne fonctionne<br />

que dans un sens, injectif donc, pas dans l’autre, non bijectif. Car, franchement,<br />

quelle différence y a-t-il entre le littéralisme des créationnistes se revendiquant<br />

des textes sacrés et ces philosophes qui pérorent, sur la base de textes datés,<br />

c’est-à-dire écrits dans des contextes dépassés d’un point de vue historique,<br />

social et scientifique ? Pour l’anthropologue évolutionniste et attentif aux<br />

avancées des connaissances en éthologie, il est stupéfiant de constater qu’à<br />

la lecture de la plupart des livres de philosophie s’adressant à la question de<br />

l’Homme et de l’animal 8 , ne sont cités que des philosophes, jamais les naturalistes,<br />

et très rarement les livres de Charles Darwin. Toujours cette « immunité<br />

épistémique » entre le domaine de la raison et celui de l’objectivisme.<br />

Pour revenir à l’hominisation, Teilhard, comme Piveteau, en ont fait une<br />

réflexion ouverte sur le monde et la connaissance. Certes, ni l’un, ni l’autre<br />

n’appréciaient vraiment la théorie de l’évolution au moyen de la sélection<br />

naturelle. Même Julian Huxley, ami de Teilhard et inventeur de l’expression<br />

« théorie synthétique de l’évolution », renoue avec cette inclination ontologique<br />

en plaçant l’Homme dans une classe distincte par l’esprit, les Psychozoa.<br />

En fait, la plupart des évolutionnistes, même Alfred Russel Wallace ou encore<br />

Thomas Huxley, hésiteront à franchir le pas d’une démarche matérialiste totale<br />

proposée par Charles Darwin. Celui-ci en avait pleine conscience puisque,<br />

comme il l’écrivit à son ami Joseph Hooker en 1844 – déjà –, il se fait l’effet<br />

de « commettre un meurtre », le meurtre de la métaphysique doublé d’un<br />

meurtre ontologique, avec une victime sans corps. Tel est, en continuant de<br />

jouer sur les mots, le corps du délit ou de lèse anthropocentrisme.<br />

7. Cf. Picq, « L’Homme est-il le seul animal politique ? », in J.-L. Guichet (dir.), Usages<br />

politiques de l’animalité, L’harmattan, 2008.<br />

8. de Fontenay, Le silence des bêtes, Fayard, 1998. de Fontenay, Sans offenser le genre<br />

humain, Albin Michel, 2008.

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