22.06.2013 Views

Les mondes darwiniens

Les mondes darwiniens

Les mondes darwiniens

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

119 / 1576<br />

[philippe h u n e man / sélection]<br />

existent (modèles Fisher-Wright en génétique des populations, modèles de la<br />

sélection fréquence-dépendante tels que celui de Clarke et O’Donald, modèles<br />

de Lotka-Volterra en écologie de la prédation, etc.), mais leur application à la<br />

biologie réelle exige de connaître le contexte historique, et à la différence de<br />

la physique, n’entraîne pas de généralités nomothétiques semblables aux lois<br />

qui lient matière et énergie.<br />

Dans le même temps, quelles que soient leurs faiblesses, les formulations<br />

générales de la sélection naturelle évoquées dans la section 1 établissent que<br />

celle-ci serait valable dans beaucoup d’autres <strong>mondes</strong> possibles pourvu que<br />

certaines conditions assez simples soient remplies. En ce sens, elle est absolument<br />

universelle. À côté des énoncés biologiques, qui tous se limitent à des<br />

espèces, à des clades, ou à des périodes de l’histoire de la vie, il semble donc<br />

que le principe de sélection naturelle – au sens de : si une collection d’entités<br />

vérifie telles et telles conditions, elle subira la sélection naturelle – ressemble<br />

à une loi naturelle. Néanmoins, on peut douter de cette conclusion hâtive.<br />

Certes, le principe de sélection naturelle est universel, et certes, il vaut pour<br />

d’autres <strong>mondes</strong> possibles que le nôtre, ou encore, dans la langue des philosophes<br />

des sciences, il supporte les contrefactuels (si des entités ne satisfaisaient<br />

pas une des conditions, elles ne seraient pas sélectionnables ; et s’il n’y avait<br />

pas eu de sélection du tout, alors une des conditions n’aurait pas été réalisée),<br />

ce qui fait partie des choses que l’on exige des lois de la nature. L’universalité<br />

en question s’étend même au-delà des <strong>mondes</strong> possibles nomothétiquement<br />

identiques au nôtre (c’est-à-dire partageant les lois fondamentales de la physique<br />

et différant par les conditions initiales), ce que ne sauraient pas faire les lois de<br />

la physique elles-mêmes. Mais si l’on regarde de plus près, la sélection naturelle<br />

se comporte-t-elle comme des lois familières telles que la loi de la gravitation ?<br />

Celle-ci donne une formulation réglée du comportement de deux objets en fonction<br />

de deux propriétés, la masse et la distance. De manière générale, les lois<br />

de la nature incluent dans leur formulation la liste des propriétés dont le fait de<br />

les avoir ou pas, et le degré où on les a, suffisent à déterminer les valeurs des<br />

variables contenues dans la loi 99 . Pour la sélection naturelle, l’ennui est que son<br />

99. Certains philosophes (Dretske, 1977, “Laws of nature”, Philosophy of Science, 44<br />

@, ou bien Tooley et Armstrong) ont même soutenu qu’une loi, avant d’être un<br />

énoncé général qui concerne des individus, est un énoncé singulier qui lie des<br />

propriétés (par exemple la gravitation est un énoncé singulier qui lie masse et<br />

distance). Cette position évite les difficultés abyssales apparaissant quand on veut<br />

spécifier sérieusement ce qui sépare un jugement universel accidentellement vrai

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!