22.06.2013 Views

Les mondes darwiniens

Les mondes darwiniens

Les mondes darwiniens

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

1144 / 1576<br />

[les mon des <strong>darwiniens</strong>]<br />

La psychologie évolutionniste constitue un développement des sciences<br />

cognitives 1 et, à ce titre, elle a hérité de celles-ci les idéalisations qui ont permis<br />

son développement, notamment le postulat que les capacités cognitives se<br />

réduisent ultimement à (ou émergent de) l’activité du système nerveux central,<br />

et de lui seulement. Bien sûr, le cerveau évolué reçoit de l’information de<br />

l’environnement par ses senseurs et peut changer l’état de l’environnement par<br />

ses effecteurs, notamment par l’action motrice, ce qu’on associe au système<br />

nerveux périphérique, mais ces relations à l’environnement doivent selon ce<br />

postulat être conçues comme des entrées et des sorties du système pertinent,<br />

et non comme constituant celui-ci. Le postulat de l’identité esprit-cerveau<br />

offre une frontière commode pour chercher les composants (leurs propriétés<br />

et interactions) responsables des capacités cognitives. Jusqu’à récemment, ce<br />

postulat a reçu peu d’attention, car, justement, il n’était pas conçu comme une<br />

idéalisation : le dualisme métaphysique, qui caractérisait la psychologie des<br />

xvii et xviii e siècles et qui entachait encore celle du xix e , ayant été abandonné<br />

à la faveur d’une position résolument matérialiste, à quel système autre que le<br />

cerveau pouvait se réduire l’esprit (ou en émerger) ? La tâche des philosophes<br />

de l’esprit du xx e siècle se limitait alors à comprendre le type de relation que<br />

l’esprit entretenait au cerveau : identité entre types, identité entre occurrences,<br />

survenance, émergence 2 .<br />

L’arrivée des conceptions embodied (incarnées 3 ) et situées de l’esprit a mis<br />

au jour le statut de la thèse de l’identité esprit-cerveau comme idéalisation<br />

fondamentale des sciences cognitives. Loin de revenir au dualisme métaphysique<br />

dont le rejet a motivé l’adoption de la thèse, les conceptions embodied<br />

et situées proposent d’étendre le système physique responsable de l’émergence<br />

de l’esprit non seulement au système nerveux entier (incluant donc le<br />

système nerveux périphérique), mais également, dans certains cas, au reste<br />

du corps, notamment la musculature et le système endocrinien, et même à<br />

l’environnement immédiat. Pour marquer en tant qu’idéalisation la thèse de<br />

1. Cosmides & Tooby (1994), “Beyond Intuition and Instinct Blindness : The Case of<br />

an Evolutionary Rigorous Cognitive Science”, Cognition, 50 @. Pinker (1997), How<br />

the Mind Works, Norton @.<br />

2. Cf. Fisette & Poirier (2000), Philosophie de l’esprit, état des lieux, Vrin.<br />

3. Selon une conception incarnée de l’esprit, la nature de l’esprit dépend du corps.<br />

Différents partisans de la conception en tireront différentes conséquences sur le plan<br />

ontologique ou épistémologique. Cf., par exemple, Varela et al. (1999), L’inscription<br />

corporelle de l’esprit, Seuil ; Clark (1997), Being There, MIT Press @.

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!