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Les mondes darwiniens

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[jérôm e r avat / m o r a l e darwi n i e n n e et d a r w i n i s m e m o r a l]<br />

La socialité, pour Darwin, commence donc à l’échelle individuelle. Elle<br />

repose sur les instincts de l’individu, et se manifeste pour ce dernier sous<br />

la forme du plaisir et de la peine. Mais selon quelles modalités précises ces<br />

instincts sociaux peuvent-ils donner naissance à la moralité humaine ? Tel est<br />

le point que nous allons à présent examiner.<br />

3 L’émergence du sens moral au sein de l’espèce humaine<br />

3.1 Sélection de groupe et altruisme réciproque<br />

Si les instincts sociaux se retrouvent aussi bien dans l’espèce humaine que<br />

chez les autres animaux, comment expliquer précisément l’émergence du sens<br />

moral au sein de l’humanité ? C’est en procédant à un examen du mode de vie<br />

social des ancêtres de l’homme, en utilisant la théorie aujourd’hui nommée<br />

« sélection de groupe », que Darwin tente de répondre à cette question11 .<br />

Si l’on conçoit que les ancêtres de l’homme vivaient dans des tribus séparées,<br />

on peut imaginer, affirme Darwin, que le fait de posséder des habitudes<br />

morales pouvait donner un avantage sélectif aux membres de certaines tribus.<br />

En effet, si l’on envisage une compétition entre les tribus, on peut en déduire<br />

que celles dont les membres possèdent certains instincts sociaux, tels que<br />

la fidélité au groupe, l’obéissance, le sens du sacrifice pour la communauté,<br />

remporteraient la victoire face aux autres tribus. Imagions deux tribus (appelons-les<br />

la tribu A et la tribu B) en compétition sur un territoire donné. Si la<br />

tribu A n’est composée que d’égoïstes cherchant désespérément leur propre<br />

survie, n’ayant aucune tendance à aider le groupe, et si la tribu B est composée,<br />

pour reprendre les termes de Darwin, d’individus possédant « l’esprit de<br />

patriotisme, de fidélité, d’obéissance, de courage et de sympathie » (LFH, p.<br />

221), il est fort probable, affirme Darwin, que c’est le groupe B qui l’emportera.<br />

Le sens moral (au même titre que les capacités rationnelles, ou l’habileté<br />

technique) constitue donc une des aptitudes ayant permis à certaines tribus<br />

de s’imposer dans le passé de l’espèce humaine. Et les tribus dans lesquelles<br />

le sens moral était insuffisamment développé ont été en quelque sorte « éliminées<br />

» de la compétition. Comme l’explique Darwin, « […] bien qu’un haut<br />

niveau de moralité ne donne qu’un avantage léger ou nul à chaque homme<br />

individuel ou à ses enfants sur les autres hommes de la même tribu, néanmoins<br />

un accroissement dans le nombre d’hommes bien doués et un avancement<br />

11. Cf. Clavien, ce volume.

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