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Les mondes darwiniens

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[stéphan e t i r a r d / v i e]<br />

lement, dans leur structure, dans leurs formes extérieures, des fonctions de<br />

la dissymétrie cosmique 8 ». Cette affirmation isole le vivant du monde moléculaire<br />

symétrique, c’est-à-dire du monde inerte, et impose une continuité<br />

au sein du vivant qu’il résume en poursuivant par cette affirmation : « La vie,<br />

c’est le germe et le germe, c’est la vie 9 ». Cette conviction structurera plusieurs<br />

de ses travaux ultérieurs. Ainsi, dans le débat sur la nature des ferments, il<br />

adosse ses interprétations sur les mêmes conceptions et conclut que seul le<br />

vivant peut produire les transformations observées. Enfin, sa position dans la<br />

célèbre controverse sur les générations spontanées conforte magistralement<br />

cette idée d’une frontière infranchissable, la vie ne pouvant provenir que de la<br />

vie, que du germe, et il estime par ses expériences avoir porté à la génération<br />

spontanée un coup mortel dont elle ne se relèvera pas.<br />

Tout autant qu’un résultat structurant pour la biologie, l’impossibilité des<br />

générations spontanées est un fait qui impose la nécessité d’envisager un<br />

champ problématique rénové pour concevoir l’origine du vivant. La matière<br />

qui constitue ce dernier est de toute évidence de la même nature que celle<br />

qui compose les corps inertes, mais la complexité de son organisation et des<br />

mécanismes en jeu interdit d’espérer voir émerger la vie au laboratoire 10 . C’est<br />

bien, une nouvelle fois, de la complexité du vivant dont il est question. Claude<br />

Bernard constatait cette complexité et en faisait une caractéristique du vivant,<br />

à la fois objectif de l’étude et contrainte inévitable pour l’expérimentateur ;<br />

Pasteur, pour sa part, associe ces deux aspects, mais pour ériger une limite<br />

entre le l’inerte et le vivant, ce dernier étant étudiable par les méthodes de<br />

la physique et de la chimie, mais sa complexité restant, pour lui, en partie<br />

irréductible.<br />

1.5 La recherche des bases physiques de la vie<br />

En 1868, Thomas Huxley, qui, outre le fait qu’il était l’un des principaux soutiens<br />

de Darwin, était avant tout un zoologiste et un physiologiste, a rassemblé<br />

ses idées sur la matière du vivant dans une conférence intitulée On the Physical<br />

Basis of Life @. C’est en fait de la limite pastorienne dont il est question. Huxley<br />

est en effet opposé aux générations spontanées et dans son étude sur la matière<br />

8. Pasteur (1994), « La dissymétrie moléculaire » @, in Écrits scientifiques et médicaux,<br />

Garnier-Flammarion, p. 38.<br />

9. Ibid.<br />

10. À propos des travaux actuels visant à « reconstruire » le vivant en laboratoire, cf.<br />

Heams sur la biologie synthétique, ce volume.

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