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Les mondes darwiniens

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272 / 1576<br />

[les mon des <strong>darwiniens</strong>]<br />

ces perfectionnements de génération en génération, à sa postérité et dans les<br />

siècles des siècles ?<br />

On trouve ici, chez le grand-père de Charles, l’idée de filiation des êtres<br />

inscrite dans un temps long, et la transformation des espèces avec transmission<br />

des modifications à la descendance. Le travail d’Erasme Darwin manquait<br />

cependant de base observationnelle. Qui dit filiation dit généalogie. La généalogie<br />

est une figure représentant des lignes entre des parents et des descendants<br />

identifiés. Si cette généalogie est évidente au sein de l’espèce comme<br />

représentant légitimement les liens familiaux entre individus, elle devient plus<br />

abstraite s’il s’agit de représenter des liens d’ancêtres à descendants entre<br />

populations, sous-espèces, et marque une révolution conceptuelle si ces liens<br />

sont représentés entre espèces ou entre entités taxonomiques de plus haut<br />

rang. C’est l’horticulteur Antoine Nicolas Duchesne qui franchit le pas le premier<br />

en 1766 en publiant une généalogie des fraisiers. Georges Buffon publia<br />

bien une carte généalogique des chiens en 1755, mais resta au seuil d’une<br />

véritable généalogie des espèces, ballotté qu’il était entre une conception<br />

de la « dégénération » des espèces et une négation de celle-ci justifiée par<br />

un recours à la révélation. Cependant, en 1766, la métaphore généalogique<br />

appliquée aux espèces semble poindre chez lui et prendre le dessus :<br />

Une considération très importante et dont la vue est très étendue, c’est celle<br />

du changement des espèces-mêmes, c’est cette dégénération plus ancienne et<br />

de tout temps immémoriale qui paraît s’être faite dans chaque famille ou, si<br />

l’on veut, dans chacun des genres sous lesquels on peut comprendre les espèces<br />

voisines et peu différentes entre elles ; nous n’avons dans tous les animaux<br />

terrestres que quelques espèces isolées, qui, comme celle de l’Homme, fassent<br />

en même temps espèce et genre ; l’éléphant, le rhinocéros, l’hippopotame, la<br />

girafe forment des genres ou des espèces simples qui ne se propagent qu’en<br />

ligne directe et n’ont aucune branche collatérale ; toutes les autres paraissent<br />

former des familles dans lesquelles on remarque ordinairement une souche<br />

principale et commune, de laquelle semblent être sorties des tiges différentes<br />

et d’autant plus nombreuses que les individus dans chaque espèce sont plus<br />

petits et plus féconds. […] Sous ce point de vue, le cheval, le zèbre et l’âne sont<br />

tous trois de la même famille ; si le cheval est la souche ou le tronc principal, le<br />

zèbre et l’âne seront des tiges collatérales ; le nombre de leurs ressemblances<br />

entre eux étant infiniment plus grand que celui de leurs différences, on peut les<br />

regarder comme ne faisant qu’un même genre, dont les principaux caractères<br />

sont clairement énoncés et communs à tous trois.<br />

On remarque dans ces écrits que si la généalogie des espèces n’est pas<br />

dessinée, elle est écrite. <strong>Les</strong> mots « branche », « souche », « tronc », « tige »

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